Librairie de L. Hachette et Cie (p. 48-54).

XIII

MARTYRE DE SAINT ÉTIENNE.



Grand’mère. Le nombre des Chrétiens augmentait de jour en jour, les Pharisiens étaient plus en colère que jamais, car même parmi les prêtres du Temple il y en eut plusieurs qui se firent Chrétiens.

Étienne, plein de la grâce de Dieu et de la force de la foi, faisait beaucoup de miracles parmi le peuple. Et les Juifs de la Synagogue s’élevèrent contre Étienne et se mirent à disputer contre lui. Mais Étienne leur répondait si bien et prouvait si clairement les miracles, la Résurrection et la Divinité de Notre-Seigneur, que les Anciens et les Scribes et Pharisiens ne savaient que répondre.

Ils firent alors comme ils avaient fait pour Notre-Seigneur ; ils payèrent des témoins qui assurèrent, avec serment, avoir entendu Étienne blasphémer contre Moïse et contre Dieu.

Louis. Qu’est-ce que c’est : blasphémer ?

Grand’mère. C’est dire des paroles injurieuses contrôle bon Dieu ou contre les choses saintes.

Ils soulevèrent ainsi le peuple contre Étienne ; alors les Anciens et les Scribes se jetèrent sur lui, l’entraînèrent et le conduisirent devant le conseil. Et ils firent venir leurs faux témoins qui les accusèrent ainsi :

« Cet homme ne cesse de parler contre le Dieu saint et la loi. Car nous l’avons entendu dire que Jésus de Nazareth détruirait ce lieu et changerait les lois que Moïse nous a données. »

Et les hommes qui siégeaient dans le conseil, regardant Étienne, virent sa face comme la face d’un Ange.

Armand. Comment est la face d’un Ange ?

Grand’mère. Je n’en ai jamais vu, de sorte que je ne peux pas te le dire exactement ; mais d’après ce que nous disent les Livres saints, le visage d’un Ange, quand il prend une forme humaine, est tout resplendissant de lumière et de beauté.

Valentine. Comment, de lumière ? Est-ce que son visage est en feu ?

Grand’mère. Non, c’est un éclat extraordinaire et céleste qui sort de l’Ange et qui éclaire toute sa personne.

Et Anne, le Prince des prêtres, demanda à Étienne :

« Les choses sont-elles ainsi ? »

Étienne répondit en leur rappelant beaucoup de faits de l’Ancien Testament et en leur montrant comme quoi, dès le commencement, les Juifs avaient été presque toujours ingrats et rebelles. Ceux qui avaient rejeté Jésus-Christ et avaient crucifié leur Sauveur, n’avaient fait qu’imiter leurs pères.

Marie-Thérèse. Grand’mère, vous disiez tout à l’heure : l’Ancien Testament : Qu’est-ce que c’est : l’Ancien Testament ?

Grand’mère. C’est l’histoire de la création de l’homme ; de la chute, c’est-à-dire de son premier péché, et de tous les événements importants qui se sont passés jusqu’à la venue de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans le monde.

En entendant ce beau récit, les méchants frémissaient de rage et grinçaient des dents contre lui. Mais Étienne, rempli de l’Esprit-Saint, leva les yeux au ciel. Il vit la gloire de Dieu

Jeanne. Qu’est-ce que c’est : la gloire de Dieu ?

Grand’mère. C’est la gloire et la splendeur du Paradis.

Élisabeth. Grand-mère, que ce doit être beau ! Que je serais heureuse de voir ce qu’a vu saint Étienne !

Grand’mère. Nous le verrons tous, chère petite, après notre mort, si nous vivons chrétiennement, de manière à gagner le Paradis.

Madeleine. Grand’mère, ce n’est pas facile de gagner le Paradis.

Grand’mère. C’est vrai, chère petite, ce n’est pas facile ; si c’était facile, il n’y aurait pas de mérite à le gagner, et la récompense ne serait pas si grande.

Jeanne. Comment est-ce difficile de gagner le Ciel ? Je ne trouve pas ça.

Grand’mère. Ce n’est pourtant pas facile, chère petite ; pense donc que dix fois, cent fois par jour, il faut faire le contraire de ce qui plaît et repousser des sentiments ou des désirs mauvais.

Jeanne. Quels sentiments mauvais ?

Grand’mère. Tous ceux qui sont contre la charité, l’humilité, la douceur, l’obéissance, etc.

Valentine. Comment faire alors ?

Grand’mère. Il Faut ne pas se fâcher ; il faut retenir sa colère quand on vous impatiente ; il faut obéir et rester tranquille ou travailler, quand on a envie de courir et de jouer ; il faut céder et ne pas disputer quand on croit avoir raison ; et ainsi toute la journée ; je t’assure que ce n’est pas facile. Mais continuons l’histoire de saint Étienne qui voyait le bon Dieu dans sa gloire.

Et il s’écria :

« Voilà que je vois les Cieux ouverts et le Fils de l’homme à la droite de Dieu. »

Henriette. Quel Fils de l’homme ?

Grand’mère. Notre-Seigneur, qui s’appelle souvent ainsi lui-même dans l’Évangile.

Henriette. Comment est-il assis à la droite de Dieu ? Je croyais que Dieu était un esprit, qui n’a ni droite ni gauche.

Grand’mère. C’est très-vrai. Ces paroles signifient simplement que Notre-Seigneur Jésus-Christ règne dans la paix du Ciel, et qu’il partage pleinement la gloire et la toute-puissance de Dieu son Père.

Les Juifs alors, poussant de grands cris et se bouchant les oreilles se jetèrent tous ensemble sur lui.

Armand. Et pourquoi les Juifs se bouchaient-ils les oreilles ?

Grand’mère. Pour faire croire à leur indignation de ce qu’ils appelaient les blasphèmes d’Étienne. Quant à lui, il louait et bénissait Dieu, de la grâce qu’il lui accordait d’être le martyr de Jésus-Christ.

Armand. Qu’est-ce que c’est : martyr ?

Henriette. Oh ! ma bonne grand’mère, dites, je vous prie, à Armand, de ne pas toujours vous interrompre. Il me met dans une colère ! Si je ne me retenais je le taperais à chaque interruption.

Grand’mère. Ma pauvre petite, il faut pourtant qu’Armand comprenne comme vous autres ; et pour cela, il faut qu’il demande des explications, étant avec Loulou le plus jeune de vous tous. Quant à toi, je suis très-contente de ce que tu me dis de tes colères retenues…

Henriette. Comment, Grand’mère, vous êtes contente que je sois méchante ?

Grand’mère. Non, chère petite, non pas que tu sois méchante, mais que tu ne le sois pas ; ton impatience n’a pas paru au dehors ; tu l’as toujours contenue ; tu as donc pratiqué deux vertus bien difficiles, la patience et la douceur, et c’est ce qui me fait grand plaisir.

Henriette, enchantée, embrasse Armand et se jette au cou de grand’mère qui l’embrasse et qui continue.

Martyr veut dire témoin. Étienne, en mourant pour Jésus-Christ, rendait devant Dieu et devant les hommes, un témoignage solennel à la Divinité de son Divin Rédempteur.

Les Juifs poussèrent Étienne hors de Jérusalem, et commencèrent à le lapider.

Armand, timidement et avec hésitation. Qu’est-ce que c’est : lapider ?

Grand’mère. Ne crains pas de demander, cher petit. Henriette comprend très-bien que tu lui rends un grand service, en exerçant sa patience ; elle ne se fâchera pas, je te réponds d’elle.

Henriette, souriant. Merci, Grand’mère ; je tâcherai de ne jamais m’impatienter et d’être douce comme un agneau.

Grand’mère, souriant. Ce sera très-beau ; et si tu continues, nous t’appellerons Agnella. Je réponds à Armand : lapider c’était tuer à coups de pierres.

Armand. Est-ce que ça faisait mal ?

Grand’mère. Je crois bien. Très-mal. Tu sais comme cela fait mal de se cogner fort ou de recevoir un coup ; c’était bien pis quand on recevait sur la figure, sur la tête, sur tout le corps, des grosses pierres coupantes, pointues ; à chaque pierre le sang jaillissait. Et c’est pourquoi ceux qui lapidèrent saint Étienne ôtèrent leurs vêtements pour qu’ils ne fussent pas tachés de sang, et ils les donnèrent à garder à un jeune homme nommé Saül.

Et pendant que les Juifs lapidaient Étienne, celui-ci priait et disait :

« Seigneur, Jésus, recevez mon esprit. »

Et s’étant mis à genoux, il cria d’une voix forte :

« Seigneur, ne les punissez pas du péché qu’ils commettent ; pardonnez-leur. »

En disant ces mots, il s’endormit dans le Seigneur, c’est-à-dire il mourut, ayant, comme son Divin Maître, demandé pardon pour ses bourreaux.

Jacques. Ces misérables Juifs ! Je ne comprends pas que le bon Dieu ne les ait pas punis ? Si j’avais été le bon Dieu, je les aurais fait mourir après des années de tortures !

Grand’mère. Cher petit, le bon Dieu, étant infiniment bon, a voulu leur donner tout le temps nécessaire pour se repentir ; plusieurs se sont en effet convertis et ont amèrement pleuré leurs crimes, comme tu vas le voir pour Saül, ce jeune homme qui gardait les habits des meurtriers d’Étienne. Ceux qui sont restés méchants, ont pourtant dû mourir ; ils ont été précipités en enfer, où ils souffrent encore et souffriront toujours des tortures bien plus cruelles que toutes celles qu’ils ont fait souffrir ; ainsi tu vois que le bon Dieu, dans sa justice infiniment parfaite, punit et récompense mieux que ne peut le faire le plus puissant des hommes.