Le mystère des Mille-Îles/Partie II, Chapitre 6

Éditions Édouard Garand (p. 24-25).

— VI —


Quand Hughes sortit enfin, le crépuscule descendait lentement sur la terre, jetant une lumière exquise.

Le jeune homme sorti par la même porte qu’il était entrée, se dirigea vers l’autre extrémité du château.

Mais il s’arrêta bientôt, estomaqué : décidément, c’était la journée des surprises !

Un chant très doux, et néanmoins fort clair, frappait son oreille. Il était modulé par une voix chaude et cultivée et, dans la splendeur du couchant, ses notes prenaient une émotion poignante.

D’où pouvait venir ce chant ? L’île n’était donc pas tout à fait inhabitée ? L’énigme devenait de plus en plus obscure.

L’aviateur regarda tout autour de lui avec attention. Rien ne put lui révéler une présence humaine. Il crut avoir rêvé.

Et, néanmoins, la chanteuse, — car il s’agissait d’une voix de femme, — faisait toujours entendre ses accents mélancoliques.

De plus en plus intrigué, Hughes résolut d’en avoir le cœur net.

Il poursuivit dans la direction où il s’était engagé. Rendu au bout de la façade de l’édifice, il aperçut une partie du jardin qu’il n’avait pas encore vue, car elle était située dans un repli du terrain. Formant terrasse au bord extrême de la falaise, elle différait du reste par l’ordre qui y régnait. Évidemment, après avoir abandonné les autres parties, les propriétaires du lieu avaient cultivé celle-là avec soin, lui accordant leurs préférences.

Une femme s’y trouvait, assise sur un banc rustique, et les yeux tournés vers le large. C’est elle qui chantait.

Pour le coup, Hughes fut fasciné. De tous les étonnements de la journée, cette apparition constituait le plus prodigieux. Révélation de grâce, spectacle de splendeur, l’inconnue était un de ces êtres comme on en rencontre peu dans la vie. Sa beauté rayonnait d’un éclat souverain.

Arrêté en haut de la terrasse, Hughes admirait avec ferveur. Blonde dans la lumière crépusculaire, la femme aperçue soudain éveillait en lui des émotions encore inconnues.

Elle se leva bientôt, fit quelques pas vers le château et disparut tout à coup sans que le jeune homme pût dire où elle était passée. La vision avait été brusque ; elle s’évanouissait avec une égale soudaineté.

L’étonnement du jeune homme se transforma en ahurissement. Sérieusement, il se dit que tout cela tenait du surnaturel. Ou bien, était-il le jouet d’une hallucination ?