XXXII

VOYAGES DE SAINT PAUL ET DE SAINT LUC.
ON LES ARRÊTE À PHILIPPE.



Grand’mère. J’ai dit que Paul et Barnabé se séparèrent. Barnabé, ayant pris avec lui saint Marc, s’embarqua pour l’île de Chypre. Saint Paul partit avec deux compagnons : saint Luc l’évangéliste, auteur du livre des Actes, puis le disciple Silas.

Au moment de leur départ, tous les frères, c’est-à-dire les fidèles, priaient pour eux et les recommandaient à la garde de Dieu.

Saint Paul et ses compagnons parcoururent les pays que Paul avait jadis traversés avec Barnabé ; saint Paul évangélisa de nouveau les Églises qu’il avait fondées et les confirma dans la foi,

Il arriva ainsi à Derbe, puis à Lystra, où il trouva un jeune disciple nommé Timothée, fils d’une femme juive, et d’un père grec qui était païen. Les Chrétiens de Lystra rendirent un bon témoignage de Timothée. Saint Paul le prit chez lui, il le circoncit, à cause des Juifs qui savaient que son père était païen.

Henriette. Ah ! saint Paul a désobéi à saint Pierre qui ne voulait pas qu’on fît circoncire les Gentils.

Grand’mère. Saint Pierre n’avait pas défendu la circoncision ; il avait dit qu’il ne fallait pas obliger les Gentils à cette cérémonie, mais il ne l’avait pas interdite à ceux qui la demandaient ou qui ne s’y opposaient pas. S’il l’avait défendu, saint Paul ne l’aurait certainement pas fait.

Les Églises s’affermissaient de plus en plus ; elles s’étendaient au loin et le nombre en augmentait tous les jours. Étant venus en Mysie, pays de l’Asie-Mineure, saint Paul et ses compagnons voulurent ensuite aller prêcher la foi en Bythinie, mais l’Esprit de Jésus ne le leur permit pas.

Louis. Pourquoi cela ? Et qu’est-ce que c’est : l’Esprit de Jésus ?

Grand’mère. C’est le Saint-Esprit que nous donne Notre-Seigneur Jésus-Christ. Le Saint-Esprit conduisait et inspirait les Apôtres. Dans cette circonstance, il ordonna à saint Paul d’aller dans la Troade ; puis ensuite en Grèce.

Armand. Où est la Troade ?

Grand’mère. En Asie-Mineure, prés de la mer Égée, qu’on appelle à présent l’Archipel, et qui est un golfe de la Méditerranée. Plus tard la Bythinie fut visitée par saint Paul.

Saint Paul descendit donc vers la Troade, et la nuit il eut une vision. Il vit devant lui un homme de la Macédoine.

Armand. Où c’est, la Macédoine ?

Henriette. Comme tu parles mal, Armand ; est-ce qu’on dit : « où c’est ? »

Armand. Et comment veux-tu que je dise ?

Henriette. Dis : « où est la Macédoine ? »

Armand. Moi, j’aime mieux dire où c’est ; c’est plus facile.

Henriette. Grand’mère, dites-lui, je vous en prie, de dire, où est, et pas où c’est.

Grand’mère, riant. Chère petite, quand il sera plus grand, il ne dira pas où c’est ; c’est très-mal parlé, il est vrai ; mais à son âge, il vaut mieux le laisser dire comme il veut et ne pas interrompre le récit ; après la leçon, tu lui feras tes observations.

Henriette. Ah ! vois-tu que tu as mal parlé !

Armand. Et vois-tu que je peux dire comme je veux !

Grand’mère, souriant. Vous avez raison tous les deux, petits querelleurs, et vous avez tort tous les deux ; à présent c’est moi qui vais parler et répondre à Armand : « où c’est la Macédoine. »

Tout le monde rit. Armand est un peu rouge. Les yeux d’Henriette étincellent de joie ; la grand’mère rit aussi et continue.

La Macédoine est en Europe ; c’est une province de la Grèce qui fait aujourd’hui partie de la Turquie.

Armand. Et, où… où est la Grèce ?

Grand’mère, embrasse Armand. La Grèce est au midi de l’Europe ; et la Macédoine est au nord de la Grèce.

Armand. Qu’est-ce que c’est : au midi et au nord ?

Grand’mère. Dans les cartes de géographie, le midi est en bas, et le nord est en haut.

Ainsi, saint Paul vit un habitant de la Macédoine devant lui, qui le priait, disant : « Passe en Macédoine, pour nous secourir. » Aussitôt que saint Paul eut vu cette vision, il chercha à partir avec saint Luc pour la Macédoine, étant bien sûr que le Seigneur les y appelait, pour prêcher et pour convertir ce peuple.

Ils s’embarquèrent donc et ils arrivèrent en trois jours à Philippe, qui est la première ville de cette partie de la Macédoine. Ils s’y arrêtèrent quelques jours.

Le jour du sabbat, ils sortirent hors de la ville près d’un fleuve où se faisait la prière, et s’arrêtant là, ils parlèrent aux femmes qui s’y étaient assemblées.

Il y avait une femme nommée Lydia, marchande de pourpre dans la ville voisine ; quoique païenne, elle servait Dieu comme le bon centurion Corneille. Le Seigneur ouvrit son cœur aux paroles de saint Paul, pour la récompenser de ses bons sentiments.

Jeanne. Qu’est-ce que c’est : marchande de pourpre ?

Grand’mère. Le pourpre était une très-belle couleur rouge très-rare et très-chère.

Les Apôtres baptisèrent Lydia avec toute sa famille. Elle les priait, disant : « Si vous m’avez jugée digne d’être des vôtres, entrez dans ma maison et demeurez-y. » Et elle les força à y entrer.

Un jour qu’ils étaient à l’endroit où on priait, ils rencontrèrent une jeune fille qui avait l’esprit de prophétie, mais c’était l’esprit du démon qui la remplissait et non pas l’esprit de Dieu. Elle faisait gagner beaucoup d’argent à ses maîtres parce qu’elle devinait l’avenir, et beaucoup de gens venaient la consulter. Cette fille suivait saint Paul et saint Luc en criant : « Ces hommes sont des serviteurs du Dieu très-haut ; ils vous annoncent la voie du salut. »

Elle fit cela plusieurs jours de suite.

Pierre. Mais, Grand’mère, je trouve que c’était très-bien à elle ; ce que je ne comprends pas, c’est comment l’esprit du démon lui faisait crier des choses excellentes.

Grand’mère. Parce que le démon savait qu’en proclamant comme envoyés du Seigneur, ces hommes qui prêchaient la doctrine de Jésus-Christ, cette fille irriterait le peuple qui détestait les Juifs. Le démon est souvent obligé de rendre malgré lui hommage à la vérité. Combien de fois n’avons-nous pas vu dans l’Évangile, le démon forcé de déclarer que Jésus-Christ était le Fils de Dieu ! Ici, il rendait témoignage à l’Apôtre, comme jadis il avait rendu témoignage au Maître. Saint Paul, voyant que cette fille ne cessait de les poursuivre de ses cris, en fut contristé…

Valentine. Pourquoi contristé ? Qu’est-ce que cela lui faisait ?

Grand’mère. Il lui était pénible de se voir appelé devant tout le monde un Saint homme, un envoyé de Dieu. Quand on est humble, on n’aime pas les louanges.

Saint Paul se retourna donc vers la possédée et dit à l’esprit : « Je te commande au nom du Seigneur Jésus-Christ de sortir de cette fille. »

Et au même instant, l’esprit abandonna la fille qui perdit le don de prophétie, Ses maîtres voyant leur gain perdu à l’avenir, saisirent saint Paul, saint Silas, et les conduisirent devant les magistrats.

Jeanne. Et le pauvre saint Luc, qu’est-il devenu ?

Grand’mère. Saint Luc ne le dit pas ; il ne parle presque jamais de lui-même ; mais il est certain qu’il fut arrêté avec Paul et Silas.