Les Îles de la Madeleine et les Madelinots/01

Imprimerie Générale de Rimouski (p. 13-15).

L’ARCHIPEL DE LA MADELEINE

Aperçu géographique

Au nombre de douze, ces îles sont jetées au milieu du golfe Saint-Laurent comme une constellation tombée un jour du firmament. Quelques-unes, avec leurs effilochures de sable, ressemblent à des comètes à grand’queue. Elles émergent d’un vaste plateau sous-marin qui, à découvert, formerait une île deux cents fois plus étendue que l’archipel actuel et engloberait, non seulement toutes les îles, mais tous les récifs invisibles et les rochers d’alentour. (J. M. Clarke). Si nous osons remonter, par l’imagination, à des milliers d’années en arrière, nous voyons que la section appalachienne était ininterrompue jusqu’aux Îles de la Madeleine et que la vaste échancrure qui, du Cap-Breton à la Gaspésie, forme une grande partie du golfe Saint-Laurent, était alors une immense plaine de même formation que les Provinces Maritimes et les lambeaux qu’elle nous a laissés en témoignage : l’Île du Prince-Édouard et les Îles de la Madeleine. Celles-ci sont faites de roches éruptives et de grès. Leur physionomie mamelonnée est le témoin de l’action du volcanisme qui est manifeste dans tout le système des Alléghanys-Appalaches. Les géologues qui ont pris la peine d’aller y faire des études disent que ces îles furent soustraites à l’action glaciaire. Plus catégorique et plus positif que ses prédécesseurs, M. John M. Clarke dit : « le sol de ces Îles est essentiellement un résidu ; elles n’ont jamais été soumises à l’action glaciaire. » M. James Walter Goldthwait, seul, d’un avis contraire, affirme qu’il a trouvé des stries glaciaires sur plusieurs roches au Havre-Aubert, à la Pointe-Basse et à la Grande-Entrée, et il conclut que les Îles de la Madeleine n’auraient point été exemptes du travail d’érosion des énormes banquises de glace qui rongèrent les Laurentides et couvrirent toutes les Provinces Maritimes, depuis le Cap-Breton jusqu’à la Gaspésie. La question n’est donc pas définitivement réglée. Ce sujet étant bien au-dessus de nos connaissances actuelles, je laisse aux savants géologues le soin de l’approfondir et de le résoudre. Ce que je vais raconter de mes Îles se passe bien longtemps après la période glaciaire et lui est bien étranger.

Ce qui paraît acquis à la science cependant, c’est que les Îles ont émergé de 100 à 125 pieds (Chalmers) ; qu’elles étaient beaucoup plus étendues qu’actuellement ; que la mer les a rongées, les a tranchées, les a séparées pour les unir ensuite de leurs restes pulvérisés : les dunes ; que Neptune, poursuivant son travail titanesque avec une patience inlassable, réussira à limer jusqu’au dernier cap, jusqu’à la dernière pierre, jusqu’à la dernière motte de grès et fera de cet « archipel égéen » un lieu de désolation chaotique, une seconde île de sable. Mais en basant son calcul sur la durée d’une vie d’homme, on trouve qu’il faudrait encore 5,417 ans pour achever ce travail. Donc, en paix, chers Madelinots.

L’archipel de la Madeleine affecte quelque peu la forme d’une clef ou d’un hameçon placé dans la direction nord-est sud-ouest, en travers des courants dans la route que suivent tous les navires qui pénètrent dans le golfe Saint-Laurent, par le détroit de Cabot, pour remonter le fleuve. La pointe de l’Ouest est à 54 milles de la pointe de l’est de l’Île du Prince-Édouard, à 150 milles de Gaspé, à 100 milles de la Nouvelle-Écosse et à 120 milles au sud de la pointe de l’est de l’île d’Anticosti ; la pointe de l’Est est à environ 45 milles du Cap-Nord sur le Cap-Breton et à 96 milles du Cap-Ray, Terre-Neuve.