Les Éblouissements/La naissance du jour

Comtesse Mathieu de Noailles ()
Calmann-Lévy, éditeurs (p. 170-171).

LA NAISSANCE DU JOUR


Bien avant que la nuit ait achevé son cours
Je suis venue au bord de ce chemin t’attendre,
Visage éblouissant, Soleil cruel et tendre
Qui composes ma vie et présides mes jours !

J’attendais, l’aube vint, dolente, terne encore,
Voilant son doux regard, son front, son sein d’azur,
Préparant calmement, dans le silence pur,
La naissance inquiète et chaste de l’aurore…

Et puis soudain la nue est un brûlant levain.
Comme un cri de héros qui déchire la gorge,
Tu bondis, soleil d’or couleur de miel et d’orge,
Et brilles, effaré, dans l’infini divin !

Je ne me contiens plus dès ta belle arrivée,
Je m’élance et reçois ton éclat dans les yeux,
Je me presse le cœur ; dans les champs radieux


Je vais, serrant sur moi ta flamme retrouvée,
Petite, je me sens un aigle dans les cieux.
Ah ! qu’on est près du temps, de l’espace, des dieux,
Quand on marche en dansant et la tête levée...