Les Œuvres de Mesdames Des Roches/Catherine des Roches/Imitation de la mere de Salomon, à la Roine mere du Roy.

Imitation de la mere de Salomon,
à la Roine mere du Roy


Qvelle choſe mon fils, ma nourriture chere,
Entendras-tu de moy, de moy qui ſuis ta mere,
Ie ne puis te laiſſer qu’vn brief enſeignement,
Qui pour ta Royauté ſervira d’ornement :
Car d’vn Prince excellent l’ame prudente & ſage,
Ayme plus les vertus que ſon riche heritage.
Doncques ſouuienne toy qu’il faut que les grãds Rois,
Commandant à leur peuple obeiſſent aux loix.
Et tiens dedans ta main la balance equitable,
Veu que ton premier jour l’a faict recommendable,
Pource que le ſoleil la regardoit voiſin,
Alors que tu naquis ſouz un heureux deſtin.
Mais tu dois commencer d’obſeruer la Iustice
En toy meſme, & touſiours fermer la porte au vice,

Ne laiſſer point tirer tes deſirs par les yeux,
Et ne donner ton bien pour eſtre vicieux,
Suyvant les faux appas d’une impudique flame
De craincte d’offencer ta legitime femme :
Car ſe ſeroit manquer à Dieu, aux loix, à toy,
Et pariurer l’autel de luy faucer la foy
Qui ſent d’un autre feu l’amoureuſe ſcintille
Eſt en danger d’avoir une eſpouſe ſterile
Et ne voir de longtemps les regards blandiſſans
Ny les ſoubsris mignards de ſes petits enfans.
Ie ne te priray point de te garder de boire,
Le breuuage fumeux qui gaſte la memoire,
Ie ſçay que ta raiſon garde le ſouvenir
De ce qui eſt paſſé iugeant de l’aduenir :
Mais ie te priray bien d’ayder à l’innocence
Des pauures affligez qui n’ont point de deffence.
Ie te ſupplie encor de fuyr prontement
Des propos deprauez le traiſtre enchantement,
Regarde ſi celuy qui pend à ton oreille
Eſt digne d’eſtre ouy en ce qu’il te conſeille ;
Qui ſçait bien gouverner par ordre en ſa maiſon
Il peut bien conſeiller un prince avec raiſon.
Mon fils, tu és des tiens l’eſpoir & le refuge,
Ils n’ont que Dieu au Ciel, toy en terre pour iuge :
Penſe auant que dire, & iuges ſagement
Puis que tout obeit à ton commandement.
Pour nuyre à tes voiſins ne dreſſe point d’armee ;
Et que ſert il de voir noſtre terre ſemee
De tant de corps humains ? qui fait guerre à autruy,

Il ſent premierement la guerre dedans luy,
Tu ne dois pas pourtant ſupporter l’inſolence
Des hommes corrompus qui ſont ſous ta puiſſance
Sans te monſtrer vers eux, ny ſevere, ny doux,
Il les faut chaſtier en ton iuſte courroux :
Vn Roy n’eſt eſtimé pour eſtre plus robuſte,
Ou plus ieune, ou plus beau, mais pour eſtre plus iuſte.
Dieu vueille mon enfant qu’vn Laurier verdiſſant
Entourne pour iamais ton ſceptre fleuriſſant,
Et qu’il ſoit ceint auſſi par les branches d’Oliues,
Afin que pluſieurs ans paiſiblement tu viues.