Paris : Louis-Michaud (p. 84-94).

DE LA RACE DÉTRÔNÉE



Est-ce bien le même individu, couronné et sacré à Reims, monté sur une estrade, environné de tous les grands, tous à ses genoux ; salué de mille acclamations, presque adoré comme un Dieu ; dont le regard, la voix et le geste étaient autant de commandements, rassasié de respects, d’honneurs et de jouissances, enfin séparé, pour ainsi dire, de l’espèce humaine ; est-ce bien le même homme que je vois bousculé par quatre valets de bourreau, déshabillé de force, dont le tambour étouffe la voix, garrotté à une planche, se débattant encore ; et recevant si mal le coup de la guillotine, qu’il n’eut pas le col, mais l’occiput et la mâchoire horriblement coupés.

Son sang coule ; les cris de joie de quatre-vingt mille hommes armés ont frappé les airs et mon oreille ; ils se répètent le long des quais ; je vois les écoliers des Quatre-Nations qui élèvent leurs chapeaux en l’air : son sang coule ; c’est à qui y trempera le bout de son doigt, une plume, un morceau de papier ; l’un le goûte, et dit : Il est bougrement salé ! Un bourreau, sur le bord de l’échafaud, vend et distribue des petits paquets de ses cheveux ; on achète le cordon qui les retenait ; chacun emporte un petit fragment de ses vêtements ou un vestige sanglant de cette scène tragique. J’ai vu défiler tout le peuple se tenant sous le bras, riant, causant familièrement, comme lorsqu’on revient d’une fête.

Aucune altération n’était sur les visages ; et l’on a menti, lorsqu’on a imprimé que la stupeur régnait dans la ville[1]. Ce ne fut que quelques jours après que la réflexion, et je ne sais quelle crainte inquiète de l’avenir jetèrent des nuages dans les sociétés particulières. Le jour du supplice ne fit aucune impression ; les spectacles s’ouvrirent comme de coutume ; les cabarets, du côté de la place ensanglantée, vidèrent leurs brocs comme à l’ordinaire ; on cria les gâteaux et les petits pâtés autour du corps décapité : il fut mis comme un autre criminel dans le panier d’osier, conduit au cimetière de la Magdeleine, où il reçut une ample dose de chaux vive qui le calcina de manière qu’il serait impossible à tout l’or des potentats de l’Europe, de faire la plus petite relique de ses restes.

Ce fut le ministre de la justice qui lui annonça et lui lut le décret de mort. Il paraît que Louis XVI eut quelque espoir jusqu’au dernier moment, car il est certain qu’il s’emporta et qu’il livra une espèce de combat à ses six bourreaux ; il parla assez longtemps et assez hautement[2].

On prétend que ce fut le comédien Dugazon qui prévint le commandement de Santerre, et ordonna, comme émané du chef, le roulement de tambour. La religion semble aussi l’avoir affermi dans cet horrible passage du trône à l’échafaud ; et les paroles du confesseur furent sublimes : Allez, fils de saint Louis, montez au ciel ![3]

À un certain point de vue de hauteur, les trônes ne sont que des monticules ; et la mort d’un roi sur l’échafaud n’est point de ces événements qui troublent l’ordre physique, ou qui puissent interrompre une des moindres lois de la Nature, encore moins la marche des choses d’ici-bas. Louis XVI pouvait mourir d’une mort plus douloureuse encore ; mais les hommes, en renversant une idole, sont encore effrayés eux-mêmes des coups qu’ils lui portent ; et nous sommes tous plus ou moins semblables au statuaire qui tomba à genoux devant son propre ouvrage.

Ce que je puis attester, c’est que, cinq à six jours après le supplice, la plupart des législateurs qui avaient voté la mort, furent comme effrayés de ce qu’ils avaient fait ; ils se regardaient l’un l’autre avec étonnement ; ils éprouvaient une sorte de crainte intérieure, qui, chez quelques-uns, ressemblait au repentir. Tantôt ils évitaient ceux qui avaient été de l’avis contraire ; ils n’osaient les interroger. Je me souviens très-bien qu’ils se groupaient, qu’ils se parlaient entre eux, et que notre approche les embarrassait.

Ce qu’il y a de certain, c’est qu’à cette époque, une séparation presque absolue s’établit entre ceux qui avaient ou n’avaient pas voté la mort ; que les inimitiés s’enflammèrent, que les haines s’accrurent, que les reproches voilés ou connus prirent un caractère effrayant, et qu’enfin le supplice de Louis XVI menaçait tous ceux qui avaient voulu l’en préserver.

Ces menaces insolentes et téméraires firent sortir de nos bouches des vérités tardives, mais foudroyantes. Nous ne gardâmes plus de ménagements pour des hommes, nos égaux, qui osaient nous appeler des êtres pusillanimes, nous injurier, nous dévouer aux fureurs de la populace ; il n’y eut plus rien de commun entre nous, parce qu’ils ne voulurent pas nous passer notre opinion.

C’est parce qu’ils avaient fait tomber la tête de Louis XVI qu’ils s’enhardirent à faire tomber sur la même place, celle de leurs collègues. Ce fut un délire de fureur, de vengeance et de rage ; et je crois qu’il y entrait beaucoup plus de terreur pour eux-mêmes, que de républicanisme.

Enfin, j’ai démêlé dans plusieurs un remords profond. Desacy, homme doux, probe et modeste, ayant des connaissances historiques, en est mort de chagrin[4]. Eh ! voilà les hommes ! ils sont mus, entraînés à leur insu ; ils cèdent aux passions d’autrui, ils n’osent avoir leur avis ; et il y en a bien peu qui sachent garder leur caractère, lorsque tout menace, frémit et s’ébranle autour d’eux.

Tous les Girondins furent affligés d’avoir usé d’une finesse inutile ; ils se repentirent de la fausse route qu’ils avaient prise par leur appel au peuple. Ils virent que leurs adversaires se métamorphosaient en tigres pour les déchirer. Ils n’eurent pas ce courage qui va au-devant des dangers, et les défie. Ils crurent aux lumières, à la sagesse de la nation, à sa force qui se réveillerait en leur faveur. La nation indécise et se partageant elle-même sur ce grand événement, ne savait qui condamner ou absoudre ; elle abandonna également à leur propre destinée les divers partis de la Convention nationale ; et elle en attendit les résultats dans une sorte d’apathie vraiment inconcevable, et qui lui fut funeste.

Certes, la reine ne jouissait ni de l’estime ni de l’affection publique. L’histoire récente du collier, son amour désordonné pour l’empereur son frère, sa haine présumée pour la France, ne lui conciliaient point les respects du peuple. On se rappelait son arrivée dans les cours de Versailles, qui avait été signalée par un grand coup de tonnerre, et trois mille infortunés étouffés à la place de Louis XV au milieu des réjouissances de son mariage, à cette même place qu’elle devait elle-même ensanglanter ; l’acte de comédienne trop répété, celui de montrer son fils au peuple, d’en faire son égide, de le traiter comme son roi : ce mouvement emprunté de nos tragédies, devint ridicule, surtout depuis qu’après ses manières, sa pétulance, ses courses nocturnes, elle eut fourni des armes à la médisance ou à la calomnie, et qu’on se fut accoutumé à regarder le petit prince comme le fruit de ses débauches. On ne parlait que de ses dérèglements : ils furent tels, vrais ou supposés, que ce ne fut qu’à cette époque que l’on parla publiquement d’un vice presque inconnu, qui n’avait point de nom dans notre langue, et dont, pour comble d’horreur, son exemple semblait éteindre le scandale.

L’histoire dira ce qui précipita le supplice de la reine, je n’en connais point les détails : mais je suis autorisé à croire que les auteurs de la mort de Louis XVI, menacés dans leur existence, réagirent avec audace, et voulurent faire croire à leurs ennemis qu’ils n’avaient pas peur, et qu’ils pouvaient les braver. La peur a joué un si grand rôle dans notre révolution, son autel fut si large, qu’on attribua souvent à la politique, à l’ambition, à des vues profondes ce qui ne fut fait que pour étourdir un adversaire, et le frapper lui-même de crainte et de terreur ; et ce qui sert à le prouver, c’est que la sœur du roi, qui n’avait d’autre crime que celui de sa naissance (pour parler le langage du temps), ne fut pas épargnée, et qu’il est impossible d’imaginer aujourd’hui quels purent être les motifs d’une pareille exécution.

Braver les têtes couronnées, les humilier, rendre toute réconciliation impossible, attacher la nation entière à la révolution en l’attachant à ses excès : voilà quel fut le but de ceux qui voulurent gouverner. Ce qui sauva la fille du roi, idolâtrée de son père qu’elle vit aller à l’échafaud (tandis qu’elle ignora longtemps que sa mère avait eu le même sort), ce fut moins sa jeunesse que l’espérance confuse de Robespierre d’arriver par elle à un rang qui n’avait point alors de nom, mais auquel lui et son parti auraient su en donner un. Le chimérique, l’incroyable, se calculaient alors, comme les choses ordinaires et possibles.

Le Dauphin de France (car c’est le titre qui appartenait jadis à l’héritier présomptif de la couronne), avait reçu de l’Assemblée nationale constituante, qui détermina le sort du trône, le titre de prince royal. Il était prisonnier au Temple ; et là, sa mère, reprenant l’ancienne étiquette de la cour, et relisant Suétone, affectait de traiter cet enfant avec tout le respect dû à un monarque. Il était considéré comme Louis XVII dans sa famille au cachot (pauvre orgueil humain !), tandis que les révoltés de la Vendée le proclamaient sous cette qualité, et que tous leurs actes se faisaient en son nom. Cet enfant avait six ans et quelques mois quand les portes du Temple s’ouvrirent pour le recevoir ; elles s’étaient refermées sur lui pour jamais. La commune lui avait donné pour gouverneur, instituteur et précepteur, un savetier nommé Simon : tout son soin était de lui désapprendre à être roi, ou à faire le roi. Il lui apprenait à jurer, à maudire son père, à traiter sa mère de P***, à chanter la Carmagnole et à crier : vive les sans-culottes ! et ce qui prouve les progrès de cette neuve éducation, c’est le rôle qu’on fit jouer à cet enfant dans le procès de sa mère. Il fut dressé procès-verbal de ses déclarations, (procès-verbal monstrueux). Mais qu’y avait-il d’inconcevable dans ce temps-là ? d’où il paraissait résulter… je frissonne en écrivant ces lignes… que Marie-Antoinette avait essayé de tirer de son fils des ressources que le libertinage ne lui faisait pas trouver dans sa prison. À cette épouvantable imputation, Marie-Antoinette répondit en mère outragée ces mots pleins d’une noble fierté : Cela n’est point ; et j’interpelle ici toutes les mères présentes ; qu’elles disent si cela est possible ; et la douleur la suffoqua.

L’enfant devint comme hébété et mourut au Temple des suites d’une humeur scrofuleuse qui l’étouffa[5]. Il ne fut point empoisonné. Lié d’amitié depuis trente-cinq ans avec le chirurgien qui fit l’ouverture du corps et dressa procès-verbal, j’atteste que c’est l’homme du monde le plus incapable de signer autre chose que la vérité.

Les deux frères de Louis XVI auraient mis leurs têtes sous le rasoir national (pour me servir du terme plaisant que l’on donnait à l’horrible instrument du supplice), sans leur prudente et heureuse fuite. Leur nièce ne fut conservée que pour servir d’échange aux quatre députés que la basse trahison de l’infâme Dumouriez avait livrés à l’ennemi ; et la tête de Drouet en danger faisait respecter celle de la princesse autrichienne ; on ne lui donnait pas d’autre nom.

La reine ne perdit point, la veille ni le jour de son supplice, la passion et l’instinct d’une femme : elle repassa soigneusement son bonnet, fit sa toilette avec le même goût, et dans un genre de simplicité. Elle disait, sur son lit de sangle, aux gendarmes qui n’étaient séparés d’elle que par un paravent : Croyez-vous que le peuple me laissera aller à l’échafaud sans me mettre en pièces ? et le gendarme répondait : Vous parviendrez à l’échafaud, Madame, sans qu’il vous soit fait aucun mal. Elle n’eut point de voiture ; elle fut conduite en charrette, comme l’épouse de Roland ; elle n’eut point son stoïcisme. Le peuple la vit passer avec une indifférence qui tenait beaucoup du mépris, et que sa conduite avait inspirée. Lorsqu’elle fut en face du Palais Royal, elle ne put dompter un signe d’indignation : c’était de ce palais qu’était sorti son épouvantable revers. Elle tomba évanouie sur l’échafaud ; tous les spectateurs furent aussi tranquilles que si c’eût été une victime ordinaire. Il n’y eut ni propos insultants, ni outrages, ni larmes, ni regrets.


On dit qu’un poète russe fait des tragédies sur tous ces personnages détrônés : c’est ainsi qu’il faut trois mille ans, ou une grande distance de lieues pour agrandir et pathétiser ce qui de près et sous nos yeux n’inspira que des émotions fugitives et légères.

Mais le brillant comte d’Artois, jeune écervelé, marié à tous les plaisirs, qui, pour toute littérature, savait la Pucelle par cœur, que dit-il, que pense-t-il de tous ces revers ? Lorsqu’il était abandonné à toutes les voluptés et que la royauté ne semblait être faite que pour protéger ses goûts et les payer, soupçonnait-il, comme on dit, son étoile ? Se souvient-il du jour où il tournait tout Paris à cheval, pour visiter les portes par où les troupes devaient entrer pour saccager la ville ? A-t-il oublié le moment où les gardes-françaises ne semblaient attendre pour mettre bas les armes, que l’ordre qu’il leur donna de faire feu sur le peuple ? Tant il était estimé et chéri !

Qu’a-t-il fait au delà du Rhin ? de quelle gloire s’est-il couvert ? qu’a-t-il fait pour toute cette aristocratie dont il est le digne chef ? Quel dédommagement offre-t-il aux émigrés ? Est-ce d’après son plan qu’on envoya à la destruction la meilleure partie d’un corps qui vint dernièrement se faire fusiller à Quiberon, d’un côté par les Français qui défendaient leur République, et de l’autre par les Anglais eux-mêmes qui venaient de vomir ces émigrés sur la côte.

La principale cause de la ruine de la cour, ce fut sans doute ce comte d’Artois : sa fierté déplaisait à tout le monde. Il avait introduit en France toutes ces manies anglaises qui avaient métamorphosé nos princes en autant de jockeys ; ses prodigalités encourageaient celles de la reine ; on blâmait leurs liaisons ; et leurs dilapidations communes faisaient dire que le trésor public était au pillage. En effet, les revenus du comte d’Artois ne suffisant point à ses dépenses, le roi avait plusieurs fois payé ses dettes, toujours renouvelées, et il en restait encore plusieurs millions à son départ. Mais il est à remarquer que Monsieur, qui était aussi économe que son frère était prodigue, se faisait toujours donner l’équivalent de ce que Mr d’Artois recevait pour alimenter ses créanciers.

Les vieilles tantes du roi, comme animées d’un esprit de divination, insistèrent tant pour sortir de France, qu’elles y parvinrent enfin. Arrêtées à quelques lieues de Paris, elles surent franchir le pas. Il est très vraisemblable que le plan de décampement ayant été arrêté pour toute la famille royale, elles n’avaient fait que prendre les devants. Elles allèrent donc à Rome, trouver le pape et l’abbé Maury, le grand inventeur de l’émigration. Mais voici que les troupes françaises, au moment que j’écris, entrent à Rome comme de plein-pied, que nos soldats plantent le drapeau tricolore sur les murs du Capitole, et qu’ils disent aux ombres de Caton, de Brutus et de Pompée : Réjouissez-vous, votre République est ressuscitée.

On n’a pas fait assez d’attention dans le temps à la mort de Choiseul, lorsqu’il allait rentrer dans le ministère, ou plutôt être le seul ministre. Cet événement priva la caste vampirique d’un protecteur ardent et adroit ; il eût soutenu l’aristocratie : et si les nobles ont osé menacer nos frontières, s’unir à Léopold et à François II, s’armer contre la patrie d’un fer sacrilège, lever des troupes, traiter avec des puissances étrangères, donner à un de leurs complices le titre de Régent du Royaume, que n’eussent-ils pas fait, ayant pour roi un Choiseul qui leur aurait soumis le monarque.

Il faut avouer, Versailles qui voulait faire contrepoids, était devenu le jouet de Paris ; mais l’imagination aura peine à se figurer la gaîté folle, la turbulence, l’ivresse bouffonne du Parisien allant à la cour chercher le boulanger, la boulangère et le petit Mitron ; c’était ainsi qu’il appelait la famille royale. Deux cent mille hommes sur les routes, riant, hurlant, dansant, vociférant, disant : on l’amène ; chaque soldat tenant sous le bras une fille publique ; les harengères assises sur les canons, d’autres mettant sur leurs têtes les bonnets de grenadiers ; les tonneaux de vin près les barils de poudre ; des branches verdoyantes dans le canon des fusils ; l’allégresse, les cris, les clameurs, l’image des anciennes saturnales, rien ne saurait peindre ce cortège qui entraînait le monarque. Jamais soliveau ne fut balloté dans le marais des grenouilles de telle manière : les nobles cachés dans la foule, animaient ce tumulte, et jouissaient de la confusion du chef qu’ils comptaient bientôt remplacer.

Il en fut de même lorsqu’on le ramena de Varennes ; on eût dit que c’était l’institution d’une fête annuelle pour se réjouir aux dépens de la cour. Le Parisien, selon sa propre expression, se faisait une farce de ses jours tumultueux, où l’extrême licence avait un tel caractère d’originalité et de folie, qu’on aurait eu peine à lui trouver un nom.

On eût dit du roi de la Basoche que l’on promenait, que l’on environnait, au lieu du descendant de Louis XIV. Tous les esprits étaient désenchantés, et comme il n’y avait plus la moindre ombre de respect, ce n’était qu’une orgie journellement plaisante au milieu des événements politiques les plus graves. Terrible gaîté du Parisien ! vous êtes plus dangereuse que ses fureurs.

La familiarité populacière qui embrassa le boulanger et le petit mitron, fit plus encore pour la révolution, que les piques, les faux, et les croissants emmanchés au bout des longs bâtons.

Aristote a défini l’homme un animal risible, mais on ne peut pas imaginer à quel point il l’est et peut le devenir, si l’on n’a point vu ces scènes facétieuses, ces imaginations burlesques, ces fantasques désirs de l’extravagance, qui annonçaient un peuple subitement licencié, et voulant réparer dans un jour la pénible contrainte où il avait gémi pendant plusieurs siècles : et l’on peut m’en croire ; tous les spectateurs, comme assistant à une nouveauté inouïe, partageaient la bruyante allégresse de la multitude et de ses marottes. Momus agitait donc tous ses grelots dans cette immense ville ? On donne dans les spectacles la farce après la tragédie ; mais ici c’était la farce qui précédait les scènes tragiques.

  1. On dansa près du pont de la Révolution le jour de la mort de Louis XVI (21 janvier 1793).
  2. Cette lutte de Louis avec ses bourreaux eut lieu lorsqu’on voulut lui lier les mains. L’abbé Edgeworth lui adressa quelques mots qui le ramenèrent à des sentiments plus calmes. « On lui attacha les mains, dit Louis Blanc, d’après Edgeworth et les journaux du temps, on lui coupa les cheveux ; après quoi, sur les bras de son confesseur, il se mit à gravir les marches, d’ailleurs très raides, de la guillotine, d’un pas lent, d’un air affaissé. Mais parvenu à la dernière marche, il se relève soudain, traverse rapidement toute la largeur de l’échafaud, s’avance vers le côté gauche, et, d’un signe, commandant le silence aux tambours : « Je meurs innocent de tous les crimes qu’on m’impute… »  » Il avait la figure très rouge et sa voix était si forte qu’elle dut être entendue au Pont-Tournant. Quelques autres paroles de lui retentirent très distinctement. Il allait continuer lorsque sa voix fut couverte par des roulements de tambours.
    (Note de l’édition Poulet-Malassis.)
  3. L’abbé Edgeworth ne mentionne pas avoir prononcé ces paroles dans les dernières heures du roi. Elles sont d’ailleurs très contestées.
  4. En réalité Desacy, ou de Sacy, est mort d’une fluxion de poitrine en septembre 1794.
  5. On sait à quelles contestations ce décès donna lieu par la suite et le nom de certains personnages qui déclarèrent être Louis XVII. Lire sur cette question le livre de M. Jean de Bonnefon : Le baron de Richemont, fils de Louis XVI. (Louis-Michaud, éditeur).