Les Abeilles travaillant sur commande

LES ABEILLES
travaillant sur commande.

On ne saurait imaginer à quel degré les apiculteurs intelligents savent se faire obéir des abeilles, à condition de respecter avec soin les instincts de ces insectes, si farouches d’ordinaire quand on les aborde sans précaution. Un curieux exemple en ce genre a été récemment présenté par un des premiers lauréats de la Société d’horticulture des arrondissements de Melun et de Fontainebleau, à la suite de sa 23e Exposition qui a eu lieu cette année, en septembre, dans la petite ville de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) sous l’habile direction de son secrétaire, M. Camille Bernardin. Dans un village voisin, déjà célèbre par les poulaillers roulants de M. Giot, à Chevry-Cossigny, se trouve un rucher, au milieu d’une vaste prairie arrosée d’un cours d’eau. Il appartient à M. Lance, le lauréat dont nous venons de parler. Après plusieurs années de continuels perfectionnements, cet apiculteur est parvenu à réaliser les meilleures ruches, à la fois d’observation et de produit. En reprenant une méthode déjà expérimentée par plusieurs personnes, et qui dérive de l’emploi de la ruche à cadres, M. Lance introduit, dans le haut de ses ruches, des boites vitrées rectangulaires, où les abeilles construisent leurs gâteaux dans le sens longitudinal. L’instinct de ces insectes les porte à remplir toujours de leurs rayons la portion la plus élevée de la cavité, naturelle ou artificielle, qu’ils ont adoptée pour la nidification. En retirant ces boîtes, à diverses époques, on peut observer les cellules à miel, les cellules à propolis, le couvain, etc. Si on les place au moment où s’ouvrent autour du rucher certaines fleurs, on peut véritablement commander aux dociles abeilles du miel à tel ou tel parfum. A l’Exposition de Brie, se trouvait du miel de sainfoin et de luzerne, un des meilleurs qu’on puisse produire. Toute la question est de placer et d’enlever la boîte en temps voulu. Ces boites, revêtues ensuite à l’extérieur de petites vignettes coloriés et d’ornements, forment un élégant plat de dessert. M. Lance s’est amusé à intriguer singulièrement les paysans apiculteurs de la localité, et même diverses personnes instruites, en leur présentant un miel très-blanc et de bel aspect, mais d’un mauvais goût qu’ils ne savaient s’expliquer. Cela provenait d’une récolte faite au moment précis où fleurissaient près du rucher de nombreuses camomilles. On pourra certainement obtenir des miels thérapeutiques, qui pourront servir à édulcorer tel ou tel médicament, et, quand on voudra, on fera faire aux abeilles des miels vénéneux ; les voyageurs font souvent mention de ces miels. Ainsi le botaniste Auguste Saint-Hilaire fut malade au Brésil pour avoir mangé imprudemment du miel sauvage. M. Lance vient d’obtenir l’autorisation d’établir à Fontainebleau un rucher d’expériences, suivant ses procédés, et ce sera un agrément de plus pour les touristes.