Gervais Clouzier, 1680 (1 / 2, pp. 120-121).
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LA quatriéme espece de Tranchées est causée par les vers, qui s’attachent aux parois de l’estomach & aux gros boyaux, qui causent de si grandes douleurs aux Chevaux qu’ils en font des actions de desespoir, & se laissent choir à terre, y restans sans mouvement comme s’ils estoient morts.

Ces vers qui donnent des tranchées sont pour l’ordinaire larges, gros & courts comme de petites féves, de couleur rougeâtre ; il y en a qui sont longs & blancs, pointus par les deux bouts, mais ces derniers ne sont pas si méchans que les premiers, & causent peu souvent des tranchées. Ces petits vers rongent souvent les boyaux & les percent, c’est d’où procedent ces douleurs insupportables. Il faut bien remarquer que c’est des premiers vers que j’ay dit, que vient tout le mal, & mesme qui percent l’estomac, & font mourir les Chevaux.

On connoist que les Chevaux ont des vers qui causent les tranchées, lorsqu’on en trouve de temps en temps parmy la fiente ; mais les rouges sont assez mal-aisez à discerner, estans prefque de la mesme couleur que la fiente : On s’apperçoit aussi lors que les douleurs pressent les Chevaux, qu’ils se mordent les flancs, & emportent souvent la piece du cuir comme s’ils estoient enragez ; ensuitte ils se regardent les flancs, & suent par tout le corps, dans leur accez ils se jettent par terre, se levent & se débattent.

Je ne parleray point icy de plusieurs sortes de vers ausquels les Chevaux sont sujets, j’en feray un Chapitre particulier, ne m’attachant icy qu’à expliquer ce qui concerne les tranchées.

Quand un Cheval est tourmenté des vers, il faut méler une demie once de sublime doux avec une once & demie de theriacque vieille, & du tout former trois pilulles qu’on luy fera Chap.
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ler avec une chopine de vin rouge. Et une heure apres ce breuvage, on luy donnera un lavement fait avec deux pintes de lait, demie douzaine de jaunes d’œufs, & un quarteron de sucre, cette douceur attirera les vers dans le gros boyau. Le meilleur sublime doux ne doit coûter que quinze sols l’once. Vous pouvez voir le Chapitre ⅭⅬⅧ où il est parlé au long du moyen de détruire les vers par toutes sortes de méthodes, comme sont purgations, poudres, breuvages, & autres.

Un Gentilhomme de ma connoissance envoya querir dans une petite Ville, une demy once de sublimé doux, l’Apoticaire veritablement luy en envoya une demy once, mais c’estoit du sublimé corrosif, qu’il fit avaller de bonne foy à son Cheval avec un once & demy de theriaque, il en creva, on l’ouvrit, & on trouva le desordre du poison dans le gosier & dans l’estomac du Cheval, & le qui pro quo fut un peu fort en cette occasion : Et pour n’y estre pas attrapé comme celuy-là, il faut faire goûter à l’Apoticaire qui le vend le sublimé doux avec le bout de la langue, car il ne doit avoir aucune acrimonie, & ne pas picotter seulement le bout de la langue, moy-mesme je le goute sans peril. Que c’est du sublimé corrosif qui est un poison, il se donnera bien de garde d’y goûter, & s’il le fait ce sera fort légèrement.

On peut donner beaucoup de sortes de poudres pour ruer les vers, desquelles nous parlerons en temps & lieu, mais le sublimé doux fera plus d’effet que tout le reste, car sa seule vapeur tue toute sorte de vers ; vous pourrez pratiquer d’autres remedes, si vous ne trouvez pas un bon effet au sublimé, quoy qu’il soit specifique pour tuer la vermine.

Les lavemens qu’on voudra composer pour les Chevaux qui ont des vers, peuvent estre faits avec du bouillon de trippes ou une décoction d’orge, dans laquelle aura bouilly aigremoine & pourpier, de chacun une poignée, on y dissoudra demie livre de miel, huit jaunes d’œufs, demie livre de cassonnade, & donner le tout tiede au Cheval, pour attirer par cette douceur les vers dans le gros boyau.