Les Avadânas, contes et apologues indiens/102

Traduction par Stanislas Julien.
Paris B. Duprat (2p. 92-94).


CII

L’HOMME ET LE RAT DORÉ.

(De ceux qui courent au-devant de leur perte.)


Jadis, il y avait un homme qui, en voyageant, prit au milieu du chemin un rat doré[1]. Il en fut ravi de joie et le cacha dans son sein. En continuant sa route, il arriva au bord d’une rivière. Pour passer l’eau, il voulut ôter ses vêtements et les poser par terre. Mais, au même instant, le rat doré se changea en un serpent venimeux. Cet homme fit de profondes réflexions et se dit : « Me laisserai-je tuer par la piqûre d’un serpent venimeux ? Il faut que je le rejette de mon sein. »

À peine avait-il exécuté cette résolution, que le serpent se changea en or. Un homme d’un esprit borné, qui se trouvait près de lui, ayant vu que le serpent venimeux s’était changé en or pur, s’imagina que cette métamorphose durerait toujours. Il prit donc le serpent venimeux et le mit dans son sein ; mais il fut mordu par le serpent venimeux et mourut sur-le-champ.

(Extrait du Livre des cent comparaisons, Pe-yu-king, partie II.)
  1. Il y a en chinois Kin-chou, littéralement rat d’or. J’ai adopté le nom de rat doré parce que je vois le mot kin employé adjectivement dans les noms d’une multitude d’animaux, tels que le lion, le lièvre, le renard. Il est évident, qu’ici le rat doré doit être considéré comme un animal fabuleux. On lit, en effet, dans le dict. P’ing-tseu-louï-pien, livre LXXIII, fol. 33 : Dans le pays de Nan-kang, le mont Ing-chan offrait une grotte qu’on appelait la salle d’or (Kin-thang). De temps en temps, on y voyait apparaître des rais dorés.
    (Note du traducteur.)