Albert Méricant (p. 283-286).

XXIX

L’Agonie

Et pendant dix jours ce fut un calvaire. Toujours entre ces deux agonisants, Fiamette connut les plus lourdes heures de son existence.

Nora pensait mourir à tout instant. D’effroyables crises de toux lui déchiraient la poitrine ; elle ne se soutenait plus que par l’extraordinaire tension de ses nerfs.

Le vide s’était fait autour de la malade. Le dernier amant avait fui, peu soucieux d’assister à cette fin, de contempler ce visage effrayant de morte amoureuse, où les yeux imploraient encore une charité tendre.

— Tu vois ce que sont les hommes ! disait Nora. Celui-là, pourtant, je l’ai bien chéri, et jamais je ne lui ai rien demandé… Oui, c’est celui que j’ai le plus aimé, et c’est celui qui m’a le plus fait souffrir !… Garde ton cœur, petite !

— Bah ! répondait tristement Fiamette, mieux vaut encore se donner et pleurer… La vie est trop laide sans amour !…

— Peut-être as-tu raison… et puis, on croit toujours qu’on est aimé, quand même, que les sacrifices amènent la reconnaissance… Il faut mourir pour perdre l’illusion dernière ;… heureusement qu’on ne meurt qu’une fois… On serait si heureux, pourtant, avec un peu de justice et de bonté !

— Ne parle pas, disait Fiamette, le médecin l’a défendu.

— Oui, parce que cela me fait tousser, et que je passerai dans une crise plus forte.

— Je t’assure…

— Oh ! ne cherche pas à mentir… Si tu savais comme ça m’est égal !…

Après un moment de silence, empli de rêveries mélancoliques, elle demandait :

— Et André ?…

Fiamette, alors, racontait sa visite de la journée, ne se lassait pas de donner des détails.

— Figure-toi que Jacques n’est pas venu une seule fois prendre de ses nouvelles !… Et, pourtant, il lui doit la vie… Ce coup de couteau lui était destiné.

— Comment le sais-tu ?…

— Par la petite Zélie qui m’a tout raconté… Oh ! la charmante et douce créature !… Il paraît qu’André toujours lui parlait de moi !… Elle a été bien malheureuse !

— Je ferai quelque chose pour elle, dit Nora, si elle est vraiment si intéressante.

— Plus que tu ne saurais croire…

Et Fiamette disait l’odyssée de la pierreuse, les mauvais traitements qu’elle avait subis, les exigences de sa sœur Lucienne et du grand Charles, qui la rouaient de coups lorsqu’elle n’avait pas accompli sa besogne honteuse.

Mais la Comète s’assoupissait, et son visage terreux, déjà recouvert du masque de la mort, angoissait la jeune femme qui s’agenouillait au pied du lit, fermait les yeux pour oublier la vision effroyable, cherchait dans sa mémoire quelques bribes de prières, et, fervemment, implorait le ciel pour la guérison de ces deux êtres chers : son amant et son amie.