H. Daragon (p. 5-9).
I
 
La Gnose
 

Le mot Shatan vient de SchTN.

Ce nom SchTN n’a point de signification propre, malgré ce qu’a dit un des historiographes du Shatanisme. Il ne signifie point « ennemi adversaire ». C’est un nom propre, devenu, évidemment, par la suite, synonyme de « mal, adversaire ».

Quant à l’histoire personnelle de Shatan, elle nous apparaît aussi problématique que celle de Dieu… Nous admirons ceux qui l’ont écrite, nous ne les imiterons pas. Naïfs, nous pensons que Shatan est né avec le monde, c’est-à-dire en…

Nous nous essayerons seulement dans celle du Shatanisme.

Il ne nous semble pas extraordinaire d’avancer que le monothéisme intransigeant de Moïse prépara le manichéisme. Tout abus prépare une révolution.

Le système de Manès est très clair : le Bien et le Mal, un Principe du Bien et un Principe du Mal toujours en lutte, chacun vainqueur à son tour. Les deux Principes se partagent le monde et les hommes. Manès ne découvrit ni le Bien ni le Mal, il leur donna une sorte de personnalité, il eut le courage de proclamer Inexistence et la puissance du Mal. Shatan devenait presque l’égal de Dieu.

… Arrivons à Jésus.

Jésus connaît bien Shatan et les démons ! Il envoie les démons hantant un possédé dans un troupeau de deux mille cochons[1] lesquels vont se noyer dans le lac voisin ; « Jésus, dit Renan, croyait au diable qu’il envisageait comme une sorte de génie du mal, et il s’imaginait, avec tout le monde, que les maladies nerveuses étaient l’effet de démons qui s’emparaient du patient et l’agitaient ». Sa prière se terminait par ces mots : « Pardonne-nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Épargne-nous les épreuves ; délivre-nous du Méchant ». Citons encore Renan : « L’imagination des disciples s’exerça beaucoup sur le séjour de Jésus au désert. Le désert était, dans les croyances populaires, la demeure des démons. Il existe au monde peu de régions plus désolées, plus abandonnées de Dieu, plus fermées à la vie que la pente rocailleuse qui forme le bord occidental de la Mer morte. On crut que, pendant le temps qu’il passa dans cet affreux pays, il avait traversé de terribles épreuves, que Satan l’avait effrayé de ses illusions ou bercé de séduisantes promesses, qu’ensuite les anges, pour le récompenser de sa victoire, étaient venus le servir ».

Jésus prêchait par l’immensité, pour l’immensité.

Les Apôtres prêchèrent pour quelques paisibles pécheurs.

Leurs successeurs, les Papes, prêchèrent pour les intérêts d’une religion.

Et, au lieu de progresser avec les traditions de tous les pays, ils se cantonnèrent dans la Bible hébraïque.

C’est alors que des esprits qui s’y trouvaient à l’étroit s’inspirèrent et de cette Bible et de ces traditions.

Ce furent les Gnostiques, les premiers dissidents qui, par la suite, devaient s’appeler :

Ophite,
Mazdéiste,
Kabbaliste,
Essénien,
Manichéen,
Eustathien,
Catharre,

Novatien,
Priscillianiste,
Apotactite
Encratite,
Montaniste,
Johannite,
Albigeois,
Pétrobrusien,
Henricien,
Templier,
Jacobin,
Carmélite,
Franc-Maçon, etc., etc.

Tous ces noms se résument sous un seul : Shataniste.

…Morphinomanes, éthéromanes, cocaïnomanes sont un peu shatanistes aussi… Ils cherchent à côté.

… Revenons à la Gnose.

D’un article signé « Sophronius »[2] et quelque peu obscur d’ailleurs, extrayons ces lignes : « Dans le Gnosticisme moderne, l’un est l’Être infini ; l’intelligence est l’Être suprême ou parfait ; l’âme universelle est l’Éther universel. Mais dans le Gnosticisme du Ier et du IIe siècles de notre ère, cette trinité fondamentale semble noyée dans une multitude d’hypostases appelées Éons, et il est si difficile aux étudiants en philosophie de la reconnaître que, rebutés par cette difficulté, ils abandonnent l’étude de la Gnose en proclamant qu’elle est le cauchemar de l’humanité ».



  1. Les sceptiques remarquent qu’il ne devait pas se trouver tant de cochons dans un pays où leur viande était défendue.
  2. L’article est signé « Sophronius, évêque de Toulouse ».