Librairie de L. Hachette et Cie (p. 72-76).

XVIII

PAUL À JÉRUSALEM.



Grand’mère. Quand Paul fut venu à Jérusalem, il chercha à se réunir aux autres disciples ; mais tous le craignaient et le fuyaient, croyant encore qu’il venait pour les persécuter et les livrer au Prince des prêtres. Alors, saint Barnabé, qui le connaissait, l’ayant pris avec lui, le conduisit aux Apôtres et leur raconta comment Paul avait vu le Seigneur, ce que lui avait dit Jésus dans son apparition, ci comment à Damas, devenu fervent Chrétien, il avait enseigné publiquement et courageusement le nom de Jésus. — Pierre le reçut et Paul demeura chez lui pendant quinze jours, ne voyant aucun des autres Apôtres, sinon Jacques, cousin du Seigneur.

Henriette. Pourquoi ne vit-il pas les autres Apôtres ?

Grand’mère. Probablement parce que les Apôtres se réunissaient rarement, par prudence, pour ne pas attirer sur eux l’attention des ennemis de Notre-Seigneur ; et puis les Apôtres étaient tous très-occupés à prêcher, à baptiser, à instruire les nouveaux Chrétiens et à soutenir les faibles qui n’étaient pas encore affermis dans leur foi.

Jacques. Il me semble que les Apôtres étaient un peu trop prudents ; ils auraient dû avoir plus de courage.

Grand’mère. Cher enfant, la prudence est une vertu qui n’empêche pas le courage.

Les Apôtres étaient prêts à tout souffrir et à mourir plutôt que d’abandonner leur foi ; mais en attirant sur eux-mêmes les persécutions des Juifs, ils les attiraient aussi sur les nouveaux Chrétiens qui auraient peut-être faibli devant les tortures et la mort. Les Apôtres devaient protéger et ménager ces nouveaux disciples du Seigneur, qui, un peu plus tard, obtiendraient la force qui leur manquait encore.

Madeleine. C’est vrai cela. Si on avait tué les Apôtres, que seraient devenus les autres ? Il n’y aurait plus eu personne pour instruire et convertir.

Grand’mère. Ce qui est certain c’est que les Apôtres étaient inspirés par le Saint-Esprit et qu’ils ont agi d’après cette inspiration ; nous ne devons donc pas blâmer leur conduite.

Un jour que Paul priait dans le Temple, il fut ravi en extase…

Valentine. Qu’est-ce que c’est : ravi en extase ?

Grand’mère. Ravi en extase veut dire que son âme se trouva tellement absorbée par le bon Dieu, qu’elle était au Ciel pendant que son corps seul était sur la terre. Il vit Jésus, qui lui dit :

« Dépêche-toi, et sors vite de Jérusalem, car les Juifs ne croiront pas à ton témoignage sur moi. »

Paul répondit : « Mais, Seigneur, ils savent tous que c’est moi qui mettais en prison et qui faisais fouetter dans les synagogues ceux qui croyaient en vous. Ils savent que lorsqu’on répandait le sang de votre premier martyr Étienne, j’étais présent, que je consentais à sa mort, et que je gardais les vêtements de ceux qui le lapidaient. »

Louis. Comment ? Je ne comprends pas ce que veut dire saint Paul.

Grand’mère. C’est comme s’il disait : Ma conversion est tellement inexplicable sans votre apparition et votre Divinité, qu’ils seront forcés de croire à mon témoignage.

Mais le Seigneur lui dit :

« Va, car je t’enverrai bien loin, vers des nations étrangères. »

En effet, les Juifs-Grecs présents à Jérusalem, contre lesquels Paul disputait pour les faire croire en Jésus-Christ, cherchaient à le faire mourir. Les fidèles, l’ayant su, le conduisirent à Césarée, d’où ils l’envoyèrent à Pierre en Cilicie. De là, il revint en Syrie. Les Chrétiens de Judée ne le connaissaient pas de figure, mais ils savaient qu’il avait autrefois persécuté l’Église, leurs frères les Chrétiens, et que maintenant il prêchait la même foi qu’il s’était efforcé de détruire.

Vers ce temps, les persécutions contre les Chrétiens cessèrent…

Marie-Thérèse. Quel bonheur ! Et pourquoi cela ? Est-ce que tous les Juifs se sont convertis ?

Grand’mère. Non, malheureusement pour eux. Mais il arriva que Pilate, suivant la coutume des gouverneurs de la Judée, avait envoyé à Tibère, Empereur des Romains, l’histoire de Notre-Seigneur et de tout ce qui avait rapport à lui. Après avoir lu cet écrit, Tibère, considérant Jésus-Christ comme un Dieu, proposa au Sénat…

Armand. Qu’est-ce que c’est : le Sénat ?

Grand’mère. Le Sénat était une réunion de personnages importants, que les Empereurs nommaient Sénateurs pour récompenser leurs services.

Tibère proposa donc au Sénat de déclarer que Jésus était Dieu, Mais le Sénat refusa pour plaire à Tibère.

Jacques. Comment cela ? Puisque Tibère le proposait lui-même ?

Grand’mère. C’est vrai, mais peu de temps auparavant, le Sénat avait déclaré que l’Empereur Tibère était un Dieu. Tibère avait refusé d’accepter la Divinité proclamée par le Sénat, et on craignit qu’il ne fût pas content de voir Jésus proclamé Dieu, tandis qu’il avait refusé de l’être lui-même.

Tibère n’insista pas pour la Divinité de Jésus-Christ, mais il persista dans son idée qu’il méritait les honneurs Divins et il défendit sévèrement de tourmenter ses disciples. Voilà pourquoi les Chrétiens vivaient en paix dans ce temps.

Pierre. C’est dommage que le bon Dieu n’ait pas fait défendre plus tôt qu’on persécutât les Chrétiens.

Grand’mère. Le bon Dieu permit la persécution dès le commencement du christianisme, pour répandre dans les pays qui environnaient la Judée, la connaissance du vrai Dieu et la foi nouvelle.

Marie-Thérèse. Comment cela ?

Grand’mère. Parce que les premiers Chrétiens et les disciples fuyaient la persécution en se dispersant dans les pays voisins de la Judée, et à mesure que la persécution les poursuivait, ils allaient se réfugier plus loin encore. Tu vois que ce mal a produit un grand bien, puisque partout où arrivaient les Chrétiens, ils convertissaient beaucoup de monde. Et saint Luc dit, dans les Actes des Apôtres, qu’on bâtissait partout un grand nombre d’églises et que les fidèles Chrétiens y accouraient en foule et s’y remplissaient de grandes forces et consolations données par le Saint-Esprit.