Le massacre au Fort George/Chapitre I

Collectif
Texte établi par James McPherson LeMoineJ. N. Duquet & Cie (p. 5-8).

LA
MÉMOIRE DE MONTCALM VENGÉE

I


[ Extrait du Canadien du 22 août 1864. ]

C’est avec empressement que nous reproduisons ci-dessous du Messager Franco-Américain les remarques suivantes accompagnées d’une lettre d’un correspondant de la Tribune dans laquelle ce dernier prend hautement la défense de la mémoire de Montcalm indignement attaquée par le général McClellan dans un discours au fort William Henry :

Un correspondant de la Tribune de Chicago lui adresse une communication dans laquelle il relève quelques mots d’un discours du général McClellan, relatifs au marquis de Montcalm, tué devant Québec en 1759. Nous croyons qu’il est de notre devoir, en notre qualité de français, de reproduire une partie de cette lettre et d’aider ainsi à défendre la mémoire du héros des plaines d’Abraham, que M. McClellan attaque si légèrement. Peut-être aussi ne sera-t-il pas inutile de montrer à nos compatriotes, quels sont les véritables sentiments de M. McClellan à l’égard de la France et de ses plus glorieux enfants.

au rédacteur de la tribune.

Le major général McClellan a prononcé dernièrement sur le balcon de l’hôtel du Fort William Henry, au lac George, un discours dans lequel il a dit :

« Après avoir vaillamment défendu les remparts aujourd’hui ruinés du fort William Henry, vos aïeux ont mouillé de leur sang la place que vous occupez en ce moment ; ils ont été égorgés dans une boucherie qu’avait autorisée la cruelle apathie de Montcalm. Mais deux ans plus tard, celui-ci subissait sous les murs de Québec le châtiment dû à ses crimes, durant la grande bataille à laquelle d’autres de vos aïeux prenaient aussi une part honorable. »

Ces mots doivent surprendre chacun. Comment admettre en effet qu’un lauréat de West Point connaisse aussi peu les hommes et les choses du siècle dernier ? On doit regretter en même temps qu’un candidat à la présidence soit aussi mal versé dans l’histoire américaine.

Montcalm, qui est voué si froidement à l’infamie par l’orateur démocrate, était la personnification de la générosité et des sentiments chevaleresques. C’était le Bayard du 18e siècle. Il n’y a pas dans l’histoire militaire de l’Amérique et de la France, des pages plus brillantes que celles où sont enregistrés ses hauts faits et sa mort héroïque.

Il est à regretter qu’il se soit trouvé un officier américain capable d’insulter aussi grossièrement à la mémoire d’un brave soldat…

Dans les circonstances ordinaires, ceci ne serait qu’un malheureux incident, mais pour le général McClellan, que ses admirateurs traitent hautement de Périclès, cet incident doit prendre les proportions d’une véritable calamité.

Si le général McClellan voulait feuilleter le quatrième volume de l’Histoire des États-Unis par Bancroft et y lire le passage relatif au massacre du fort William Henry, il y découvrirait le démenti formel de ses accusations contre Montcalm. Le héros français est loin d’avoir montré la « cruelle apathie » dont le général McClellan a fait preuve en plus d’une occasion pendant la guerre de la Péninsule.

En terminant, disons que, toutes les explications que les amis du général démocrate pourraient donner de ses paroles ne parviendront pas à les justifier.

Nous leur recommandons au contraire de garder le silence, tandis que M. McClellan pourra faire son profit des lignes suivantes sur Montcalm, dont il devrait tenter d’imiter l’exemple et le patriotisme.

Quoique né et élevé dans les camps, Montcalm avait reçu une éducation soignée ; en même temps qu’il était versé dans tous les arts de la guerre, il parlait le langage d’Homère. Laborieux à l’excès, juste, désintéressé, confiant dans sa fortune, prompt dans l’action, Montcalm semblait être né pour achever des entreprises hardies et dangereuses. Il supportait admirablement la faim et le froid ; sans jamais songer à lui-même, il ne s’occupait que de ses soldats et les Peaux Rouges l’admiraient et l’aimaient pour ces qualités. Enfin, au milieu de la corruption de l’époque, il n’eut jamais en vue que le bien public.

À Québec, il tombe frappé par une balle ennemie, tandis qu’il s’occupe de rallier ses troupes à demi vaincues pour recommencer le combat.

Le chirurgien lui prédit sa mort prochaine ; il ne s’occupe que de son armée ; il pourvoit à sa sûreté avant de songer à mourir. Puis lorsqu’il a accompli cette tâche, il congédie son entourage « pour pouvoir passer la nuit avec Dieu seul, » et ses dernières pensées sont pour la France et ses soldats.

Quel abîme n’y a-t-il pas entre ce héros et celui qui ose insulter à sa mémoire ! mais il en a toujours été ainsi : le génie n’est jamais insulté que par la médiocrité.