Le premier livre des Sonnets pour Hélène/Poussé des flots d’Amour
VI
Poussé des flots d’Amour je n’ay point de support,
Je ne voy point de Phare, et si je ne desire
(O desir trop hardy !) sinon que ma Navire
Apres tant de perils puisse gaigner le port
Las ! devant que payer mes vœux dessus le bort,
Naufrage je mourray : car je ne voy reluire
Qu’une flame sur moy, qu’une Helene qui tire
Entre mille rochers ma Navire à la mort.
Je suis seul me noyant de ma vie homicide,
Choisissant un enfant un aveugle pour guide,
Dont il me faut de honte et pleurer et rougir.
Je ne sçay si mes Sens, ou si ma Raison tasche
De conduire ma nef, mais je sçay qu’il me fasche
De voir un si beau port et n’y pouvoir surgir.