Comtesse Mathieu de Noailles ()
Calmann-Lévy, éditeurs (p. 75).

LE JOUR

 
Voici l’aube glissant sur les stores d’osier,
Voici l’aurore et ses millions de rosiers ;
Le Temps chaque matin a sa douceur première,
Et moi je vous respire et vous bois, ô Lumière

Vous qui, force du jour, orgueil du matin bleu,
Faites gonfler mon cœur et reluire mes yeux,
Je vous contemple avec cette douleur subite
De Phèdre, désirant la bouche d’Hippolyte !

Je suis une fenêtre ouverte où vous entrez ;
La rose, le vallon, la colline, le pré,
Sont, à votre douceur éternelle et naissante,
Moins que moi dévoués, Lumière adolescente !

Lumière n’est-ce pas qu’Antigone, en mourant,
Remettait moins l’amour que votre doux torrent ?
Et moi, je suis, comme une fleur, d’ardeur percée ;
— Ah voyez comme j’ai la tête renversée…