XXXIII

SAINT PAUL ET SAINT LUC SONT BATTUS DE VERGES,
JETÉS EN PRISON ET MIRACULEUSEMENT DÉLIVRÉS.



Grand’mère. Quand ils furent devant les magistrats, les hommes qui les avaient saisis les accusèrent de mettre le trouble dans la ville, « car, dirent-ils, ce sont des Juifs, des gens qui enseignent une manière de vivre qu’il ne nous est pas permis de suivre, à nous qui sommes des citoyens romains. »

Le peuple, entendant ces accusations, se jeta sur saint Paul pour le maltraiter. Les magistrats, partageant la colère du peuple, ordonnèrent qu’on les battît de verges. Et, après les avoir déchirés de coups, ils envoyèrent en prison saint Paul, en recommandant au gardien de l’enfermer soigneusement avec ses compagnons pour qu’ils ne pussent s’échapper.

Le gardien, ayant reçu cet ordre, les mit dans une prison souterraine, et serra leurs pieds dans des ceps.

Marie-Thérèse. Qu’est-ce que c’est : des ceps ?

Grand’mère. Des ceps sont des espèces de planches en bois avec deux trous, dans lesquels on fait passer les pieds ; de sorte qu’on ne peut faire aucun mouvement.

Au milieu de la nuit, saint Paul et ses compagnons priaient et louaient Dieu ; ceux qui les gardaient, et qui étaient en dehors de la prison, les entendaient.

Tout à coup il se fit un grand tremblement de terre, de sorte que les fondements de la prison en furent ébranlés ; et aussitôt les portes s’ouvrirent, et les liens de tous les prisonniers furent brisés.

Le geôlier, réveillé par le bruit et les secousses, voyant la prison toute grande ouverte, crut que les prisonniers s’étaient échappés, et il tira son épée pour se tuer.

Valentine. Pourquoi voulait-il se tuer ? Ce n’était pas de sa faute si les prisonniers s’étaient sauvés.

Grand’mère. Non, certainement, ce n’était pas de sa faute ; mais il connaissait la dureté des magistrats, et il craignait qu’on ne l’accusât d’avoir aidé à la fuite des Chrétiens, et qu’on ne le fît mourir dans d’affreux supplices.

Saint Paul, voyant sa terreur et son désespoir, lui cria d’une voix forte :

« Ne te fais pas de mal, car nous sommes tous ici. »

Jacques. Saint Paul est beaucoup trop bon pour ce méchant gardien.

Grand’mère. Saint Paul avait, la charité parfaite ; il eut pitié de la terreur de ce pauvre homme, et il aima mieux se sacrifier avec les siens que de laisser cet homme perdre son âme en se tuant. Cette action généreuse de saint Paul amena la conversion du gardien, comme tu vas le voir.

Le gardien, ayant demandé de la lumière, entra dans la prison, et voyant saint Paul et les Chrétiens dégagés de leurs liens, il revint tout tremblant et tomba aux pieds du saint Apôtre.

Il les fit sortir de prison, et leur dit : « Que faut-il que je fasse pour être sauvé ? »

Ils lui répondirent : « Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé toi et tous les tiens. » Ils lui expliquèrent ce qu’était le Sauveur. Ce bon gardien lava leurs plaies ; ensuite il fut baptisé lui et toute sa famille.

Et les ayant conduits à sa demeure, il leur servit à manger ; et il se réjouit avec tous les siens d’avoir cru.

Quand il fit jour, les magistrats envoyèrent des licteurs…

Louis. Qu’est-ce que c’est : des licteurs ?

Grand’mère. Les licteurs étaient des gardes qui accompagnaient les magistrats et les grands personnages quand ils passaient au milieu du peuple ; ils marchaient toujours devant, et portaient des paquets de verges et des haches pour préserver leurs chefs de tout danger, et pour exécuter leurs sentences.

Les magistrats envoyèrent donc des licteurs au gardien de la prison pour qu’il rendît la liberté à ses prisonniers. Le geôlier vint l’annoncer à Paul, disant : « Les magistrats ont envoyé l’ordre, de vous relâcher ; sortez donc maintenant, et allez en paix. » Mais Paul leur dit :

« Ils nous ont battus de verges en public, sans jugement, nous qui sommes citoyens romains ; ils nous ont mis en prison ; et à présent ils nous renvoient en secret. Nous ne le voulons pas ainsi. Qu’ils viennent eux-mêmes nous délivrer. »

Louis. Pourquoi saint Paul dit-il : Nous, citoyens romains ?

Grand’mère. Parce que chez les peuples conquis par les Césars on portait un grand respect à tous les hommes qui étaient Romains de naissance, ou qui avaient obtenu le titre de citoyens romains. Et les Césars, ou Empereurs, ne souffraient pas qu’on maltraitât les leurs.

Henri. Alors pourquoi n’ont-ils pas dit qu’ils étaient Romains avant d’avoir été battus de verges ? Ils le disent après, quand c’est inutile.

Grand’mère. Parce que saint Paul et ses compagnons étaient heureux de souffrir pour l’amour de Notre-Seigneur, et de donner aux nouveaux fidèles l’exemple du courage dans les persécutions.

Les licteurs rapportèrent ces paroles aux magistrats, qui furent saisis de crainte en apprenant que saint Paul et ses compagnons étaient citoyens romains. Ils vinrent aussitôt leur faire des excuses et les délivrer de la prison ; ils les prièrent ensuite de quitter leur ville.

En sortant de prison, saint Paul et ses amis allèrent chez Lydia. Ils y trouvèrent leurs nouveaux frères, auxquels ils annoncèrent leur départ ; ils les consolèrent, les affermirent dans la foi, et ils partirent.