Les Amours, galanteries et passe-temps des actrices/07

, Une Bayadère de l’opéra
A Couillopolis. 1700 [i.e. ca 1833] (p. 47-51).




CHAPITRE VII.

Mademoiselle Léontine Fairai.


Avant de commencer je dois faire ici en quelque sorte ma profession de foi, je ne suis pas plus prude qu’une autre, mais j’ai toujours pensé que quoique femme de théâtre on devait au moins garder quelque réserve dans les incartades qu’on est susceptible de faire et ne pas s’afficher hautement, c’est une règle de laquelle je me suis rarement écartée, qui m’a valu l’espèce de réputation de sagesse dont je jouis et qui a fait dire de mon père qu’il avait toujours en poche l’honneur de sa fille sur papier timbré. Hélas ! combien de femmes et des plus hupées ne doivent leur réputation d’honnêteté qu’aux apparences et au mystère dont elles savent couvrir leurs intrigues. Croyez-moi pourtant, mesdames, au théâtre même, être bien famés vaut quelque chose ; ceci posé j’aborde mon récit et vais vous conter dans quelle situation de ma vie j’ai éprouvé le plus de plaisir.

Depuis long-temps j’avais remarqué comme un des spectateurs les plus assidus du Gymnase, et toujours placé au premier banc de l’orchestre, un jeune homme de la tournure la plus distinguée ; sa belle et pâle figure me frappait toujours lorsque j’entrais en scène, ce jeune homme m’intéressait et je ne remarquais pas sans un secret plaisir que sa vue était constamment fixée sur moi, et quand je parlais, il semblait que son âme entière fut suspendue à mes lèvres et un jour je m’aperçus que dans le rôle d’Yelva je lui avais arraché des larmes. Oh ! quelles choses ses yeux ne me dirent-ils pas ce soir-là, le lendemain je le vis s’approcher de moi à la sortie du spectacle et comme je me prêtai un peu à la circonstance, il trouva moyen de me glisser un billet dans lequel il m’apprenait sa passion dans des termes les plus brûlans ; sa lettre se terminait ainsi : Simple étudiant en médecine, je sais combien ce titre me donne peu de droits à vos faveurs et pourtant, aimable Léontine, je meurs si vous ne me répondez.

Pauvre jeune homme, fallait-il le laisser mourir quand je pouvais d’un mot le rendre si heureux ; de la nuit je ne pus dormir et dès le lendemain matin j’accomplis le dessein que j’avais arrêté d’aller moi-même porter ma réponse, sous prétexte d’aller au bain je m’habillai avec simplicité et me dirigeai vers le quartier Latin à l’adresse que mon jeune adorateur m’avait indiquée, les six étages que j’avais à monter ne m’effrayèrent pas, que ne peut l’amour, je frappe au hasard à une petite porte située au fond d’un corridor obscur, on ouvre, c’était bien là, quelle douce surprise pour le pauvre jeune homme, il ne savait en quels termes me peindre sa joie. Après la démarche que je venais de faire, j’aurais eu mauvaise grâce à jouer le rôle de bégueule, je me laissai entraîner sur les genoux de mon Alfred (c’était son nom). Il ne pouvait se rassasier de m’accabler de baisers, je les lui rendis avec usure ; il vit bien qu’il pouvait oser, c’est pourquoi il mit bientôt à découvert le sceptre qu’il destinait à celle qu’il nommait sa reine et me faisant asseoir sur lui jambe de-ci, jambe de-là, il me releva jupes et chemise et tandis que mes deux bras passés à son cou, mes lèvres sur ses lèvres, je l’étreignais étroitement, il appliqua ses deux mains sur mes hanches, je sentis alors s’introduire jusqu’au fond de mes entrailles son membre ardent, quels ravissemens nous eûmes alors, de temps en temps il me claquait doucement les fesses pendant que je piquais des deux ma monture ; tous les feux de la volupté circulaient dans mes veines c’étaient entre nous les plus amoureuses exclamations.

Pl 50.  
Amours, galanterie et passe-temps des actrices, Pl. 50
Amours, galanterie et passe-temps des actrices, Pl. 50
Quels ravissemens nous eûmes alors.

Oh ! ma Léontine, me disait-il, que le plaisir te paie de la jouissance inespérée que tu n’as pas dédaigné me donner… tiens… ah ! ah !… reçois… l’expression de… ma… gratitude. Ah ! ah !… je me sentis dans le même instant toute inondée de volupté, ne voulant pas demeurer en reste j’accélérai mes mouvemens et j’arrivai au but en même temps que mon jeune amant, excité par mes transports y arrivait une seconde fois. Nous réitérâmes trois fois ce jeu charmant, j’appris cette fois-là que la véritable volupté ne peut être que dans un amour désintéressé, et quand plus tard j’entrai en liaison avec le duc de Ch je lui fis plus d’une fois infidélité pour mon simple et modeste étudiant en médecine.



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