L. Borel (Collection Myosotisp. Pl.-30).

I

L’AGORA DE MYTILÈNE

C’était un matin de printemps, la troisième année de la xlive olympiade[1]. Sous les feux ardents du soleil, déjà haut sur l’horizon, l’opulente Mytilène, aux blanches terrasses, étincelait le long des flots bleuâtres.

Elle s’allongeait dans une étroite plaine, que dominaient des collines couvertes de vignes rampantes, parmi de robustes oliviers.

Au nord de la ville, se creusait un port qu’une jetée d’énormes roches abritait contre les flots. De gros navires, aux flancs rebondis, pressés les uns contre les autres, y formaient avec leurs mâts sans voiles comme une étrange forêt dépourvue de feuillage.

Vers le sud, dans une petite anse, de longues barques servant à la pêche, mais tirées alors à moitié hors de l’eau, s’allongeaient, échouées sur le sable d’argent.

Entre ces deux points, en face de la cité, et séparée de celle-ci par un bras de mer, une petite île dressait, au milieu des vagues blanchissantes, les remparts d’une forteresse qui paraissait imprenable.

C’est là que s’étaient fixés jadis les premiers habitants de l’antique Mytilène.

Maintenant, par toute l’étendue de la ville nouvelle, retentissaient des bruits divers. On entendait la flûte en roseau du pâtre conduisant, à travers les rues étroites, ses chèvres aux mamelles gonflées. Des portes entr’ouvertes s’échappait la chanson monotone qu’on répétait, dès l’aurore, dans chaque ménage, en s’occupant à moudre le blé de la journée :

Tourne, meule, tourne pour broyer
Le froment qui donne la vie…

Des gens cuisaient leur pain et chantaient aussi. Sur le seuil, assises, des femmes âgées filaient de la laine ; et leurs langues hésitantes priaient les Parques de ne point briser encore le fil de leur existence.

Des enfants, réunis par troupes, devant les portiques des citoyens riches, disaient de leurs voix fraîches la Chanson de l’Hirondelle :

L’hirondelle est venue ; la voici, l’hirondelle !
Blanche sous le ventre et noire sur le dos.
Elle amène les beaux jours et la saison vermeille.
De ta maison bien fournie, sors un cabas de figues,
Une jatte de fromage et une coupe de vin.
L’hirondelle aime le pain de froment.
Et mieux encore le gâteau que dore le jaune d’œuf.
Nous laisseras-tu partir sans rien ?
Nous donneras tu quelque chose ?

Si tu refuses, nous ne te laisserons pas tranquille ;
Mais, si tu donnes, grand bien te fasse.
Outre vite, ouvre à l’hirondelle qui arrive,
En t’amenant les beaux jours,
Et qui se tient, de ses pattes grêles,

Accrochée au linteau de ta porte.
Ouvre-nous aussi : car nous ne sommes pas
Des vieillards, — mais des enfants.

À moitié chemin entre les deux ports, dans la vaste agora, une foule bruyante s’agitait autour de marchands en tous genres.

La place s’ouvrait sur la mer, d’où venait une brise rafraîchissante, aux émanations salines.

Le long des trois autres côtés, des colonnades, faites d’un marbre blanc, apporté de Paros, prolongeaient leurs fûts élancés, que surmontaient des chapiteaux ornés de cannelures, des frises où couraient des feuillages de myrte, sculptés d’un art délicat et s’enlevant, avec leur couleur naturelle, sur un fond doré.

Aux voûtes des longues galeries, des rosaces peintes en vermillon ressortaient çà et là sur un fond d’azur, qui semblait se confondre au loin avec le bleu transparent du ciel.

Sous ces portiques, à l’écart des flots populaires, se promenaient des hommes, seuls ou en groupes, et de nombreuses jeunes femmes.

Les premiers allaient, solennels ou enjoués, selon leur caractère, mais d’une allure toujours rythmique, drapés dans les plis harmonieux de leur tunique flottante, teinte de safran ou de pourpre ; ils portaient, tous, les cheveux longs et frisés. Les plus élégants avaient, selon la mode ionienne, des pendants d’or aux oreilles ; et les efféminés, émules de Ganymède, se reconnaissaient, lorsqu’ils marchaient, à leur mol balancement.

Quant aux femmes, le sourire fleuri sur leurs lèvres rouges et les yeux brillants, les unes blondes comme des épis mûrs, les autres brunes ainsi que l’ébène, sous les fines draperies brodées d’or qui s’enroulaient étroitement autour d’elles, on voyait se dessiner les formes captivantes de leur corps.

Parmi ces promeneurs, un homme, qui paraissait être dans la force de la jeunesse, grand, élancé, le regard lumineux, parlait avec fougue, en s’accompagnant d’amples gestes, à quatre compagnons debout devant lui. C’était le poète Alcée ; les autres, ses deux frères : Kikis et Antiménidas ; puis son ami, Mélanippès ; enfin un bel adolescent, son disciple, le jeune Lycos « aux yeux noirs », qu’il célébrait dans ses vers.

« Par la lance d’Arès, s’écria Alcée, je suis las de cette servitude ; et je brûle de voir ma cité respirer librement avec des chefs dignes d’elle. Depuis dix-huit années, nous nous débattons parmi des alternatives de tyrannie ou d’anarchie : tantôt nous gémissons, écrasés sous le talon d’un maître absolu ; tantôt nous nous déchirons dans des luttes intestines.

« Ah ! combien nous devons regretter le gouvernement paternel de jadis, alors que les citoyens les plus remarquables par leur état social ou par leur valeur personnelle, rivalisaient de zèle à s’occuper des intérêts généraux, dans une pensée commune, pour le bonheur, la richesse et la gloire du pays.

« Après l’autorité despotique de l’odieux Mélanchros, que nous avons pu renverser, pourquoi fallait-il qu’une longue période de troubles rendit possible l’avènement d’un nouveau tyran, plus infâme que le premier, cet ignoble Myrsilès, l’écume des sentines !

— Prudence ! murmura Mélanippès. Si quelque séïde du tyran entendait tes paroles, je ne donnerais pas une obole de ta tête.

— Notre ami a raison, confirmèrent les deux frères d’Alcée. À quoi bon s’exposer en pure perte au danger ? Quoique ton nom soit synonyme de violence, modère, du moins en public, l’énergie de tes discours.

— Le nom de mon maître Alcée indique aussi la force, déclara, souriant, l’aimable Lycos.

— Par Dionysos, voilà qui est bien, s’écria le poëte, en jetant sur son élève un regard affectueux. Aussi, tout à l’heure, jeune homme, t’emmènerai-je vider avec moi une coupe profonde de vin miellé, en l’honneur du printemps fleuri. Je pourrai alors, loin des oreilles indiscrètes et aussi des gens timides, inspirer à ton âme quelques ardeurs de liberté.

— Que dis-tu là ? répliqua Mélanippès, sur un ton ironique. Aurais-tu maintenant la prétention de nous enseigner le courage ?

— Je t’en féliciterais de tout mon cœur : car je me rappelais hier encore la pièce de vers si franche que tu m’as envoyée, le lendemain de cette fameuse bataille livrée contre les Athéniens, lorsque, dans l’ardeur de la mêlée, emporté par ta vaillance, tu jetas ton bouclier pour te sauver plus vite.

« Après cet heureux début dans la carrière d’Arès, tu m’écrivais ces mots :

« Alcée est sauf, mais non ses armes. Les Athéniens ont suspendu son bouclier dans le temple sacré de la déesse aux yeux brillants. » Il est vrai, d’autre part, je le dois reconnaître, le courage civique ne marche pas toujours de pair avec la valeur militaire ; de même, le plus brave guerrier peut se montrer un piètre citoyen. »

À l’évocation de ce souvenir peu glorieux, Alcée avait rougi ; ses yeux perdirent, un instant, leur assurance. Mais il se remit rapidement et répliqua d’un ton furieux :

« Par l’Hadès, si tu n’étais pas un ami d’enfance, je te rentrerais dans la gorge tes propos outrageants.

— Allons ! allons ! firent les deux frères de l’irascible poète. Alcée, Calme-toi, de grâce ! Mélanippès n’a pas eu le dessein de t’offenser.

« Vois sa mine contrite. Il regrette déjà cette mauvaise plaisanterie. Pardonne-lui et scellez la paix.

— Je veux bien, acquiesça Alcée, sur un ton boudeur ; mais à une condition !

— Laquelle ?

— C’est qu’il nous invitera tous les quatre à dîner ce soir, et qu’il me laissera alors parler à mon aise du tyran.

— C’est entendu, dit Mélanippès. Toutefois, pour le moment, mon ami, si tu le permets, nous aurons d’autres sujets de conversation. Voici, d’ailleurs, Myrsilès qui arrive avec ses mercenaires. Il vaut mieux ne pas prononcer son nom. »

Sur l’agora retentissante, un lourd silence était tombé soudain. Tout le monde s’écartait, en courbant la tête, devant une troupe de soldats thraces, armes de longues lances ainsi que de javelots, dont ils frappaient par coups espacés leurs boucliers de bronze.

Au milieu de ces gardes, sur une litière de bois précieux, orné d’ivoire, quatre femmes très belles et nues sous leur robe transparente promenaient l’indolent Myrsilès.

Celui-ci était coiffé d’une mitre resplendissante de pierreries et vêtu d’une tunique faite de cette étoffe précieuse, jaune et luisante comme de l’or tissé, que les caravanes apportaient de l’Orient le plus lointain. Il allongeait paresseusement son corps sur un matelas de pourpre.

À sa droite, un éphèbe soutenait des deux mains un vaste parasol en étoffe blanche, afin de protéger la tête du tyran contre les ardeurs du soleil ; à sa gauche, un autre adolescent balançait avec lenteur un grand éventail en plumes d’autruche.

Myrsilès regardait, d’une façon hautaine, la foule inclinée sur son passage.

« Où va-t-il ? chuchotait-on à voix basse.

— Chez la poétesse Andromède, murmura quelqu’un mieux informé.

— N’a-t-elle point honte d’accorder ses faveurs à ce monstrueux personnage ? répétait-on, de groupe en groupe. C’est une honte pour les Muses. Ah ! ce n’est pas Sappho, sa glorieuse rivale, qui souillerait ainsi l’autel des Charites et d’Éros. »

Lorsque le cortège eut disparu dans l’une des voies qui s’amorçait à l’agora, un soupir de soulagement sortit de toutes les poitrines ; et l’animation reprit avec une ardeur d’autant plus vive que l’on avait dû se contenir un long moment.

Pendant cette scène, Alcée et ses amis s’étaient tenus, muets et immobiles, à l’ombre des portiques.

Le premier reprit la parole en ces termes :

« Avez-vous remarqué le silence menaçant du peuple ? La peur de Myrsilès ferme encore les bouches ; mais la haine gonfle les cœurs : et, à la moindre défaillance du tyran, tout le monde s’élancerait sur lui pour le déchirer ; de même les fauves, que le belluaire croit avoir domptés, se précipitent sur leur maître au premier faux-pas de ce dernier. Mais quels sont ces chants d’allégresse ? » ajouta le poète, en s’avançant dans la place, suivi de ses compagnons.

Du côté de la mer paraissait une théorie de jeunes filles, couvertes de longues robes blanches et couronnées de fleurs ; chacune d’elles portait du bras gauche et appuyait sur sa poitrine une lyre à sept cordes d’airain.

« C’est l’aimable Sappho, s’exclama Mélanippès. Elle conduit l’une de ses élèves vers la demeure de l’époux qui attend sa fiancée. »

La célèbre poétesse marchait avec un air décent, avec une grâce naturelle et vraiment délicieuse, au milieu des jeunes filles dont elle formait l’éducation artistique ; elle conduisait, par la main droite, la vierge rougissante, qui allait quitter son école de chant et de danse pour se consacrer désormais aux devoirs du mariage.

Sappho avait alors environ vingt-cinq ans. Elle était petite et brune, mais bien proportionnée. Les boucles noires de sa chevelure, ornée de myrtes et de roses, ombrageaient ses épaules et son dos.

On voyait ses seins fermes pointer sous l’étoffe légère de son ample robe violette, dont sa main gauche retenait les plis harmonieux ; dans un geste élégant, la coquette découvrait ainsi sa fine cheville et les courroies bariolées qui cachaient à demi la blancheur de ses petits pieds.

Derrière elle, une vierge, choisie parmi ses préférées, portait avec respect son plectre en ivoire, orné de perles et d’or.

« Elle est charmante, continua Mélanippès ; elle est presque aussi gracieuse qu’illustre : car sa renommée a pénétré déjà dans les régions les plus éloignées.

« Les principales cités de l’Hellade envoient à son école leurs jeunes filles les plus belles et les mieux douées dans l’art de composer des vers, de pincer habilement les cordes de la lyre et de danser avec volupté. Vers elle, on accourt de Milet, de Cyzique et même du rivage de la Pamphylie lointaine. Elle éclipse ses rivales, les autres maîtresses en poésie, connues cependant, telles que Gorgo, telles qu’Andromède, la favorite de Myrsilès. »

Pendant ce discours, le cortège nuptial s’était rapproché des portiques ; maintenant, Alcée et ses amis entendaient distinctement cette strophe que chantaient les vierges, en s’accompagnant sur la cithare :

Où sont les roses au violent parfum ?
Où sont les douces violettes ?
Où sont-ils ces beaux brins d’ache
Dont nous couronnerons la gracieuse Myrtis ?

Alors, de la foule rangée avec sympathie, partaient mille clameurs joyeuses. On criait :

« Gloire à Sappho ! qu’Éros protège Myrtis ! »

Beaucoup de personnes jetaient, sous les pas de la fiancée, les roses qui paraient leurs cheveux et les guirlandes de violettes suspendues à leur cou.

« Quel accueil ! s’exclamait Alcée.

— Quel accueil ! dis-tu, » répéta près de lui une voix pleine et sonore.

Le poète tourna la tête et reconnut l’arrivant.

C’était un homme de haute taille à la physionomie grave, à l’aspect imposant, et qui se drapait dans sa tunique pourpre, avec une dignité souveraine.

« Glorieux Pittacos, salut ! » fit le poète.

Mais le nouveau venu continuait : « Est-ce à toi, fils des Muses, est-ce à toi que je dois rappeler le charme vainqueur de l’esprit et de la beauté ? Ne saurais-tu pas que l’immortelle royauté de l’art séduit tous les cœurs, tandis que l’on souffre péniblement l’autorité brutale du glaive.

― Par les Charites, répliqua Alcée, tes paroles sont pétries de miel. Serais-tu par hasard devenu, toi aussi, comme bien d’autres, amoureux de Sappho ?

— Pas encore, répliqua en souriant l’illustre citoyen, que ses compatriotes vénéraient à l’égal d’un dieu : car il avait vaincu, dans un combat singulier, le redoutable Phrynon, général des Athéniens, et procuré de la sorte une paix honorable à Mytilène.

— Pas encore, disait Pittacos ; mais je ne puis répondre de l’avenir. Dans tous les cas, Sappho mérite notre estime et notre admiration.

— Comme poétesse, c’est possible ; mais, comme femme, elle me laisse indifférent.

— Oui ! nous connaissons tes préférences pour la beauté virile.

— Et je m’en fais gloire, s’écria Alcée. En effet, la femme la plus parfaite est toujours inférieure à un jeune homme qui nourrit, dans un beau corps, la force de l’intelligence et la pratique des vertus.

« D’ailleurs, combien trouve-t-on de femmes, je ne dirai pas sans défaut, mais supportables même à ceux qui les entourent ?

« Celle-ci, entêtée comme un âne cendré, accomplit seulement par contrainte ce qu’on lui ordonne. Celle-là, semblable à la chienne, fait entendre sa voix criarde de l’aurore au crépuscule et parfois encore au milieu de la nuit. Toujours bavardant, toujours criant, on ne la peut obliger à se taire, ni par menace, ni par douceur.

« Telle autre, inerte, sans force, est incapable du moindre effort ; elle ne peut rendre à son mari le plus petit service. Manger et quelquefois engendrer, c’est tout ce qu’elle sait faire.

« Une quatrième est aussi mobile que la mer : tantôt elle présente un visage calme et gai, en répandant la joie autour d’elle ; tantôt sa fureur éclate soudain, comme celle des flots retentissants. Alors elle devient insupportable ; on dirait une chatte à laquelle on veut enlever ses petits.

« Voyez ensuite la femme qui se néglige elle-même aussi bien que sa maison : sa demeure est sale ; tout y traîne à terre, en désordre. Quant à elle, craignant l’eau et couverte d’une robe malpropre, elle provoque le dégoût.

« La coquette, au contraire, évite tout travail qui pourrait nuire à la finesse de ses mains : elle n’aurait garde de toucher à la meule pour moudre le blé ; elle s’éloigne du four, de peur que la fumée ne brunisse son teint. Elle se baigne deux fois et même trois fois par jour. Le reste du temps, elle se parfume, peigne ou arrange sa chevelure, dont elle orne de fleurs les boucles épaisses. Les étrangers l’admirent ; mais son mari se ruine pour elle, à moins qu’il ne soit aussi riche qu’un roi de Lydie.

« Celui qui vit avec une femme ne peut passer en paix un jour entier. S’il reçoit cordialement un hôte qu’il estime, sa femme froissera ce dernier par niaiserie. Enfin, celle qui paraît la plus sage est souvent celle qui trompe le mieux son mari ; tandis que celui-ci se félicite d’avoir un pareil trésor, en vantant à son voisin l’honnêteté de son épouse, ce dernier rit sous cape : car il a surpris maintes fois cette vertueuse Pénélope recevant avec mystère, à sa porte, quelque galant empressé.

« Hésiode n’a-t-il pas dit que se fier à la femme, c’est se fier au voleur. La meilleure ne vaut donc rien, ou, du moins, que peu de chose.

« Combien l’homme supérieur trouve des satisfactions plus pures dans le commerce d’un jeune homme, dont il éclaire l’âme aux plus chauds rayons de la philosophie ! Car, pour moi, la beauté complète n’émane pas seulement du corps ; elle est aussi le rayonnement divin de toutes les perfections morales et intellectuelles ; et l’ensemble de ces perfections ne peut pas se trouver dans la femme.

« Entre deux hommes dont les âmes communient dans la recherche et la connaissance du beau, se produisent des amitiés indissolubles et plus nobles, assurément, que les plus ardentes amours. Faut-il rappeler Oreste et Pylade. Achille et Patrocle, Thésée et Pirithoüs, dont l’affection mutuelle doit nous servir d’exemple ?

— Plus tard, on parlera aussi d’Alcée et de Lycos, interrompit Pittacos. Mais ne vous semble-t-il pas que nous ressemblons à des cigales qui chantent tout le jour, sans boire ni manger. Je vous invite donc à m’accompagner jusqu’à mon logis, où nous pourrons nous rafraîchir et passer au frais les heures de la canicule, en attendant la fête qui doit avoir lieu, cette après-midi, dans le temple d’Héra.

— Quelle fête ? demandèrent Alcée et ses compagnons.

— Ah ! vous ignorez encore cette nouvelle. Eh bien, sachez que Myrsilès, pour distraire le peuple et lui-même aussi, sans doute, vient d’ordonner, pour cette après-midi, un concours de chant, de danse et de beauté. Là se produiront les plus belles femmes de Mytilène ; et je serais bien aise d’entendre Alcée critiquer leurs charmes.

« Mais, d’ici-là, nous avons quelques heures de loisir. Je vous invite à les passer chez moi ; et nous tremperons nos lèvres dans plusieurs coupes de mousse pourprée. »

  1. L’an 602 avant l’ère chrétienne.