Le spectre menaçant/03/08

Maison Aubanel père, éditeur (p. 180-182).

VIII

Ayant accompli sa mission, André retourna à Chicoutimi par le premier train, tout heureux de son succès. Ses vues avaient été acceptées au sujet de certains projets, quoiqu’il se fût heurté à une obstination bornée quand il avait proposé aux actionnaires de faire cesser le travail du dimanche dans la région industrielle du Lac-Saint-Jean. Malgré cet échec sur une question de principe, le résultat pratique de son voyage était assuré. Il avait remporté le morceau sur plusieurs projets chers à son patron, ce qui n’était pas de nature à lui nuire auprès de lui. Ses relations avec Agathe n’en devraient pas souffrir non plus. Monsieur Drassel lui avait permis de rendre visite à Agathe. Peut-être obtiendrait-il de la fréquenter régulièrement, plus tard, sans toutefois espérer un jour d’en faire sa femme. Madame Drassel poserait certainement des objections. Tous ses efforts devraient dorénavant converger vers sa réhabilitation. La Providence viendrait-elle enfin à son secours, lui qui implorait si sincèrement sa protection ? Peut-être aurait-il dû accepter la récompense que lui avait offerte son patron. Il avait enfin accompli le devoir qu’il s’était imposé envers son père. Le notaire tâcherait de les retrouver, et les sommes qu’il avait dépensées pour son procès lui seraient remises avec intérêt. Toutes ces pensées passèrent et repassèrent dans sa tête, après qu’il se fut retiré dans son compartiment de wagon-lit et ce n’est que tard dans la nuit que le sommeil s’empara de lui.

Le surlendemain matin, il descendait du train, à Chicoutimi, et avertissait immédiatement son patron par téléphone, de son arrivée.

Il s’informa timidement de la santé d’Agathe et la réponse sympathique de son patron le rassura. Il y voyait un indice d’amélioration des sentiments de Monsieur Drassel en sa faveur.