Les 120 journées de Sodome/29

Numérisation : Jean Franval (p. 216-220).

(XXIX)

Vingt-cinquième journée

Une nouvelle intrigue se formait pourtant à la sourdine dans les murs impénétrables du château de Silling, mais elle n’était pas d’une conséquence aussi dangereuse que celle d’Adélaïde et de Sophie. Cette nouvelle association se tramait entre Aline et Zelmire ; la conformité du caractère de ces deux jeunes filles avait aidé beaucoup à les lier : toutes deux douces et sensibles, deux ans et demi de différence au plus dans leur âge, bien de l’enfance, bien de la bonhomie dans leur caractère, en un mot presque toutes deux les mêmes vertus et presque toutes deux les mêmes vices, car Zelmire, douce et tendre, était nonchalante et paresseuse comme Aline. En un mot elles se convenaient si bien que, le matin du vingt-cinq, on les trouva dans le même lit, et voici comme cela eut lieu. Zelmire, étant destinée à Curval, couchait, comme on sait, dans sa chambre ; cette même nuit ; Aline était femme de lit de Curval ; mais Curval, revenu ivre mort des orgies, ne voulut coucher qu’avec Bande-au-ciel, et moyennant cela, les deux petites colombes, abandonnées et réunies par ce hasard, se campèrent, de crainte du froid, toutes les deux dans le même lit, et là on prétendit que leur petit doigt s’était gratté ailleurs qu’au coude. Curval, en ouvrant les yeux le matin, et voyant ces deux oiseaux dans le même nid, leur demanda ce qu’elles faisaient là, et, leur ordonnant de venir à l’instant toutes deux dans son lit, il les flaira au-dessous du clitoris, et reconnut clairement qu’elles étaient encore toutes deux pleines de foutre. Le cas était grave : on voulait bien que ces demoiselles fussent des victimes d’impudicité, mais on exigeait qu’entre elles il y eût de la décence (car que n’exige pas le libertinage dans ses perpétuelles inconséquences !), et si l’on voulait bien quelquefois leur permettre d’être impures entre elles, il fallait que ce fût, et par ordre de ces messieurs, et sous leurs yeux. Moyen en quoi le cas fut porté au conseil, et les deux délinquantes, qui ne purent ou n’osèrent désavouer, eurent l’ordre de montrer comment elles s’y prenaient, et de faire voir devant tout le monde quel était leur petit talent particulier. Elles le firent en rougissant beaucoup, en pleurant, et en demandant pardon de ce qu’elles avaient fait. Mais il était trop doux d’avoir ce joli petit couple à punir le samedi d’ensuite pour qu’on imaginât de leur faire grâce, et elles furent subitement inscrites sur le fatal livre de Durcet, qui, par parenthèse, se remplissait très agréablement cette semaine. Cette expédition faite, on acheva le déjeuner, et Durcet fit ses visites. Les fatales indigestions valurent encore une délinquante : c’était la petite Michette ; elle n’en pouvait plus, disait-elle, on l’avait trop fait manger la veille, et mille autres petites excuses enfantines qui ne l’empêchèrent pas d’être inscrite. Curval, qui bandait beaucoup, saisit le pot de chambre et dévora tout ce qui était dedans. Et jetant ensuite sur elle des yeux courroucés : « Oh ! oui, parbleu, petite coquine, lui dit-il. Oh ! oui, parbleu, vous serez corrigée, et de ma main encore. Il n’est pas permis de chier comme cela ; vous n’aviez qu’à nous avertir, au moins ; vous savez bien qu’il n’y a pas d’heure où nous ne soyons prêts à recevoir de la merde. » Et il lui maniait fortement les fesses en lui adressant la leçon. Les garçons se trouvèrent intacts ; on n’accorda nulle permission pour la chapelle, et l’on se mit à table. On raisonna beaucoup pendant le dîner sur l’action d’Aline : on la croyait une sainte nitouche, et tout à coup voilà des preuves de son tempérament. « Eh ! bien, dit Durcet à l’évêque, mon ami, faut-il s’en rapporter à l’air des filles, maintenant ? » On convint unanimement qu’il n’y avait rien de si trompeur, et que, comme elles étaient toutes fausses, elles ne se servaient jamais de leur esprit qu’à l’être avec plus d’adresse. Ces propos firent tomber la conversation sur les femmes, et l’évêque, qui les abhorrait, se livra à toute la haine qu’elles lui inspiraient ; il les ravala à l’état des plus vils animaux, et prouva leur existence si parfaitement inutile dans le monde, qu’on pourrait les extirper toutes de dessus la terre sans nuire en rien aux vues de la nature qui, ayant bien trouvé autrefois le moyen de créer sans elles, le trouverait encore quand il n’existerait que des hommes. On passa au café ; il était présenté par Augustine, Michette, Hyacinthe et Narcisse. L’évêque, dont un des plus grands plaisirs simples était de sucer le vit des petits garçons, s’amusait depuis quelques minutes à ce jeu avec Hyacinthe, lorsque tout à coup il s’écria en retirant sa bouche pleine : « Ah ! sacredieu, mes amis, voilà un pucelage ! Voilà la première fois que ce petit drôle-là décharge, j’en suis sûr. » Et, de fait, personne n’avait encore vu Hyacinthe en venir là ; on le croyait même trop jeune pour y parvenir encore ; mais il avait quatorze ans faits, c’était l’âge où la nature a coutume de nous combler de ses faveurs, et rien n’était plus réel que la victoire que l’évêque s’imaginait avoir remportée. On voulut cependant constater le fait, et chacun voulant être témoin de l’aventure, on s’assit en demi-cercle autour du jeune homme. Augustine, la plus célèbre branleuse du sérail, eut ordre de manualiser l’enfant en face de l’assemblée, et le jeune homme eut permission de la manier et de la caresser en telle partie du corps qu’il le désirerait : nul spectacle plus voluptueux que celui de voir une jeune fille de quinze ans, belle comme le jour, se prêter aux caresses d’un jeune garçon de quatorze et l’exciter à la décharge par la plus délicieuse pollution ! Hyacinthe, peut-être aidé de la nature, mais plus certainement encore des exemples qu’il avait sous ses yeux, ne toucha, ne mania, ne baisa que les jolies petites fesses de sa branleuse, et, au bout d’un instant, ses belles joues se colorèrent, il poussa deux ou trois soupirs, et son joli petit vit lança à trois pieds de lui cinq ou six jets d’un petit foutre doux et blanc comme de la crème, qui vint tomber sur la cuisse de Durcet, placé le plus près de lui, et qui se faisait branler par Narcisse en regardant l’opération. Le fait bien constaté, on caressa et baisa l’enfant de toute part ; chacun voulut recueillir une petite portion de ce jeune sperme, et comme il parut qu’à son âge et pour un début, six décharges n’étaient pas trop, aux deux qu’ils venaient de faire nos libertins lui en firent joindre chacun une, qu’il leur répandit dans la bouche. Le duc, s’étant échauffé de ce spectacle, s’empara d’Augustine et la branla sur le clitoris avec la langue jusqu’à ce qu’elle eût déchargé deux ou trois fois, ce que la petite friponne, pleine de feu et de tempérament, fit bientôt. Pendant que le duc polluait ainsi Augustine, il n’y avait rien de si plaisant que de voir Durcet, venant recueillir les symptômes du plaisir qu’il ne procurait point, baiser mille fois sur la bouche cette belle enfant, et avaler, pour ainsi dire, la volupté qu’un autre faisait circuler dans ses sens. Il était tard, on fut obligé de soustraire la méridienne et de passer au salon d’histoire, où Duclos attendait depuis longtemps. Dès que tout le monde fut arrangé, elle poursuivit le récit de ses aventures dans les termes suivants :

« J’ai déjà eu l’honneur de vous le dire, messieurs, il est très difficile de comprendre tous les supplices que l’homme invente contre lui-même pour retrouver, dans leur avilissement ou dans leurs douleurs, ces étincelles de plaisir que l’âge ou la satiété lui ont fait perdre. Croiriez-vous qu’une de ces espèces de gens, homme de soixante ans, et singulièrement blasé sur tous les plaisirs de la lubricité, ne les réveillait plus dans ses sens qu’en se faisant brûler avec une bougie sur toutes les parties de son corps et principalement sur celles que la nature destine à ces plaisirs-là ? On la lui éteignait fortement sur les fesses, le vit, les couilles, et surtout sur le trou du cul ; il baisait un derrière pendant ce temps-là, et quand on lui avait vivement renouvelé quinze ou vingt fois cette douloureuse opération, il déchargeait en suçant l’anus que sa brûleuse lui présentait.

« J’en vis un autre, peu après, qui m’obligeait à me servir d’une étrille de cheval, et de le panser avec, sur tout le corps, précisément comme on aurait fait de l’animal que je viens de nommer. Dès que son corps était tout en sang, je le frottais avec de l’esprit-de-vin, et cette seconde douleur le faisait abondamment décharger sur ma gorge : tel était le champ de bataille qu’il voulait arroser de son foutre. Je me mettais à genoux devant lui, je pressais son vit dans mes tétons, et il y répandait tout à l’aise l’âcre superflu de ses couilles.

« Un troisième se faisait arracher brin à brin tout le poil des fesses. Il se branlait pendant l’opération sur un étron tout chaud que je venais de lui faire. Puis, à l’instant où un foutre de convention m’apprenait l’approche de la crise, il fallait, pour la déterminer, que je lui dardasse dans chaque fesse un coup de ciseaux qui le fît saigner. Il avait le cul couvert de ces plaies, et à peine pus-je trouver un endroit intact pour y faire mes deux blessures ; à cet instant, son nez se plongeait dans la merde, il s’en barbouillait tout le visage, et des flots de sperme couronnaient son extase.

« Un quatrième me mettait le vit dans la bouche et m’ordonnait de le lui mordre de toutes mes forces. Pendant ce temps-là, je lui déchirais les deux fesses avec un peigne de fer à dents très aiguës, puis, au moment où je sentais son engin prêt à fondre, ce que m’annonçait une très légère et très faible érection, alors, dis-je, je lui écartais prodigieusement les deux fesses, et j’approchais le trou de son cul de la flamme d’une bougie placée à terre à ce dessein. Ce n’était qu’à la sensation de la brûlure de cette bougie à son anus que se décidait l’émission : je redoublais alors mes morsures, et ma bouche se trouvait bientôt pleine. »

« Un instant, dit l’évêque. Je n’entendrai point parler aujourd’hui de décharge faite dans une bouche, sans que cela me rappelle la bonne fortune que je viens d’avoir, et ne dispose mes esprits à des plaisirs de même sorte. » En disant cela, il attire à lui Bande-au-ciel, qui était de poste auprès de lui ce soir-là, et se met à lui sucer le vit avec toute la lubricité d’un vrai bougre. Le foutre part, il l’avale, et renouvelle bientôt la même opération sur Zéphire. Il bandait, et rarement les femmes se trouvaient bien auprès de lui quand il était dans cette crise. Malheureusement, c’était Aline, sa nièce. « Que fais-tu là, garce, lui dit-il, quand ce sont des hommes que je veux ? » Aline veut s’esquiver, il la saisit par ses cheveux, et l’entraînant dans son cabinet avec Zelmire et Hébé, les deux filles de son sérail : « Vous allez voir, vous allez voir, dit-il à ses amis, comme je vais apprendre à ces gueuses-là à me faire trouver des cons sous ma main quand ce sont des vits que je veux ! » Fanchon suivit les trois pucelles par son ordre, et au bout d’un instant on entendit vivement crier Aline, et les hurlements de la décharge de monseigneur se joindre aux accents douloureux de sa chère nièce. Tout rentra… Aline pleurait, serrait et tortillait le derrière. « Viens me faire voir cela ! lui dit le duc. J’aime à la folie à voir les vestiges de la brutalité de monsieur mon frère. » Aline montra je ne sais quoi, car il m’a toujours été impossible de découvrir ce qui se passait dans ces infernaux cabinets, mais le duc s’écria : « Ah ! foutre, c’est délicieux ! Je crois que je m’en vais en faire autant. » Mais Curval lui ayant fait observer qu’il était tard et qu’il avait un projet d’amusement à lui communiquer aux orgies, qui demandait et toute sa tête, et tout son foutre, on pria Duclos de faire le cinquième récit par lequel sa soirée devait se clore, et elle reprit dans ces termes :

« Du nombre de ces gens extraordinaires, dit cette belle fille, dont la manie consiste à se faire avilir et dégrader, était un certain président de la chambre des Comptes que l’on appelait Foucolet. Il est impossible d’imaginer à quel point celui-là poussait cette manie ; il fallait lui donner un échantillon de tous les supplices. Je le pendais, mais la corde rompait à temps, et il tombait sur des matelas ; l’instant après, je l’étendais sur une croix de Saint-André et faisais semblant de lui briser les membres avec une barre de carton ; je le marquais sur l’épaule avec un fer presque chaud, et qui laissait une légère empreinte ; je le fouettais sur le dos, précisément comme fait l’exécuteur des hautes œuvres, et il fallait entremêler tout cela d’invectives atroces, de reproches amers de différents crimes, desquels, pendant chacune de ces opérations il demandait en chemise, un cierge en main, bien humblement pardon à Dieu et à la Justice. Enfin, la séance se terminait sur mon derrière, où le libertin venait perdre son foutre quand sa tête était au dernier degré d’embrasement. »

« Eh ! bien, me laisses-tu décharger en paix, à présent que Duclos a fini ? dit le duc à Curval. — Non, non, dit le président ; garde ton foutre : je te dis que j’en ai besoin pour les orgies. — Oh ! je suis ton valet, dit le duc ; me prends-tu donc pour un homme usé, et t’imagines-tu qu’un peu de foutre que je vais perdre tout à l’heure m’empêchera de céder et de correspondre à toutes les infamies qui te passeront par la tête dans quatre heures d’ici ? N’aie pas peur, je serai toujours prêt ; mais il a plu à monsieur mon frère de me donner là un petit exemple d’atrocité, que je serais bien fâché de ne pas exécuter avec Adélaïde, ta chère et aimable fille. » Et la poussant aussitôt dans le cabinet avec Thérèse, Colombe et Fanny, les femmes de son quadrille, il y fit vraisemblablement ce que l’évêque avait fait à sa nièce, et déchargea avec les mêmes épisodes, car on entendit comme tout à l’heure un cri terrible de la jeune victime et le hurlement du paillard. Curval voulut décider qui des deux frères s’était le mieux conduit ; il fit approcher les deux femmes, et ayant examiné les deux derrières à l’aise, il décida que le duc n’avait imité qu’en surpassant. On fut se mettre à table, et, ayant au moyen de quelque drogue, farci de vents les entrailles de tous les sujets, hommes et femmes, on joua après souper à pète-en-gueule. Les amis étaient tous quatre couchés sur le dos, sur des canapés, la tête relevée, et l’on venait tour à tour leur péter dans la bouche ; Duclos était chargée de compter et de marquer, et comme il y avait trente-six péteurs ou péteuses contre seulement quatre avaleurs, il y en eut qui reçurent jusqu’à cent cinquante pets. C’était pour cette lubrique cérémonie que Curval voulait que le duc se réservât, mais cela était parfaitement inutile ; il était trop ami du libertinage pour qu’un excès nouveau ne lui fît pas toujours le plus grand effet, dans quelque situation qu’on vînt le lui proposer, et il n’en déchargea pas moins une seconde fois complètement aux vents moelleux de la Fanchon. Pour Curval, ce furent les pets d’Antinoüs qui lui coûtèrent du foutre, tandis que Durcet perdit le sien, excité par ceux de Martaine, et l’évêque excité par ceux de Desgranges. Mais les jeunes beautés n’obtinrent rien, tant il est vrai qu’il faut que tout se suive et qu’il faut que ce soit toujours les gens crapuleux qui exécutent les choses infâmes.