Librairie de L. Hachette et Cie (p. 149-151).

XL

DES FAUX APÔTRES CHERCHENT À DISCRÉDITER SAINT PAUL.



Saint Paul, durant son séjour en Galatie, avait été traité comme un envoyé de Dieu, comme un Ange du Seigneur et comme Jésus-Christ lui-même. Mais pendant qu’il était à Éphèse, il reçut la fâcheuse nouvelle qu’il était survenu un grand changement chez les Galates, depuis l’arrivée de faux apôtres, anciens Juifs mal convertis, qui soutenaient la nécessité indispensable de la circoncision et des autres cérémonies judaïques.

Comme saint Paul était de tous les Apôtres celui qui avait le plus vivement et éloquemment combattu cette erreur, la première que saint Pierre avait été appelé à juger, les faux apôtres cherchaient autant que possible à diminuer l’autorité de saint Paul et la confiance qu’il inspirait.

Ils disaient que Paul était un Apôtre de second rang, choisi et instruit par les Apôtres proprement dits ; qu’il fallait, par conséquent, le considérer moins que Pierre, Jacques et Jean, qui avaient vécu avec Jésus-Christ. Si donc ceux-ci, au lieu de défendre les cérémonies de la loi juive, les permettaient même, il était évident qu’il fallait faire peu de cas du jugement de Paul, et ne pas imiter son peu de respect pour les anciennes cérémonies de la loi juive.

Quand saint Paul eut appris ces discours des faux prophètes, il jugea nécessaire d’écrire aux Chrétiens de Galatie avec grande force pour les faire revenir à la vérité. Il leur écrivit qu’il était Apôtre non par l’enseignement des hommes, mais par la volonté de Jésus-Christ ; qu’il avait été instruit non par les hommes, non par les Apôtres, mais par Jésus-Christ lui-même. Qu’après sa conversion, il n’alla pas à Jérusalem pour se faire instruire par les Apôtres, mais qu’il commença de suite ses voyages pour convertir les Gentils et les Juifs. Qu’il ne se rendit à Jérusalem que trois ans après pour rendre hommage à Pierre, auprès duquel il ne resta que quinze jours, sans voir d’autres Apôtres que Jacques, parent de Jésus-Christ. Qu’il n’y retourna qu’après quatorze années de voyages en Asie-Mineure, et que lorsqu’il exposa à Pierre et aux autres Apôtres la doctrine qu’il enseignait, ils n’y trouvèrent rien à redire. Enfin que lorsque Pierre s’était retiré, à Antioche, de la table des Gentils, lui Paul n’avait pas craint de l’en blâmer publiquement.

Élisabeth. Comment a-t-il osé blâmer saint Pierre, et devant tout le monde encore ? Cela m’étonne de la part de saint Paul.

Jacques. Moi aussi, je trouve que c’est très-mal.

Grand’mère. C’eût été très-mal, cher enfant, s’il avait attaqué l’autorité de saint Pierre, s’il l’avait blâmé avec colère et orgueil ; mais saint Paul avait le droit d’avoir son opinion sur une chose qui n’était qu’une question d’usages juifs ; il avait même, comme Apôtre et comme Frère, le devoir de représenter à saint Pierre le tort que pouvaient faire parmi les Gentils convertis, une si grande sévérité et une preuve si visible de son éloignement pour eux. Saint Pierre envisageait cette conduite au point de vue des Juifs, et saint Paul au point de vue des païens ; ils ont discuté là-dessus sans y mettre d’amour-propre ni d’aigreur. Et saint Pierre a trouvé que les raisons de saint Paul étaient plus importantes encore que les siennes. Il céda, donnant ainsi à tous les Souverains Pontifes, ses successeurs, une leçon d’humilité, de douceur et de bonté.

Quant à la question en elle-même, saint Pierre croyait qu’en irritant les Juifs, qui détestaient et méprisaient les Gentils, il attirerait une persécution sur tous les Chrétiens, et qu’il valait mieux éviter tout ce qui pouvait troubler l’union dans l’Église.

Valentine. Et saint Paul, qu’est-ce qu’il croyait ?

Grand’mère. Saint Paul croyait qu’il valait mieux braver les Juifs orgueilleux, ne pas faire attention à leurs colères, et se tenir prêts à souffrir la persécution, si elle arrivait.

Jeanne. Et vous, Grand’mère, qu’est-ce que vous croyez ?

Grand’mère. Je ne crois rien du tout, chère petite, parce que je ne suis pas en état de juger la question, ne connaissant ni les hommes ni les choses au milieu desquels se trouvaient saint Pierre et saint Paul. Ce que je sais, c’est que tous deux étaient de très-fidèles et parfaits serviteurs de Jésus-Christ et que tous deux ont versé leur sang pour lui.