LIII

FAUSTUS ENVOIE SAINT PAUL À ROME
SOUS LA GARDE DU CENTURION JULIUS ;
UNE VIOLENTE TEMPÊTE LES JETTE SUR LE RIVAGE
DE L’ÎLE DE MALTE.



Grand’mère. Lorsqu’on eut décidé que saint Paul irait par mer en Italie, on le remit avec saint Luc et quelques autres prisonniers entre les mains d’un centurion nommé Julius, de la cohorte Augusta ; on s’embarqua et on navigua jusqu’à Sidon. Julius traitait Paul avec humanité ; il lui permit d’aller à Sidon chez ses amis et de demeurer avec eux.

Ils se rembarquèrent quelques jours après, et continuèrent leur voyage, s’arrêtant dans plusieurs villes et laissant passer le beau temps. Le mois d’octobre approchait. Saint Paul, qui avait souvent navigué sur ces mers, engageait le centurion Julius à ne pas perdre de temps, à hâter son voyage, parce que la navigation deviendrait dangereuse dans l’automne, non-seulement pour le vaisseau, mais pour leurs vies à tous.

Mais le centurion n’écoutait pas ce que lui disait Paul, croyant plus au maître du vaisseau et au pilote qui assuraient qu’ils ne couraient aucun danger.

Peu de temps après les avertissements de Paul, il s’éleva une tempête violente qui emportait le vaisseau de côté et d’autre sans qu’il fût possible de lutter contre les vagues. Ils eurent beaucoup de peine à retenir un esquif qui était attaché au vaisseau…

Louis. Qu’est-ce que c’est : un esquif ?

Grand’mère. Un esquif est un petit bateau qu’on attachait aux grands navires pour se transporter à terre quand on ne pouvait pas approcher du rivage.

La tempête avait brisé les liens qui retenaient l’esquif ; ils le rattrapèrent avec beaucoup de difficultés avec des crocs et l’attachèrent au vaisseau avec leurs ceintures.

Le lendemain, la tempête continuant, ils furent obligés, pour alléger le bâtiment, de jeter à la mer les marchandises qu’ils avaient embarquées. Le troisième jour, ils furent obligés de jeter encore à la mer les cordages et les mâts du vaisseau.

La tempête ayant duré ainsi pendant plusieurs jours, ils avaient perdu tout espoir de salut ; ils ne savaient plus où ils étaient ; roulés par les vagues furieuses, ils ne mangeaient plus par excès de frayeur.

Le quatorzième jour Paul leur dit :

« Il fallait, frères, passer la mauvaise saison dans l’île de Crète, comme je vous le conseillais. Maintenant, je vous exhorte au courage, car aucun de vous ne perdra la vie, le vaisseau seul périra ; un Ange de Dieu m’a apparu cette nuit et m’a dit :

« Paul, ne crains rien. Tu comparaîtras devant César ; et Dieu t’a donné la vie de tous ceux qui sont avec toi ; en ta faveur, ils ne périront pas. »

Quand le jour fut venu, saint Paul les exhorta à prendre quelque nourriture, les assurant de nouveau que pas un cheveu de leur tête ne tomberait ; ce qui veut dire qu’il ne leur arriverait aucun mal.

Paul, ayant dit cela, prit du pain ; il rendit grâces à Dieu devant eux tous, et il commença à manger. Tous les autres reprirent courage et mangèrent aussi. Ils étaient, en tout, deux cent soixante-seize dans le vaisseau.

Se trouvant rassasiés, et la tempête devenant de plus en plus furieuse, ils allégèrent encore le navire en jetant le blé dans la mer. Après avoir été ballottés pendant plusieurs heures, craignant d’être engloutis par chaque vague qui venait se briser contre leur vaisseau et qui passait même par-dessus, ils furent jetés dans un petit bras de mer qui formait comme un canal entre deux terres. Un bout du navire s’enfonça dans la terre par la force de la secousse ; et l’autre bout, la poupe, qui est la partie d’arrière d’un vaisseau, fut soulevée et brisée par la violence des vagues. Les soldats pensèrent alors à tuer les prisonniers, de peur que l’un d’eux ne pût s’enfuir à la nage. Mais le centurion, qui aimait Paul, ne le voulut pas ; il ordonna à ceux qui savaient nager, de se jeter à l’eau pour gagner le rivage qui était peu éloigné ; aux autres de se cramponner à des planches et aux débris du bâtiment ; ce qui réussit si bien que personne ne périt et que tous furent jetés sains et saufs sur le rivage.