Librairie de L. Hachette et Cie (p. 57-61).

XV

SIMON LE MAGICIEN.



Grand’mère. Saül, le jeune homme qui avait gardé les habits des meurtriers d’Étienne, cherchait tous les moyens possibles de détruire le Christianisme naissant ; il poursuivait partout les fidèles, entrait dans les maisons, en arrachait les hommes et les femmes qu’on lui dénonçait comme Chrétiens, et les jetait en prison.

Pierre. Comment un jeune homme seul pouvait-il faire tout cela ?

Grand’mère. Outre que Saül n’était plus un tout jeune homme, car il avait alors environ trente ans, il était citoyen romain et d’une naissance distinguée. Puis, il était déjà connu par sa grande science ; enfin, il était un des membres les plus influents et les plus ardents de la secte des Pharisiens, qui l’appuyaient dans toutes ces entreprises contre les Chrétiens.

Pour échapper à cette persécution, les fidèles se dispersaient et passaient de ville en ville.

L’Apôtre saint Philippe, étant allé à Samarie, y prêcha ; la foule accourait et voyait les miracles qu’il faisait ; elle l’écoutait attentivement.

Beaucoup de paralytiques et de boiteux furent guéris ; beaucoup de possédés furent délivrés des démons qui les tourmentaient, ce qui excita une grande joie parmi le peuple

Or, il y avait dans la ville de Samarie un homme nommé Simon, qui y avait autrefois exercé la magie.

Louis. Qu’est-ce que c’est : la magie ?

Grand’mère. La magie est une science et un pouvoir surnaturels qui viennent du démon, avec lequel certaines gens très-coupables ne craignent pas de se mettre en rapport. Il est inutile de vous dire que c’est un grand péché et qu’on perd son âme en s’alliant au démon.

Jeanne. Qu’est-ce que c’est : surnaturel ?

Grand’mère. Surnaturel veut dire qui est au-dessus des forces naturelles de l’homme. La magie est donc un pouvoir extraordinaire que de méchants hommes reçoivent du démon pour faire des choses extraordinaires. Ce ne sont pas des miracles, mais cela en a l’air. Le démon, en effet, n’a pas le pouvoir de faire des miracles.

Louis. Quels sont les faux miracles que peuvent faire les démons et les magiciens ?

Grand’mère. Ils peuvent, par exemple, faire apparaître des fantômes ou des flammes, ou faire entendre de grands bruits, ou bien encore s’enlever dans les airs, et d’autres choses très-merveilleuses.

Henriette. Mais alors on pouvait croire que les Apôtres aussi exerçaient la magie ?

Grand’mère. Aussi n’a-t-on pas manqué d’accuser de magie Notre-Seigneur et ses Apôtres, et en général tous les Chrétiens qui faisaient des miracles ; mais les gens éclairés et de bonne foi ne pouvaient pas s’y tromper ; les miracles des magiciens n’amenaient aucun bien et n’avaient aucun caractère de sainteté ; les magiciens liés aux démons, étaient des gens intéressés, avides, égoïstes, inhumains, ivrognes, etc., tandis que les Chrétiens menaient une vie très-innocente ; ils étaient pleins de charité, d’abnégation, et vivaient dans l’amour de Dieu et de tous les hommes.

Pourtant ce Simon le magicien séduisait beaucoup de monde à Samarie et se faisait passer pour un homme juste et annonçant la parole de Dieu. Tous l’écoutaient, depuis les pauvres jusqu’aux riches. Les faux prodiges qu’il faisait les séduisaient et faisaient croire à ses paroles.

Mais ayant entendu Philippe, ils reconnurent bientôt la différence de sa conduite et de ses enseignements avec ceux de Simon, et ils voulurent être baptisés, hommes et femmes, au nom de Jésus-Christ.

Alors Simon, lui aussi, entrevit la vérité ; ayant demandé à être baptisé, il suivait Philippe et ne le quittait plus ; voyant les grands miracles qu’il faisait, il s’étonnait et admirait.

Camille. C’est singulier, Grand’mère, qu’un homme qui s’était donné au démon et à la magie se soit converti.

Grand’mère. Aussi sa conversion n’était-elle ni bien solide, ni très-sincère, comme tu vas le voir tout à l’heure ; il croyait plus avantageux pour lui de suivre Philippe, espérant qu’il lui en reviendrait de grands biens, mais saint Pierre découvrit le fond de sa pensée et la noirceur de son âme.

Les apôtres qui étaient à Jérusalem, ayant appris les nombreuses conversions que faisait saint Philippe à Samarie, décidèrent que saint Pierre et saint Jean iraient le rejoindre.

Madeleine. Grand’mère, comment les Apôtres ont-ils pu envoyer saint Pierre qui était plus qu’eux ? Il me semble qu’ils n’en avaient pas le droit.

Grand’mère. Parmi les Apôtres tout se faisait dans l’humilité et la charité. Saint Pierre n’allait pas à Samarie, comme un inférieur envoyé par son supérieur, mais comme un Apôtre de Jésus-Christ qui ne cherchait en cela, comme en tout, que le salut des âmes et la gloire de son Divin Maître. Dans nos missions, nos Évêques agissent encore avec cette simplicité ; ils travaillent comme les plus humbles de leurs prêtres, allant partout où on a besoin de leur saint ministère.

Saint Pierre et saint Jean arrivèrent donc à Samarie ; ils prièrent pour les nouveaux disciples afin qu’ils fussent dignes de recevoir l’Esprit-Saint ; car il n’était encore descendu sur aucun d’eux ; ils n’avaient reçu que le baptême au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Alors Pierre et Jean leur imposèrent les mains et ils reçurent l’Esprit-Saint visiblement.

Valentine. Grand’mère, comment recevaient-ils visiblement le Saint-Esprit.

Grand’mère. Visiblement veut dire que toutes les personnes présentes le voyaient.

Louis. Et qu’est-ce qu’on voyait ?

Grand’mère. On voyait une flamme céleste comme au jour de la Pentecôte.

Simon le magicien ayant vu que par l’imposition des mains des Apôtres, l’Esprit-Saint était donné, il leur offrit de l’argent, disant : « Vendez-moi la puissance que donne l’imposition des mains pour faire venir l’Esprit-Saint, afin que je puisse le donner comme vous. »

Saint Pierre lui répondit avec indignation :

« Que ton argent périsse avec toi, parce que tu as cru que le Saint-Esprit pouvait s’acheter à prix d’argent. Fais pénitence de cette méchanceté, et prie Dieu pour qu’il te pardonne ta mauvaise pensée. Car je vois que l’orgueil et l’avarice remplissent ton cœur et que tu es dans les liens du démon. »

Simon répondit :

« Priez vous-même pour moi, afin que ce que vous avez dit n’arrive pas. »

Pierre. Mais c’est très-bien à Simon de parler si humblement.

Grand’mère. Ce n’était pas par humilité que Simon demandait à Pierre de prier pour lui, mais par crainte du pouvoir de Pierre, qui lui avait dit : « Que ton argent périsse avec toi ! »

Nous retrouverons plus tard ce détestable Simon, que l’Apôtre saint Pierre poursuivit sans relâche ; qu’il obligea à quitter la Syrie ; et qui, s’étant rendu à Rome, devint plus tard le favori du cruel Empereur Néron.

Les trois Apôtres, Pierre, Jean et Philippe, continuèrent quelques jours encore à prêcher dans la ville de Samarie ; ensuite ils revinrent à Jérusalem, prêchant Jésus-Christ dans toutes les villes par lesquelles ils passaient.