Le parfait secrétaire des grands hommes/Lettre 31

Texte établi par Georges GirardLa cité des livres (p. 58).
TALBOT


[À Bedford].


Sir duc de Bedford,

Ce mot que je vous fais à la haste est pour vous anoncer triste nouvele. Force nous a esté de lever le siège de la ville d’Orliens et nous sauver en désordre, moy à Meung et le comte de Suffolk à Gergeau. Le sir de Glacidas a esté tué et n’ay encore aucune nouvelle de lord Poll ny des siens ; peut estre Vostre Seigneurie en aura-t-elle receu.

C’est le viiie jour de ce present mois que force nous a esté d’abandoner icele ville. Jà la veille, quatre cens Dunoys et Chartrains comandés par Sir Florent d’Illiers y avoient pénétrés les premiers par escalade et ouvrir les portes au fort de l’armée, à la teste de laquelle Jehane la Pucele, le conte de Dunoys, Lahyre, Xaintraille et autres chefs des françois, qui, enhardis par l’exemple et l’élan que donoit la donzele, culbutoient tout sur leur passaige, Or nos soldats épouvantés et frapés d’une terreur panique ont fuys, laissant bagaiges et vivres, malgré tous nos efforts.

Tel est, sir duc de Bedford, le triste récit que je vous fais à mon grand déplaisir, Dieu vous garde.

Ce x de may, MCCCCXXIX.

Talbot.