X.

Au milieu de ces effrois et de ces horreurs, j’ai vu une chose triste aussi, souriante pourtant. Imaginez une idylle qui serait une élégie. Trois carosses de louage descendaient la rue de Notre-Dame-de-Lorette ; c’était une noce. Dans la première voiture, il y avait la mariée, assez jolie et toute jeune, qui pleurait. Le marié, dans le second véhicule, n’avait pas l’air content. Les chevaux marchant très-lentement à cause de la descente, je me suis approché et j’ai interrogé un garçon d’honneur. Il s’était passé quelque chose de bien désagréable. On était allé à la mairie, pour être unis, mais à la mairie il y avait, au lieu de maire ou d’adjoints, un poste de gardes nationaux. Le sergent avait offert de remplacer le magistrat municipal, les grands parents n’avaient pas consenti à cet arrangement, et on s’en retournait fiancés comme devant. Cela était bien malheureux.

— Bah ! dit une commère qui passait, ils se marieront demain. On a toujours le temps de se mettre la corde au cou.

Sans doute, ils se marieront demain ; mais ils auraient voulu être mariés aujourd’hui, ces enfants. Cela ne les regarde pas, les révolutions. Qu’est-ce que cela aurait fait à la Commune que ces amants eussent été époux aujourd’hui ? Est-on sûr, d’ailleurs, de retrouver le bonheur échappé ? Ah ! cette émeute, je la hais à cause des cadavres et des veuves ; je lui en veux aussi à cause de ces jolis yeux qui pleurent sous une couronne de fleurs d’orangers.