Paris : Louis-Michaud (p. 197-198).


SCÈNE COMIQUE



M. le curé de Saint-Sulpice à Paris, avait annoncé, depuis quelques jours, qu’il consacrerait son refus de prêter serment à la nation, par une scène éclatante. Cette fanfaronnade, et le caractère bien connu de ce prêtre, ont exigé qu’on prît des mesures pour le maintien de l’ordre et la dignité du culte de l’église.

Des citoyens armés y ont été préposés à la tranquillité publique. Les fidèles remplissaient le temple. Le prêtre du veau d’or est monté en chaire ; il a prêché sur l’enfer, afin de préparer les esprits par la terreur à ses conclusions anticonstitutionnelles, On riait beaucoup de voir le calotin s’agiter comme un damné ; et toute sa personne ne représentait pas mal le prince des démons dans la tribune aux harangues des anges des ténèbres, que Milton nous a peint.

Quand la bouche de cette énergumène eut vomi des blasphèmes contre l’Assemblée nationale, un cri universel d’indignation fit retentir les voûtes du temple. L’hypocrite crut voir la couronne du martyre descendre sur sa tête ; il pâlit. — Il s’écria : Seigneur ! éloignez de moi ce calice !

Cependant les cris qui se faisaient entendre, n’étaient point des menaces, mais seulement des cris à l’ordre, à l’ordre. La conscience coupable du calotin lui a fait entendre autre chose. Tout-à-coup l’orgue majestueux remplit l’église de ses sons harmonieux, et fit retentir dans tous les cœurs l’air si fameux : Ah ! ça ira ! ça ira !

L’indignation se changea en allégresse patriotique, et on invita le motionnaire de contre-révolution à chanter ça ira. Il descendit de la chaire, couvert de risées, de honte et de sueur. — Sommé de faire son devoir, en prêtant le serment civique, il refusa hautement et se retira.

Alors un officier municipal monta dans la chaire et dit aux citoyens :… « Messieurs, la loi n’oblige point cet homme à prêter serment à la nation. — Par son refus, il a seulement encouru la destitution de l’emploi public qui lui était confié. Il ne sera bientôt plus votre pasteur, et vous serez appelés à en nommer un autre qui soit plus digne de votre confiance. »

Ce peu de mots prononcés au nom de la loi, rappelèrent le respect qu’elle commande pour le lieu saint, et le calme le plus profond régna.