P.-G. Delisle (p. 153-157).


POUR L’ÉGLISE ET LA FRANCE


I


Sous la voûte des cieux l’ombre a tendu ses voiles
Des nuages blafards roulent sur les étoiles,
Et nous dérobent leur clarté.
Le crêpe de la nuit sur l’univers se pose,
La nature se tait : tout dort et se repose,
Hors Dieu dans son immensité.

Sur nos autels sacrés jamais il ne sommeille,
Dans la sainte chapelle, entrez, son amour veille :
Œil toujours ouvert sur nos pas.

Sa lampe solitaire aux parvis se balance,
Et son oreille semble écouter en silence
Des voix qui lui parlent tout bas.

Dans les vagues lueurs que projettent les dômes,
Les piliers de la nef sembleraient des fantômes
Qui se promènent dans la nuit.
La voûte se revêt de formes fantastiques,
Et l’on dirait parfois que des chœurs angéliques
Y déploient leurs ailes sans bruit.

L’orgue majestueux, dans la nef solitaire,
En ses poumons d’airain retient sa voix austère,
Et l’hymne dort sur le clavier ;
Le front enveloppé d’une majesté sombre,
L’autel auguste semble agenouillé dans l’ombre
Et nous inviter à prier !

À genoux ! À genoux ! Il faut prier, c’est l’heure :
Le monde chante et rit, mais l’Église qui pleure
A besoin du secours divin.
Notre siècle est en proie aux angoisses du doute,
Et, comme un pauvre aveugle, il méconnaît la route
Que Jésus-Christ lui montre en vain.


À genoux ! à genoux ! car le monde blasphème,
Et de sa bouche impie il vomit l’anathème
Contre son sauveur Jésus-Christ !
Dans l’ivresse des sens il a perdu la crainte,
De son impureté sa conduite est empreinte ;
La chair l’emporte sur l’esprit !


II


Ô maître souverain de notre destinée,
Daigne sur l’univers répandre tes bienfaits.
Souviens-toi de l’Église, et de sa fille aînée,
Et donne à toutes deux, le triomphe et la paix.

Il est temps, mets un terme à la sombre épopée
Qui submerge la France en un fleuve de sang ;
Raffermis dans sa main sa glorieuse épée,
Et ravive la foi dans son cœur frémissant.

Ne laisse pas glisser jusqu’au fond de l’abîme
Ce peuple qui partout a porté ton flambeau ;
Fais descendre sur lui cet esprit qui ranime,
Ce souffle qui tira Lazare du tombeau !


S’il se fût rencontré dix justes dans Gomorrhe,
Ta clémence, Seigneur, promettait pardonner :
La France peut compter bien des justes encore :
Que ta foudre sur eux cesse enfin de tonner !

Leurs vœux montent vers toi de mille sanctuaires,
Où l’on voit se presser un peuple adorateur ;
Tu ne peux pas rester sourd à tant de prières,
À la France, ô mon Dieu, donne un libérateur !

Souviens-toi seulement de ta miséricorde,
Et sur les peuples jette un regard de bonté.
Que la Justice cède, et que l’Amour accorde
Au monde le pardon de son iniquité !

Vois l’œuvre que ce siècle, en dépit de ses crimes,
Pour ta gloire éternelle a permis d’accomplir ;
Pense à ce grand Concile, à ces dogmes sublimes
Que l’Église assemblée a voulu définir !

Vois le Juste qui monte encor sur le Calvaire,
Traîné par des bandits, soudoyés par des rois ;
N’exige pas le sang de Pie-neuf ; viens soustraire
Son épaule meurtrie au fardeau de la Croix.


Ranime en Italie un rayon de ta gloire,
En Autriche la foi, gage de sa grandeur ;
Au peuple de Glovis accorde la victoire,
Et fais luire à son front son antique splendeur !

Fais triompher partout la force de l’Église,
Démontre au genre humain son immortalité ;
Et qu’une fois de plus la tempête se brise
Sur l’arche de la Vie et de la Vérité !


Québec, 31 décembre 1870.



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