P.-G. Delisle (p. 202-207).

NOCES D’OR


I


le prêtre


Le Créateur puissant que l’univers adore,
Et dont l’œuvre immortelle annonce la grandeur,
Celui dont le saint nom, du couchant à l’aurore,
Illumine des cieux la sombre profondeur ;

Dieu, dont le pur esprit a créé la matière,
Voulant dans sa pensée unir la terre au ciel,
A placé l’être humain comme intermédiaire,
Et su joindre à son âme un corps matériel.


Ainsi pour rapprocher le serviteur du Maître,
Pour rediviniser l’homme une fois déchu,
Le Sauveur Jésus-Christ institua le prêtre,
Auquel son ministère adorable est échu !

C’est lui qui doit refaire une chaîne pieuse,
Entre l’homme pécheur et son Maître offensé ;
C’est lui qui doit former l’échelle merveilleuse,
Qui du monde pervers monte au ciel courroucé !

C’est le saint ouvrier dont le rôle sublime
Poursuit jusqu’à la fin l’œuvre de l’Éternel ;
C’est lui qui doit combler cet insondable abîme,
Creusé par Lucifer entre l’homme et le ciel !

C’est l’oracle sacré dont la sage parole
Dissipe les erreurs dans nos esprits trompés ;
C’est la main qui bénit, c’est la voix qui console
Nos cœurs endoloris et de larmes trempés.

C’est lui qui met un frein à ces instincts funestes,
Qui s’éveillent sans cesse au fond du cœur humain ;
C’est lui qui, se faisant l’écho des voix célestes,
À travers les écueils nous montre le chemin.


C’est lui, qui sur nos fronts, au matin de la vie,
Imprime de la Foi le signe vénéré ;
C’est lui qui fait descendre en notre âme ravie
Au sacré tribunal le pardon imploré.

C’est lui qui fait briller au milieu de nos fanges
Un rayon lumineux de l’amour éternel,
Et nous fait une place à la table des anges,
Où le Sauveur nous donne un baiser fraternel.

Et puis… lorsque la mort vient heurter notre porte,
Lorsque de notre vie a lui le dernier jour,
C’est lui qui vient briser d’une main douce et forte
La chaîne qui nous lie au terrestre séjour !


II


À MM. Joseph et Clément Aubry


hommage


Tel est pour nous le prêtre ; et tels sont les modèlesvœux.
Qu’en ce jour de bonheur nous avons sous les yeux ;
Tels ont toujours été ces apôtres fidèles
Auxquels nous adressons notre hommage et nos vœux.

Tous deux, marqués au front du divin caractère,
Ils ont choisi leur place à l’ombre des autels ;
Ensemble ils ont franchi le seuil du sanctuaire ;
Ensemble ils ont vécu du pain des Immortels.
Ils ont su triompher de l’humaine faiblesse,
Et, forts de leur amour, ils ont abandonné
Les honneurs, les plaisirs, les fleurs de la jeunesse,
Et tout ce faux bonheur d’un monde fasciné.
Dans leurs âmes sans tache, ainsi que dans une urne,
La vertu conserva son parfum précieux,
Et, comme un feu sacré d’une lampe nocturne,
L’amour brûla toujours dans leurs cœurs généreux.


Pendant un demi-siècle ils ont prêché la gloire
Du Père dont ils sont les fils toujours soumis ;
Pendant un demi-siècle ils ont dit sa victoire
Sur le monde et l’enfer, ses deux grands ennemis.
Rien n’a jamais lassé leur zèle infatigable,
Et Dieu seul sait combien ils ont séché de pleurs
Dans ce monde déchu que le malheur accable !
Ils savaient le remède aux humaines douleurs,
Et sur l’âme souffrante ils répandaient le baume
Que la prière apporte à nos cœurs désolés !
Ils savaient le chemin du céleste royaume,
Et leurs mains le montraient sans cesse aux exilés !
Ils voyaient les erreurs de ce siècle en démence,
Sa doctrine perverse et ses illusions,
Et sur tous les sentiers ils jetaient la semence
Des principes sacrés sans lesquels nous mourrons !

Soulager l’infortune, instruire l’ignorance,
Lutter contre l’enfer en bons soldats du Christ ;
Dans l’âme du pécheur ranimer l’espérance
Et jeter la lumière au fond de son esprit ;
Tantôt se revêtant de l’armure terrible
Et lançant l’anathème aux suppôts de l’erreur ;
Tantôt se dépouillant de ce glaive invincible,
Et prenant la houlette et la voix du Pasteur
Qui ramène au bercail les brebis égarées :
Voilà quel fut toujours leur fructueux labeur !

Et voici maintenant, qu’après cinquante années
Ils ont renouvelé les noces de l’Agneau,

Fiers de jurer encor l’alliance mystique
Qui les unit au Christ sous le même drapeau !
Plaise au ciel que, témoin de leur vie angélique,
Dieu les conserve encor longtemps auprès de nous,
Afin que raffermis par ces vivants modèles,
Nous trouvions moins pesant à nos âmes rebelles
Le saint joug du Seigneur, qui pour eux est si doux !


Collège de Sainte-Thérèse, 10 février 1870.



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