Plon-Nourrit et Cie (2p. 87-88).


XXX


Après le dîner, Galehaut retourna chez le roi Artus. Là, messire Gauvain, que ses blessures tenaient au lit, lui demanda qui avait fait la paix entre lui et le roi, et il répondit que c’était un chevalier.

— N’est-ce pas le chevalier aux armes noires ? demanda la reine.

— Oui.

— Et quel est son nom ?

— Dame, je ne sais.

— Comment ! fit le roi, vous ne le connaissez pas ? Il n’est point de ma terre, car il ne s’y trouve pas un preux dont je ne sache le nom. Et pour avoir la compagnie de celui-là, je donnerais la moitié de tout ce que je possède, hormis le corps de cette dame, dont je ne ferais part à personne.

— Moi, dit messire Gauvain, je voudrais être la plus belle demoiselle du monde pour que le chevalier aux armes noires m’aimât toute sa vie.

— Et vous, dame, demanda Galehaut à la reine, que donneriez-vous pour qu’un tel chevalier fût toujours à votre service ?

— Par Dieu, Gauvain a offert tout ce qu’une dame peut offrir !

En entendant cela, ils se mirent à rire, et la reine se leva pour se retirer. Elle pria Galehaut de la reconduire et, quand ils furent un peu à l’écart, elle lui dit vivement :

— Galehaut, je vous aime beaucoup et je ferais pour vous plus que vous ne pensez. Certainement, vous avez le chevalier noir chez vous ; et il se pourrait que je le connusse déjà. Si vous avez quelque amitié pour moi, faites que je le voie !

— Dame, il n’est point mon homme lige.

— C’est, le chevalier que je voudrais le plus connaître… Et qui ne voudrait connaître un si prud’homme ? Il ne se peut que vous ne sachiez où il est. Ne me le voulez-vous dire ?

— Dame, je pense qu’il est en mon pays.

— Ha, beau doux ami, envoyez-le quérir ! Qu’on chevauche jour et nuit !

Là-dessus, Galehaut la quitta et vint conter à son compagnon tout ce qu’on avait, dit de lui ; puis il lui demanda ce qu’il devait répondre à la reine.

— Que sais-je ! répliqua Lancelot en soupirant.

Mais Galehaut lui conseilla de la voir, et il y consentit.