Le premier livre des Sonnets pour Hélène/Puis que tu cognois bien
XL
Puis que tu cognois bien qu’affamé je me pais
Du regard de tes yeux, dont larron je retire
Des rayons, pour nourrir ma douleur qui s’empire,
Pourquoy me caches-tu l’œil par qui tu me plais ?
Tu es deux fois venue à Paris, et tu fais
Semblant de n’y venir, afin que mon martire
Ne s’allège en voyant ton œil que je désire,
Dont la vive vertu me nourrist de ses rais.
Tu vas bien à Hercueil avecque ta cousine
Voir les prez les jardins et la source voisine
De l’Antre, où j’ay chanté tant de divers accords.
Tu devois m’appeler, oublieuse Maistresse :
Ton coche n’eust courbé soubs une masse espesse :
Car je ne suis plus rien qu’un fantôme sans corps.