Librairie de L. Hachette et Cie (p. 137-140).

XXXVI

SAINT PAUL À ÉPHÈSE. VŒU DES NAZARÉENS.



Grand’mère. Au bout de ce temps, les Juifs, fort irrités de la conversion d’un certain Sosthène, qui avait succédé à Cryspus comme chef de la synagogue, se concertèrent entre eux, et s’élevant tous contre Paul, ils l’amenèrent au Proconsul Gallion.

Louis. Qu’est-ce que c’était : un Proconsul ?

Grand’mère. Un Proconsul était le gouverneur d’une province. Les Juifs accusèrent Paul de prêcher une religion nouvelle, contraire à la religion juive qui était autorisée par les lois romaines.

Saint Paul allait répondre, lorsque le Proconsul Gallion l’arrêta, et s’adressant aux Juifs : « S’il s’agissait de quelque injustice ou de quelque crime, leur dit-il, je vous écouterais volontiers et avec patience. Mais s’il n’est question que de doctrine religieuse ou de quelque faute légère, examinez cela vous-mêmes ; moi, je ne veux pas m’en mêler. »

Les Juifs, mécontents du refus du Proconsul, déchargèrent leur colère sur Sosthène, Prince et chef de leur synagogue ; ils excitèrent les employés du tribunal à le battre sous les yeux même de Gallion, qui, ne se souciant pas de leurs querelles, les laissa faire sans daigner y faire attention.

Saint Sosthène souffrit cet affront public, avec une admirable patience ; il s’unit ensuite plus étroitement à Paul et le suivit à Éphèse, où le saint Apôtre se retira ; saint Paul lui fit l’honneur de joindre son nom au sien au commencement de la première lettre qu’il écrivit d’Éphèse aux fidèles de Corinthe et qui est appelée Première Épître de saint Paul aux Corinthiens.

Après avoir échappé à ce danger, Paul, pour rendre grâce à Dieu, fit le vœu des Nazaréens.

Louis. Qu’est-ce que c’est que le vœu des Nazaréens ?

Grand’mère. Ceux qui faisaient ce vœu, devaient pendant tout le temps de leur Nazaréat, un mois, deux mois, six mois ou plus, selon la promesse qu’ils avaient faite à Dieu, ne pas boire de vin, ni rien de ce qui enivre, et de plus laisser croître leurs cheveux. C’était chez les Juifs une marque de deuil et de pénitence. Ils devaient, à la fin de leur Nazaréat, offrir un sacrifice, se couper les cheveux et les faire brûler dans le feu du sacrifice.

Paul resta longtemps à Corinthe. Il s’embarqua ensuite pour la Syrie, province de l’Asie-Mineure, après s’être fait couper les cheveux selon le vœu qu’il avait fait.

Henriette. Pourquoi avait-il fait un vœu, puisqu’il était sauvé ?

Grand’mère. Parce que saint Paul voulait démontrer aux Juifs qu’il ne dédaignait pas leurs usages religieux dans ce qu’ils avaient d’innocent et de conforme à l’Évangile ; il faisait de même pour les Gentils, espérant rendre ainsi les uns et les autres moins défavorables aux Chrétiens.

Armand. Mais qu’est-ce que c’est : un vœu ?

Grand’mère. Un vœu est une promesse qu’on fait au bon Dieu, ou à la Sainte-Vierge, ou à un Saint, pour obtenir une faveur quelconque, ou pour rendre grâce comme a fait saint Paul. Quand on y manque, on commet un péché et on est puni dans ce monde ou dans l’autre. Ainsi il ne faut pas faire de vœu légèrement et sans avoir la possibilité et la ferme volonté de le remplir, c’est-à-dire de l’exécuter.

Saint Paul emmena avec lui Aquila et Priscille à Éphèse, en Asie-Mineure.

Il fit à Éphèse comme toujours, il alla à la synagogue, où il prêcha, enseigna et discuta contre les Juifs. Mais il ne voulut pas y rester longtemps, malgré les Juifs, qui n’étaient pas méchants et qui le priaient de demeurer avec eux.

Henri. C’est singulier que les Juifs lui aient demandé de rester ! Et pourquoi saint Paul les a-t-il refusés ? Il les aurait peut-être convertis.

Grand’mère. Saint Paul agissait toujours d’après l’inspiration de l’Esprit-Saint. Il est probable qu’il sentit qu’il ferait plus de bien en allant dans d’autres pays qu’en restant à Éphèse. Mais il leur laissa Aquila et Priscille, qui purent continuer les enseignements de Paul. Les Juifs d’Éphèse étant beaucoup plus doux que les autres, Aquila et Priscille ne couraient aucun danger en expliquant la foi et en prêchant l’Évangile.

On croit généralement que ce fut vers cette époque que saint Luc écrivit l’Évangile. Quelques auteurs ont pensé que c’était saint Paul qui le lui avait dicté ; mais il est plus probable que saint Luc a écrit lui-même et seul son Évangile, d’après les récits des Apôtres et des Disciples qui avaient vécu avec Notre-Seigneur et qui avaient été témoins de sa vie, de sa mort et de sa Résurrection. Il est également probable que c’est là, à Éphèse, qu’il vit plus souvent la très-sainte-Vierge, ainsi que l’Apôtre saint Jean, et qu’il apprit de la Mère de Dieu les détails si intéressants de l’Annonciation, de la Visitation, de la naissance et de l’enfance de Jésus, qui sont rapportés dans son Évangile.