Le parfait secrétaire des grands hommes/Lettre 02

Texte établi par Georges GirardLa cité des livres (p. 30-31).
SAPHO


Sapho à son très amé Phaon, salut.


Très chier amé,

Près de ces bords çcharmans où la veue admire en s’égarant une immense estendue, où la pleine des mers et la vouste des cieux semblent dans le lointaing se confondre, non loin d’icelle rive est un lit de verture qu’ombrage un orme épais et qu’une onde pure arrose.

Ce fut là, si tu t’en rapele, mon très amé, que, embrasé par l’amour, tu me donna le premier baisé et me pressa de le rendre. Ce fut là, chier Phaon, qu’au gré de ta caresse, je fis en rougissant, hélas, l’aveu de ma tendresse et aussy cele de ma faiblesse. Comment aurois-je pu résister à tes feux, car dans tes yeux estait peinte la candeur de ton âme, l’amour d’un doux esclat faisoit briller tes charmes.

Ô chier Phaon, quel beau jour, je crois encore voir tes yeux attendris qui se remplirent de larmes. Ô qu’à ta tendre Sapho comme tu paroissois en chaleur, t’en souviens-tu, moi je crus voir les dieux qui seduisoient ton cueur, reviens à moy, reviens, car sans toy ne puys vivre. Salut.

Sapho.