Les Amantes du diable/Préface

Louis Querelle Éditeur (p. IX-X).

DEUX MOTS :


Qu’on ne croie point, devant ce livre, à la gageure ou au roman historique, à pièces comptables. Mon but fut tout autre. Il correspond sensiblement à celui que se propose l’étonnant Charlie Chaplin dans ses films émouvants, où, d’ailleurs, le peuple sait si bien rire. Comme Charlot, j’ai voulu extérioriser, sous des apparences conventionnelles, les manifestations profondes de l’esprit ardent, salace, coléreux, ou troublé. La badine, le chapeau melon, les chaussures trop longues et les vêtements étriqués du triste héros de cinéma, ne sont que des symboles. C’est la vanité, l’humilité, la mélancolie, le besoin d’espoir, l’enthousiasme ou l’impuissance à vaincre qui servent de ressort profond et meuvent en réalité ces objets selon le rythme intérieur de l’âme. Beaucoup s’amusent des gestes sans les comprendre, mais la foule rit seulement d’elle-même et son esprit est tout en gestes. Satan, dans ce roman, n’est donc qu’une mythique figure de l’éternelle lutte de l’être contre lui-même, une incarnation aussi de cette volonté sarcastique qui permet à la vie de durer. C’est qu’elle renouvelle perpétuellement le désir, autour des sentiments épouvantés, crédules et pervers qui, pour l’homme, sont des géhennes et des justifications à la fois.

Mon Satan, on le verra, sait servir utilement celles qui l’aiment…

C’est sans doute que seules elles ont assez de ressort pour influencer le destin…

R. D.