Les épisLa Cie J.-Alfred Guay (p. 241-242).

Les couronnes


Il neigeait. On eut dit un grand vol d’ailes blanches.
Le vent chantait un hymne au toit de l’indigent,
Et les flocons légers, qui jouaient dans les branches,
Mettaient aux fauves bois des couronnes d’argent.

Le brouillard tourbillonne avec un bruit de meule.
Il s’enfuit. Le soleil tresse, de ses rayons,
Des couronnes de gemme au manteau de l’éteule,
Au blanc voile des prés, au front nu des sillons.

Et, drapé fièrement de dentelles de glace,
Le ruisseau court là-bas, à travers les cailloux.
S’il s’arrête ou se creuse, on dirait qu’il enlace
Des couronnes d’onyx au fond de ses remous.

Le soleil glisse lent vers l’ombre où tout se noie.
Dans l’immense foyer meurt l’immense tison.

Mais son dernier reflet jusqu’aux cimes flamboie,
Et des monts radieux couronnent l’horizon.

Et voilà qu’au ponant de flammes, des nuages
Qu’effleurent les rayons de l’astre qui s’endort,
Partent tout glorieux pour de pieux voyages,
Avec le manteau pourpre et la couronne d’or.

Ils vont vers les clochers où l’airain carillonne ;
Ils vont à l’humble crèche où descend tout le ciel.
Dans les voiles du soir l’étoile papillonne ;
La terre entière chante. Ils vont… Car c’est Noël.

Dans le temple rustique et sous les vastes dômes
Retentit l’hosanna. Le peuple est prosterné.
Des cassolettes d’or qui brûlent, les arômes
En couronnes d’azur montent vers l’incarné.

Et l’Enfant-Dieu sourit aux visions divines…
Mais soudain son œil doux est devenu rêveur.
Voit-il, dans le lointain, la couronne d’épines
Que la haine mettra sur son front de Sauveur ?