Gervais Clouzier, 1680 (1 / 2, pp. 97-98).
◄  Methode pour dégraisser les yeux par en bas ⅩⅩⅩⅤ : La maniere de donner le feu au dessus des yeux d’un Cheval. De l’Emorragie  ►


LE vingtième de la Lune ou environ, tirez une raye de feu depuis le dessous d’une oreille jusqu’à l’autre, passant sous le frontal de la bride, afin de cacher cette raye, qu’on fait avec un couteau de feu, qu’il faut repasser jusqu’à ce que la raye soit couleur de cerise, puis sur les veines du larmier faites une étoille de feu sans percer le cuir, car les cicatrices paroistroient toûjours, Si le cuir avoit esté perce avec le feu ; il faut frotter les endroits brûlez avec de l’eau de vie mélée avec du miel, tous les jours matin & soir: l’escarre estant tombée il faut bassiner la playe avec de l’eau de vie, quoy qu’on n’y mette ny poix ny bourre, il y reste tres-peu de cicatrices, & si le feu fait autant d’effet.

J’ay veu quantité de Chevaux qu’on a garantis de la Lune pour quelque temps avec le feu donné de cette sorte, & le pis qu’il en puisse arriver, est qu’on en conserve tout au moins un en crevant l’autre, Si les deux yeux sont atteints de ce deffaut : les esprits visuels de celuy qui est crevé, passeront dans l’autre & le fortifieront, & on conservera encore les yeux quelque temps en estat de servir, si on barre les deux veines du col, qu’on appelle veines jugulaires.

Tous les Chevaux lunatiques à la fin deviennent aveugles, à moins d’apporter les precautions que nous avons dit, & d’en crever un, ce que l’on fait avec un esguille enfilée avec du fil de laquelle on perce le méchant œil, & on fait resortir l’esguille tout contre où on l’a piqué en entrant dans l’œil, & on y laisse le fil pendant sept où huit jours, & continuellement cet œil qui est enfilé, jette de l’eau & se desseche, on oste le fil & par le temps, les esprits visuels qui passent à l’autre œil le fortifient, & le conservent de la Lune, & l’œil picqué se desseche, j’ay veu un Cheval auquel on avoit mis un œil d’émail, ou de verre, pour cacher la difformitté d’un œil qui s’estoit absolument desseché, quand on l’eut crevé pour conserver l’autre ; la Lune est une maladie hereditaire qui passe aux Poulains, ainsi il faut avoir grand soin que les Estalons ayent de bons yeux : le mal peut arriver aussi lors, que les Poulains mangent l’avoine avec leur mere des l’âge d’un an & avant, ils font effort pour la mâcher, & s’estendent les veines qu’ils ont sur les yeux & à côté du larmier, & les font grossir, par ainsi attirent trop de sang en ces parties, qui ensuitte nourrissant trop l’œil réchauffent & y causent la fluxion, ou Chap.
ⅹⅹⅹⅴ
.
celle qui suit le mouvement de la Lune, ou l’autre ce qui perd & consomme les yeux ; c’est une pensée que j’ay tirée d’un Livre qui traitte des Chevaux, fait par un nommé Jean Taquet : Il dit expressement que ce n’est pas l’avoine par sa substance qui fait perdre les yeux aux Poulains en les échauffant trop, mais seulement par l’effort qu’ils font en la mâchant, & pour empescher ce desordre, il conseille qu’on fasse moudre l’avoine pour les Poulains, & que la mangeant de la sorte ils seront plus forts & robustes sans que jamais elle leur cause fluxion, ny mal aux yeux: Comme je n’avois jamais veu cette observation en aucun Autheur, je vous l’ay voulu donner, & vous laisser la liberté d’en faire le jugement qu’il vous plaira.

II y a des Chevaux qui deviennent lunatiques à l’âge de huit ou dix ans, qui avoient toujours eu les yeux beaux : c’est un heritage que l’Estalon leur a laissé. Le Tonnerre & les éclairs dans les grands orages quand les jeunes Chevaux en sont attrapez en Campagne peuvent les rendre lunatics, ou tout-à-fait aveugles.

Si on travaille beaucoup un Cheval atteint de la Lune, il deviendra plûtost aveugle qu’il n’auroit fait, la chaleur & les grands froids luy sont contraires ; enfin, c’est une maladie dont peu de Chevaux sont attaquez sans perdre les deux yeux, ou tout au moins un : car les remèdes ne succedent pas en tous les sujets, & souvent il ne faut pas blâmer les remèdes pour ne pas guerir des maux d’yeux, il suffit qu’ils puissent profiter en plusieurs rencontres.