Le fort et le château Saint-Louis (Québec)/11

Texte établi par Librairie Beauchemin, Limitée (p. 126-147).


XI


Diplomates et gens d’épée, — M. de la Galissonnière. — Mauvaise politique. — M. de la Jonquière. — Sa mort au Château. — M. Duquesne de Menneville. — Hostilités. — Piraterie. — M. Pierre de Vaudreuil de Cavagnal. — Ce qu’étaient le gouverneur-général et l’intendant. — M. de Vaudreuil après la Cession. — Le Château de Collier. — Mort de M. de Vaudreuil en 1778. — Mort de M. de Rigaud en 1779.



Une étude qui s’impose à tous les économistes politiques est celle des traités qui, d’ordinaire, suivent les luttes à main armée entre les nations. Plus d’une fois la diplomatie est venue gâter l’œuvre des gens d’épée ; c’est ainsi que le traité d’Aix-la-Chapelle, qui suivit les journées de Fontenoy, de Lawfeld, de Berg-op-Zoom, de Tournay, de Gand, etc., eut pour la France victorieuse les plus fâcheux résultats, notamment en ce qui concernait ses colonies de l’Amérique du Nord.

Ce traité fut signé le 18 octobre 1748. « Le marquis de Saint-Sévérin, l’un des plénipotentiaires français, déclara, à l’ouverture des négociations, qu’il venait accomplir les paroles de son maître, qui voulait faire la paix, non en marchand, mais en roi, paroles qui, dans la bouche de Louis XV, montraient moins de grandeur que d’imprévoyance et de légèreté. Il ne fit rien pour la France et fit tout pour ses alliés. Il laissa avec une aveugle indifférence la question des frontières indécise en Amérique, se contentant de stipuler qu’elle serait réglée par des commissaires. On avait fait une première faute, en 1713, en ne fixant pas les limites de l’Acadie ; on en fit une seconde, plus grande encore, en 1748, en abandonnant cette question aux chances d’un litige dangereux ; car les Anglais avaient tout à gagner à cette temporisation. La supériorité toujours croissante de la population de leurs colonies, augmentait leurs espérances et leur désir d’être bientôt les seuls maîtres de toute l’Amérique du Nord. « Aussi le traité d’Aix-la-Chapelle, l’un des plus déplorables, dit un auteur, que la diplomatie française ait jamais acceptés, n’inspira aucune confiance et ne procura qu’une paix armée[1]. »

M. de la Galissonnière, arrivé à Québec le 10 septembre 1747, dut s’occuper immédiatement des frontières de l’Est, puis de celles de l’Ouest et du Sud-Ouest de la colonie. Il nourrissait de vastes projets, dont l’un était de faire venir dix mille paysans français pour les établir au pays des Illinois, afin d’y affermir la frontière des Apalaches ou Alléghanys, plus spécialement menacée par la colonie virginienne. Le gouverneur intérimaire[2] voulait par ce moyen permettre à la France d’étendre sa puissance sur les vallées de l’Ohio et du Mississipi et garder libre la communication avec la Louisiane. Ses idées touchant l’opportunité d’assurer la domination française sur les régions du Sud-Ouest furent accueillies avec faveur par la cour de Versailles ; mais le projet de colonisation qui devait en être le corollaire fut mis de côté. Le plan de M. de la Galissonnière tel que poursuivi par M. de la douanière et M. Duquesne de Menneville, ne fut plus qu’une politique militaire et commerciale fort risquée. On éparpilla les forces de la colonie lorsqu’il eût fallu les concentrer, et l’on s’obstina dans cette voie imprudente alors que la marine française était ruinée et que la France elle-même était aux prises avec les Allemands du Nord. Mieux eût valu s’en tenir à la politique de colonisation graduelle, « de proche en proche, » qui était celle de Louis XIV et de Colbert[3].

Rappelé en France en 1749, pour prendre part aux travaux de la commission des frontières, M. de la Galissonnière quitta Québec le 24 septembre de la même année. Nous le retrouvons en 1756, non loin de l’île Minorque, dans un combat où il défait l’amiral anglais Byng, et se couvre de gloire.

Dans tous ses voyages aux colonies françaises, M. de la Galissonnière distribuait des graines de plantes utiles et en rapportait d’autres pour les faire semer dans le vieux sol de France. Il avait, dit M. Léon Guérin, « l’âme aussi belle que son extérieur était contrefait. Petit de taille et bossu de corps, il était droit de cœur et grand d’esprit. »

M. de la Galissonnière mourut à Nemours le 26 octobre 1756, peu de temps après le combat naval de l’île Minorque. Le marquis de la Jonquière, qui le remplaça dans le gouvernement de la Nouvelle-France, s’occupa, lui aussi, de la question des frontières, tant du côte de l’Acadie que du côté de l’Ouest.

C’était un habile marin. Il était grand de taille, plein de courage, constant dans ses entreprises, mais peu instruit. Il passait pour riche, mais parcimonieux. On a raconté que, peu de temps avant sa mort, il avait ordonné de ne pas se servir de bougies dans sa chambre, mais de les remplacer par de simples chandelles de suif, « disant qu’elles coûtaient moins cher et qu’elles éclairaient aussi bien. »

Le marquis de la Jonquière mourut au château Saint-Louis le 17 mai 1752, à six heures et demie du soir, et fut inhumé dans l’église des récollets[4].

La guerre de Sept Ans, qui, pour l’Europe, marque la période comprise entre les années 1756 et 1763, fut précédée de deux années d’hostilités en Amérique. Conformément à des instructions venues de France, le marquis Duquesne de Menneville, successeur du marquis de la Jonquière et gouverneur de la colonie de 1752 à 1755, fit construire, dans les régions situées au Sud-Ouest du Canada, plusieurs forts, dont l’un — nommé Fort Duquesne par M. de Contrecœur — s’éleva dans la fertile vallée tant convoitée par les colons anglo-américains, et sur des fondements commencés par eux, à l’endroit occupé aujourd’hui par la ville de Pittsburg, près du confluent où les eaux de l’Alléghany et de la Monongahéla donnent naissance à la rivière Ohio ou Belle-Rivière. Cet événement, bientôt suivi de l’assassinat de Jumonville, fut le signal de rencontres et de combats que nous n’avons pas à raconter ici, et qui devinrent de jour en jour plus sanglants et plus acharnés.

« En Europe, la paix durait toujours ; situation étrange, peut-être unique dans l’histoire. Depuis deux années, le sang anglais et français rougissait l’herbe des forêts d’Amérique, et les ambassadeurs des deux nations étaient de toutes les fêtes à Versailles et à Saint-James. Hélas ! le gouvernement français, qui sentait son incurable faiblesse, se rattachait désespérément même à une ombre de paix. Mais un jour, » « au mépris du droit des gens, de la foi des traités et des coutumes des nations civilisées, » à un signal parti de l’amirauté de Londres, de tous les coins de l’horizon, les vaisseaux anglais fondent sur nos navires de commerce et de guerre, sur nos bateaux pêcheurs, sur nos baleiniers, sur nos caboteurs. En un mois, 300 bâtiments avec 8 000 hommes d’équipage tombaient au pouvoir de l’ennemi et étaient remorqués en triomphe dans les ports de la Grande-Bretagne. Le glorieux écusson de l’Angleterre en est resté marqué d’une tache que ne saurait laver toute l’eau de l’Océan, théâtre de ces pirateries. Louis XV, Louis XV lui-même, ressentit l’affront et redevint un instant le roi de Fontenoy. Il écrivit à George II une lettre indignée pour lui demander réparation, et cette paix mensongère, qui n’abritait que des guet-apens, fut officiellement rompue le 18 mai 1756[5]. »

Une escadre entière, sous le commandement de l’amiral Dubois de la Mothe, et portant quatre mille hommes de troupes destinées au Canada, fut poursuivie, et quelques vaisseaux capturés dans cette agression soudaine. Un des épisodes caractéristiques de cet événement fut la prise de l’Alcide, commandé par M. Hocquart. Ce vaisseau se trouvant à une faible distance du Dunkerque, navire anglais de soixante canons, le commandant fit crier par un de ses officiers : « — Sommes-nous en paix ou en guerre ? » … On répondit que l’on était trop éloigné pour entendre, et M. Hocquart lui-même ayant répété la question, le capitaine du Dunkerque répondit à deux reprises : — « La paix, la paix » … Le dialogue se poursuivait encore et l’Alcide ne se trouvait plus qu’à une demi-portée de pistolet du vaisseau anglais lorsque celui-ci lui lâcha une bordée formidable, chaque canon ayant été chargé de deux boulets et de mitraille.

L’équipage de l’Alcide se défendit avec ardeur et ne cessa de combattre qu’après l’arrivée de cinq autres vaisseaux anglais[6].

« La guerre, sans être formellement déclarée — dit le publiciste néo-écossais Haliburton — commença par cet événement ; mais pour n’avoir point observé les formalités ordinaires, l’Angleterre fut accusée de trahison et de piraterie par les puissances neutres. »

Ce fut dans ces fâcheuses circonstances que le marquis Pierre de Vaudreuil de Cavagnal, fils de l’ancien gouverneur Philippe de Vaudreuil, succéda au marquis Duquesne. Il débarqua à Québec, sa ville natale, au commencement de l’été de 1755, et son arrivée causa une allégresse générale parmi les Canadiens, ses compatriotes ; — car il y avait pour ainsi dire deux sociétés distinctes dans la colonie à cette époque : les Français de la vieille France et les Français du Canada.

C’est sans doute à cause du nouveau gouverneur, qu’ils chérissaient, que les Canadiens endurèrent sans se soulever la rudesse des militaires, les tyranniques ordonnances de l’intendant et les odieux accaparements des associés de la Friponne[7].

Pour porter un jugement éclairé sur les événements qui ont marqué les dernières années du régime français en Canada et laisser à chacun la part de responsabilités qui lui incombe, il est deux documents qu’il importe de bien connaître ; la commission du gouverneur-général et la commission de l’intendant.

Le gouverneur-général occupait le premier rang dans la colonie, dont il était avant tout le chef militaire. L’extrait suivant de la lettre de nomination du dernier gouverneur de la Nouvelle-France fait voir quelles étaient ses attributions :

« … À ces causes et autres à ce nous mouvans, nous avons le dit sieur de Vaudreuil de Cavagnal fait, constitué, ordonné et établi, et par ces présentes signées de notre main, faisons, constituons, ordonnons et établissons gouverneur et notre lieutenant-général en Canada, la Louisiane, Isle Loyale, Isle Saint-Jean et autres isles, terres et pays de l’Amérique Septentrionale, pour avoir commandement sur tous nos gouverneurs et lieutenans établis dans nos dits pays, comme aussi sur les officiers des conseils supérieurs et sur les vaisseaux français qui y navigueront, soit de guerre à nous appartenans, soit de marchands ; assembler quand besoin sera les communautés, leur faire prendre les armes ; composer et accommoder tous différends nés et à naître dans les dits pays, soit entre les seigneurs et principaux d’iceux, soit entre les particuliers habitans ; assiéger et prendre les places et châteaux selon la nécessité qu’il y aura de le faire ; faire conduire et exploiter des pièces d’artillerie, établir des garnisons où l’importance des lieux le demandera, commander tant aux peuples des dits pays qu’à tous nos autres sujets, ecclésiastiques, nobles et gens de guerre et autres, de quelque qualité et condition qu’ils soient, y demeurant ; appeler les peuples non convertis, par toutes les voies les plus douces qu’il se pourra, à la connaissance de Dieu et aux lumières de la religion catholique, apostolique et romaine, et en établir l’exercice à l’exclusion de toute autre ; défendre les dits lieux de tout son pouvoir, maintenir et conserver les dits peuples en paix, repos et tranquillité et commander tant par mer que par terre ; ordonner et faire exécuter tout ce que lui ou ceux qu’il commettra jugeront devoir et pouvoir faire pour l’étendue et conservation des dits lieux sous notre autorité et notre obéissance, et généralement, faire et ordonner par lui tout ce qui appartient à la dite charge de gouverneur et notre lieutenant-général aux dits pays… »

Cette commission fut donnée à Versailles et signée par Louis XV le 1er janvier 1755.

L’intendant prenait rang immédiatement après le gouverneur-général. Ses pouvoirs étaient extrêmement étendus. Voici la partie principale de la commission de l’intendant François Bigot, signée par le roi le 1er janvier 1748, — document qui est trop peu connu de la plupart des lecteurs :

« … À ces causes et autres à ce nous mouvans, nous vous avons commis, ordonné et député, et par ces présentes, signées de notre main, commettons, ordonnons et députons intendant de justice, de police, finances et marine en nos pays de Canada, la Louisiane et dans toutes les terres et isles dépendantes de la Nouvelle-France, pour vous trouver, en cette fonction, aux conseils de guerre qui y seront tenus ; ouïr les plaintes qui vous seront faites par nos peuples des dits pays, par les gens de guerre et tous autres, sur tous excès, torts et violences, leur rendre bonne et briève justice ; informer de toutes entreprises, pratiques et menées faites contre notre service ; procéder contre les coupables de tous crimes, de quelque qualité ou condition qu’ils soient, leur faire et parfaire le procès jusqu’à jugement définitif et exécution d’icelui inclusivement ; appeler avec vous le nombre de juges et gradués porté dans nos ordonnances, et généralement connaître de tous crimes et délits, abus et malversations qui pourraient être commis dans nos dits pays par quelque personne que ce puisse être ; présider au conseil supérieur, demander des avis, recueillir les voix, prononcer et signer les arrêts ; tenir la main à ce que tous les juges inférieurs de nos dits pays, et tous nos officiers soient maintenus en leurs fonctions, sans y être troublés par le conseil supérieur, auquel vous présiderez, ainsi que dit est ; juger toutes matières, tant civiles que criminelles, conformément à nos édits et ordonnances et à la coutume de notre bonne ville, prévôté et vicomté de Paris ; faire avec le conseil supérieur tous règlemens que vous estimerez nécessaires pour la police générale des dits pays, ensemble pour les foires et marchés, ventes, achats et débits de toutes denrées et marchandises, lesquels règlemens généraux vous ferez exécuter par les juges subalternes qui connoîtront de la police particulière dans l’étendue de leurs juridictions ; et en cas que vous estimiez plus à propos nécessaire pour le bien de notre service, soit pour les difficultés ou le retardement, de faire les dits règlemens sans le dit conseil supérieur, nous vous donnons pouvoir et faculté par ces présentes de les faire seul en civiles, et, de tout ordonner ainsi que vous verrez être juste et à propos, validant, dès à présent comme pour lors, les jugemens, règlemens et ordonnances qui seront ainsi par vous rendus, tout ainsi que s’ils étaient émanés de nos cours supérieures, nonobstant toutes récusations, prises-à-partie, édits, ordonnances et autres choses à ce contraires ; voulons aussi que vous ayez la direction du maniement et distribution de nos deniers destinés, et qui le seront ci-après, pour l’entretien des gens de guerre, comme aussi des vivres et munitions, réparations, fortifications, parties inopinées, emprunts et contributions qui pourroient avoir été et être faites pour les dépenses d’icelles et autres frais qui y seront à faire pour notre service ; vous faire représenter les extraits des montres et revues, les contrôles et registres, et en tout ce que dessus, circonstances et dépendances.

« Comme aussi nous voulons que vous ayez seul la connaissance et juridiction souveraine de tout ce qui concerne la levée et perception des droits de notre domaine d’Occident en Canada, et de tous autres droits qui se lèvent à notre profit dans tous les dits pays, circonstances et dépendances, tant en matière civile, de quelque nature qu’elle puisse être, qu’en matière criminelle, sur laquelle toutefois, en cas de peine afflictive, vous prendrez le nombre de gradués porté par nos ordonnances ; voulons que nos jugemens soient exécutés comme arrêts de nos cours souveraines, nonobstant toutes oppositions, appellations, prises-à-partie, récusations, et autres empêchemens quelconques : voulons de plus que vous connoissiez de la distribution des deniers provenant de la levée des dits droits, suivant et conformément aux états que nous vous enverrons par chacun an ; et au surplus que vous puissiez faire et ordonner ce que vous verrez être nécessaire et à propos pour le bien et avantage de notre service, et qui dépendra de la fonction et exercice de la dite charge d’intendant de justice, police, finances et marine en nos dits pays, de laquelle nous entendons que vous jouissiez aux honneurs, pouvoirs, autorités, prérogatives, prééminences qui y appartiennent et aux appointemens qui vous seront par nous ordonnés ; de ce faire vous donnons pouvoir, autorité, commission et mandement spécial… »

Le dualisme d’autorité qui ressort des documents qui précèdent datait de loin. Des tiraillements et même des conflits sérieux avaient déjà eu lieu à plusieurs reprises, notamment sous MM. de Beauharnois et Dupuy ; mais l’intégrité des parties contentieuses et la sagesse du gouvernement de la métropole avaient, dans le passé, pallié jusqu’à un certain point le vice du système.

En réalité l’intendant était le gouverneur civil de la colonie, et en temps de paix son autorité s’exerçait plus souvent que celle du gouverneur-général. On a vu plus haut qu’il pouvait remplir plusieurs fonctions importantes sans le concours du Conseil Supérieur si tel était son bon plaisir ; ajoutons que l’intendant comme le gouverneur était « homme du roi. » Si l’un de ces hauts fonctionnaires abusait de son pouvoir et ne voulait pas entendre de conseils, l’autre était impuissant à le contrecarrer, à moins d’avoir en France des influences qui, elles-mêmes, pouvaient être tenues en échec par des influences contraires.

M. de Vaudreuil évita d’entrer en conflit avec M. Bigot, qui était né en France et y avait de puissantes protections. Le gouverneur avait d’ailleurs d’autres luttes à soutenir dans le monde officiel. Il n’aimait pas Montcalm et n’en était pas aimé. Leurs relations devinrent tellement tendues qu’il demanda, en 1758, le rappel du général et son remplacement par le chevalier de Lévis. Bien loin de se rendre à son désir, le gouvernement donna plus de latitude à l’initiative du général et restreignit, celle du gouverneur.

Il ne nous appartient pas de signaler dans cette monographie toutes les phases du grand drame où furent jouées les destinées de la Nouvelle-France, ni de raconter cette série de combats qui commence avec la victoire de la Belle-Rivière pour se terminer avec celle de Sainte-Foy. Nous ne dirons pas l’arrivée à Québec de Montcalm, de Levis, de Bougainville, de Bourlamaque[8] et de tous ces brillants officiers qui, avec les régiments de la Reine, de Royal-Roussillon, de Languedoc, de Béarn, de La Sarre, de Guienne, de Berri, les troupes de mer et les milices canadiennes, se couvrirent de gloire, les uns à Chouaguen ou au Fort-George, d’autres à Montmorency, tous à Carillon, dans la victoire du 8 juillet 1758[9].

Le lecteur connaît déjà les faits principaux de cette lutte inégale dans laquelle l’héroïsme français sut tenir si longtemps contre le nombre, l’or, la valeur et les gros vaisseaux. Ce serait aussi trop nous éloigner de notre sujet que de parler des éléments de discorde qui régnaient dans les hautes sphères du gouvernement civil et de l’armée, de rappeler les fêtes auxquelles on se livrait à Québec et à Montréal pendant les hivers de 1756-57, 1757-58 et même 1758-59, alors que les classes populaires de la colonie souffraient de toutes sortes de privations.

Hâtons-nous de dire que les habitants du château Saint-Louis, à Québec, et du château Vaudreuil, à Montréal, ne prenaient aucune part à ces fêtes insensées. Le gouverneur-général était un homme rangé, dévoué à son pays et digne de toute estime. Il possédait des qualités qui, en d’autres circonstances, eussent suffi pour le rendre illustre et faire le bonheur du peuple canadien. Sa correspondance révèle un jugement droit, un grand désintéressement et une inaltérable dignité ; mais il eut tout contre lui, tout : — quatre années de famine, les fautes passées de la politique franco-canadienne, l’indiscrétion et l’esprit d’insubordination de plusieurs de ceux qui l’entouraient, et par dessus tout, l’incroyable aveuglement du gouvernement de l’ancienne France et la ferme détermination de Pitt, le ministre anglais, de s’emparer du Canada, à quelque prix que ce fût. Voici la notice biographique que lui consacre d’Hozier dans l’Armorial de France. Elle est consignée au volume VI de cet ouvrage, — volume publié en 1768, du vivant même de M. de Vaudreuil :

Pierre de Rigaud de Vaudreuil, connu d’abord sous le nom de Cabanial, et appelé depuis le marquis de Vaudreuil, né à Québec le 22 novembre 1698, commença à servir dans la compagnie des Gentilshommes-Gardes de la Marine, et fut nommé successivement Enseigne des Troupes détachées de la Marine en 1706[10], Lieutenant en 1709, Capitaine en 1715, Major Général des Troupes en 1726, Lieutenant des Vaisseaux du Roi, et Chevalier de l’Ordre Royal et Militaire de St-Louis en 1729, Gouverneur des Trois-Rivières en Canada en 1732, Gouverneur de la Louisiane en 1742, Capitaine des Vaisseaux du Roi en 1746, Gouverneur et Lieutenant Général de la Nouvelle-France en 1755, Commandeur de l’Ordre Militaire de St-Louis en 1757, et Grand’Croix du dit Ordre en 1758. Le Marquis de Vaudreuil, élevé sous les yeux de son père, et destiné à occuper un jour la même place, avait acquis dès sa jeunesse une connaissance parfaite des nations sauvages voisines du Canada ; mais pour qu’il connût toutes les parties de ce Gouvernement Général, M. le Comte de Maurepas, alors Ministre et Secrétaire d’État de la Marine, le fit nommer Gouverneur Particulier de la Province de la Louisiane où il passa en 1743. Il en revint dix ans après, regretté généralement de toute la colonie. De retour en France, il fut nommé au Gouvernement général du Canada, et ne put y passer qu’en 1755. À son arrivée, il trouva le pays attaqué par quatre armées anglaises : il fit face à tout, et le succès couronna la sagesse de ses mesures. Les campagnes suivantes de 1756, 57 et 58 furent glorieuses aux armes du Roi dans ce pays-là. La prise de Chouaguen, l’une des plus importantes expéditions que l’on ait pu faire dans l’Amérique Septentrionale, et celle du Fort Georges ou Guillaume-Henri, situé sur le Lac St-Sacrement, sont dues en partie à la sagesse et à l’habileté avec lesquelles le marquis de Vaudreuil en concerta toutes les dispositions, et aussi à l’activité et l’intelligence du marquis de Montcalm qui fut chargé de l’exécution de ces deux expéditions. En 1759 le mauvais état de notre marine ne permit pas de faire passer en Canada les secours nécessaires ; les Anglais profitant de cette circonstance, envoyèrent devant Québec une nombreuse flotte chargée de troupes, tandis que d’autres corps d’armée tâchaient de pénétrer dans le pays par différents endroits. Ils trouvèrent partout la résistance la plus opiniâtre : malheureusement sur la fin de la campagne les ennemis ayant réussi à faire une descente au-dessus de Québec, le marquis de Montcalm, qui s’y était transporté sur le champ avec une partie des troupes, crut devoir les attaquer sans attendre d’autre renfort ; la bataille fut perdue, et ce général blessé à mort se retira à Québec. Cette ville peu susceptible de défense se rendit bientôt après : ce revers n’abattit pas le courage des nôtres ; on fit de nouveaux efforts et on épuisa toutes les ressources de la colonie pour pouvoir reprendre Québec au printemps de 1760. Le Gouverneur de la place, instruit de notre projet assez à temps pour n’être pas surpris, fit sortir les troupes de la ville aussitôt qu’il eut nouvelle de l’approche de notre armée, et l’attendit dans un poste très avantageux. Les nôtres, quoique fatigués de leur marche, les attaquèrent en arrivant et réussirent, après un combat très meurtrier, à les repousser dans la ville dont nous formâmes le siège ; mais le manque de grosse artillerie et de munitions de guerre ne nous permettait pas de le pousser avec vigueur. On n’avait formé cette entreprise que dans l’espérance de recevoir quelques secours de France ; mais n’en ayant eu aucun, et les vaisseaux anglais étant arrivés devant Québec, il fallut se retirer vers Montréal où, au commencement d’octobre[11] n’ayant plus ni vivres, ni munitions de guerre, ni aucun moyen de défense, le marquis de Vaudreuil fut obligé de céder à la supériorité la plus accablante.

« Le marquis de Vaudreuil de retour du Canada où il n’avait été chargé que d’une administration purement militaire et dont il s’était acquitté avec honneur et de la manière la plus distinguée, ne devait guère s’attendre, après avoir donné les preuves les plus éclatantes de son désintéressement dans les différentes places qu’il avait occupées, à être compris dans une procédure dont l’objet était de discuter l’administration des finances et l’emploi des deniers du Roi ; il y fut cependant appelé, moins à la vérité comme un accusé réduit à se justifier que comme un témoin grave et dont l’autorité devait être d’un grand poids dans les faits sur lesquels il pouvait être instruit ; aussi fut-il justifié complètement par le tribunal que le Roi avait chargé de la discussion de cette affaire[12]. Nous joindrons ici la copie d’une lettre que M. le duc de Choiseul écrivit au marquis de Vaudreuil peu de temps après ce jugement.

« À Versailles, le 8 mai 1764.

« Le Roi s’étant fait, Monsieur, rendre un compte particulier de l’affaire du Canada, pour l’instruction de laquelle vous avez été détenu à la Bastille, Sa Majesté a reconnu avec plaisir que la conduite que vous avez tenue dans l’administration qui vous a été confiée, a été exempte de tous reproches ; et sur ce que j’ai fait connaître à Sa Majesté que votre désintéressement et votre probité vous avaient mis dans le cas d’avoir besoin de secours, elle a bien voulu vous accorder comme une marque qu’elle a de la satisfaction de vos services, une pension de six mille livres sur les fonds des Colonies, indépendamment de celle qui vous a été accordée de même somme, et qui est attachée à la Grand’Croix de l’Ordre de St-Louis dont Sa Majesté a bien voulu vous décorer. Je joins ici le brevet qui vous a été expédié pour la pension dont vous jouirez sur les fonds des Colonies, et qui vous sera payée d’année en année, à compter du premier janvier dernier. C’est avec plaisir que j’ai contribué à vous procurer cette marque de récompense de la part de Sa Majesté. »

« J’ai l’honneur d’être, etc.

(signé)......Le duc de Choiseul. »


Nous avons vu que le marquis et la marquise de Vaudreuil quittèrent Québec le 18 octobre 1760, à bord de l’Aventure. Nous les retrouvons le 12 avril 1763 dans la capitale de la France, en leur hôtel de la rue des Deux-Boules, paroisse de Saint-Germain l’Auxerrois[13].

L’ancien gouverneur se trouvait encore à Paris en 1765, comme on peut le voir par la pièce suivante :


Copie du certificat donné à Madame la baronne de Longueuil par M. le Marquis de Vaudreuil, etc., etc.


« Pierre Rigaud, marquis de Vaudreuil, Grand’Croix de l’Ordre Royal et militaire de Saint-Louis, ancien gouverneur, lieutenant-général pour le Roy et toute la Nouvelle-France, terres et pays de la Louisiane.

« Ayant jugé, de concert avec M. le marquis de Levis, dans l’hiver de 1759 et 1760, que l’Isle Ste-Hélène, située en face de la ville de Montréal, pourrait, par sa position, servir utilement à deffendre les approches de cette ville par eau, et la garantir du feu des vaisseaux ennemis en y plaçant des troupes et de l’artillerie, certifions avoir mis opposition à la coupe de bois de chauffage que Madame la baronne de Longueuil, propriétaire de la dite isle, se proposoit d’y faire et de vendre au Roy, conformément à des prix avantageux.

« Certifions en outre qu’à la fin de la campagne de 1760, Madame de Longueuil nous ayant remis, conjointement avec M. Bigot, un mémoire appuyé du certificat de M. Daillebout, lieutenant du Roy à Montréal, commandant les troupes campées dans l’Isle Ste-Hélène, sur les dommages que le séjour de ses troupes avait occasionnés dans la dite isle, nous lui promîmes alors de nous joindre à M. l’intendant pour lui obtenir de la cour une indemnité proportionnée aux torts qu’elle avait soufferts.

« En foy de quoy nous avons signé le présent et à y celuy fait apposer le sceau de nos armes à Paris, le 12 juin 1765. »


(cachet) (signé)xxxxxxxxxxxxxVaudreuil.

« Je certifie avoir les mêmes connaissances au sujet des représentations qu’a faites Mme la baronne de Longueuil à M. le marquis de Vaudreuil.

« En foy de quoy j’ai signé le présent de ma main, à Paris, le 13 juin 1765. »

(signé).....Lévis.


Madame la marquise Pierre de Vaudreuil (Jeanne-Charlotte Fleury de la Gorgendière) mourut dans l’automne de 1763. Elle avait un peu plus de quatre-vingts ans, et était de près de seize ans plus âgée que son mari.

Sa nièce et belle-sœur, madame Pierre-François de Rigaud de Vaudreuil (Louise-Thérèse Fleury de la Gorgendière) mourut à Saint-Domingue au mois de février 1775[14].

Le marquis Pierre de Vaudreuil paraît avoir séjourné à Paris jusqu’à sa mort, arrivée, à Paris même, le 4 août 1778. (Il avait alors quatre-vingts ans.) Monsieur A.-C. de Léry Macdonald a publié dans la Revue Canadienne de 1884, un article intitulé Le Château Vaudreuil, dans lequel il cite des extraits de lettres écrites par le dernier gouverneur de la Nouvelle-France, le 30 octobre 1772, le 19 mars 1773, le 31 mars 1776 et le 2 mars 1778 : toutes sont datées de Paris.

Après la mort de sa femme, le chevalier de Rigaud vint demeurer avec son frère.

Le marquis de Vaudreuil était peu fortuné. Ayant disposé de ses propriétés situées en Canada, il put cependant acheter, en 1776, le joli domaine de Collier, commune de Muides, Loir-et-Cher, occupé aujourd’hui par M. Amable de Gélis, ancien maire de Muides.

L’extrait suivant des archives de Collier nous a été obligeamment communiqué par M. de Gélis :


Contrat passé devant MM. Maupal et Legras, l’un et l’autre notaires à Paris (1776).


« Appert Monsieur Jeanne Philippe, chevalier de Béla, Seigneur de Saint-Engrâce en Navarre, la Ran et autres lieux, brigadier des armées du Roi, chambellan du Roi de Pologne.

« Avoir vendu, codé et délaissé au très-haut et très-puissant Seigneur Pierre de Rigaud, marquis de Vaudreuil, grand’croix de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, ancien gouverneur et lieutenant général pour le Roi en la Louisiane, le lieu et château de Collier, assis au-dessus de Saint-Dyé, en la paroisse de Muides, et le lieu et métairie de la Chaumette, situés en la même paroisse.

« Desquels objets plusieurs parties sont en fiefs relevants partie du comté de Cheverny, et partie de la seigneurie de Muides.

« Pour, par mon dit Seigneur marquis de Vaudreuil, jouir, faire et disposer des dits biens comme de chose lui appartenant en toute propriété ; a commencé la jouissance à compter du dit jour 13 avril 1776. »


Dans cette pièce, l’acquéreur n’est pas désigné par son titre d’ancien gouverneur du Canada, titre qui rappelait tant de malheurs personnels et publics. On se souvient que Pierre de Rigaud, marquis de Vaudreuil de Cavagnal, avait été gouverneur de la Louisiane et qu’il était grand’croix de l’ordre de Saint-Louis. Son frère Pierre-François de Rigaud, avait été gouverneur de Montréal et n’était que simple chevalier de Saint-Louis.

À la mort de l’ancien gouverneur-général (4 août 1778), Pierre-François de Rigaud prit le titre de marquis. Il mourut au château de Collier le 24 août 1779, comme on peut le voir par le document suivant :


Extrait du Registre des Actes de Décès de la Commune de Muides pour l’année 1779.


(Sceau de la République Française.)

Département de Loir-et-Cher, Arrondissement de Blois. Canton de Bracieux.

Sépulture de Pierre F. de Rigault.


« L’an mil sept cent soixante-et-dix-neuf, le vingt-cinq août, le corps de Messire Pierre-François de Rigault, marquis de Vaudreuil, chevalier de Saint-Louis, ancien gouverneur de Montréal, en Canada, âgé d’environ soixante-et-dix-sept ans, veuf de défunte Louise Fleury de la Gorgendière, muni du sacrement de l’Extrême-Onction, n’ayant pu recevoir les autres faute de cannaissance, décédé hier au château de Collier, de cette paroisse, a été par nous, curé soussigné, inhumé au cimetière, en présence de Françoise-Charlotte Alavoine, veuve Dailleboust, cousine du côté de Monsieur Dailleboust, son mary, de Mademoiselle Madeleine Fieffet, de Monsieur Cécile-Eléonor Guyon de Desiers, seigneur de Montlivault, de Monsieur Gabriel Dumont, chevalier de Saint-Louis, de François Beaudin de Boisrenard, seigneur de Boisrenard, Louis-Joseph Thibault, notaire royal, Pierre Guérin, tous amis qui ont signé :

« Ve Dailleboust Guyon de Desiers, Fieffé, Dumont, Boisrenard, Thibault, Thibault, curé. »


Pour copie certifiée conforme.


Mairie de Muides, le 13 décembre 1893.


(Sceau de la mairie de Muides). Le Maire.


(signé)xxxxClément.

M. de Rigaud avait été un intrépide coureur de bois, un militaire plein de courage et d’audace. À la tête de partis composés de Français, de Canadiens et de Sauvages, il avait, à maintes reprises, rendu d’importants services à la colonie, traversant les rivières à la nage, pénétrant dans les fourrés les plus épais, faisant, l’hiver, sur la glace des lacs et dans les sentiers des forêts, des courses de vingt, trente et même soixante lieues, les raquettes aux pieds. Il s’était surtout signalé à Fort-Henry et à Chouaguen.

Madame d’Ailleboust (Françoise-Charlotte Alavoine), dont on vient de lire le nom, était la légataire universelle du marquis Pierre de Vaudreuil de Cavagnal. Elle était canadienne, née aux Trois-Rivières.

Lorsque mourut le dernier gouverneur de la Nouvelle-France, le général Haldimand habitait le château Saint-Louis depuis quelques jours. Il était soucieux, inquiet, préoccupé, et prêtait constamment l’oreille aux bruits de la lutte qui se poursuivait du côté des anciennes colonies anglo-américaines.

M. de Vaudreuil avait été tenu au courant des événements canadiens par les membres de la famille de Lotbinière, et il avait dû connaître les bons procédés de Guy Carleton à notre égard. Nul doute qu’il vit sans surprise les colons de la Nouvelle-Angleterre s’insurger contre leur métropole : c’était la conséquence de la chute de la domination française en Canada, — conséquence prévue par Choiseul, par le général Murray et par Montcalm lui-même.




  1. Garneau.
  2. M. de la Galissonnière remplaçait M. de la Jonquière, fait prisonnier par les Anglais. M. de la Jonquière vint prendre son poste, à Québec, en 1749, en vertu de sa commission datée de 1746.
  3. L’intendant Bigot favorisa cette politique aventureuse de l’Ohio, où il y avait pour lui ou ses amis des bénéfices à réaliser : le baron Le Moyne de Longueuil, qui remplit la charge d’administrateur de la colonie avant l’arrivée du marquis Duquesne, y était, au contraire, fortement opposé
  4. Les récollets étaient les aumôniers ordinaires du fort Saint-Louis. Kahn dit qu’ils l’étaient également de tous les forts occupés par au moins quarante hommes.
  5. Charles de Bonnechose. — Montcalm et le Canada Français.
  6. Juin 1755. Ce fut cette même année qu’eurent lieu le guet-apens de Grand-Pré et l’odieuse dispersion des Acadiens du Bassin des Mines.
  7. Voyez, au sujet des rapports entre Français et Canadiens français dans les dernières années de l’ancien régime, le chapitre xvi de l’ouvrage de M. Ch. Gailly de Taurines intitulé : La Nation Canadienne. — E. Plon, Nourrit et Cie, éditeurs, Paris. 1894.
  8. 13 mai 1756. — L’année même de l’arrivée de Montcalm à Québec, la France, par le fatal traité de Versailles, s’allia à l’Autriche, qu’elle avait toujours combattue, « et se laissa entraîner dans une guerre continentale par Marie-Thérèse, qui, voulant reprendre la Silésie au roi de Prusse, flattait adroitement la marquise de Pompadour, avec qui elle entretenait un commerce de lettres, et qu’elle appelait sa chère amie. La France eut à combattre à la fois sur terre et sur mer, quoique l’expérience lui eût enseigné depuis longtemps qu’elle devait éviter soigneusement cette double lutte et que Machault s’efforçât de le faire comprendre à Louis XV ; mais la favorite tenait à l’alliance de l’impératrice-reine ; le ministre de la guerre et les courtisans, étrangers au service de mer, tenaient à la gloire qui s’offrait à eux dans les armées de terre ; le gouvernement oublia la guerre contre l’Angleterre, la seule importante, la seule où la France eût été provoquée, et il dirigea ses principales forces vers le nord de l’Europe, abandonnant à peu près à elles-mêmes ses vastes possessions de l’Amérique septentrionale. » — F.-X. Garneau. — Hist. du Canada.
  9. Montcalm, en digne fils de la noble France, fit arborer sur le point culminant du champ de bataille de Carillon une grande croix de bois devant laquelle chacun vint se prosterner, pendant que toute l’armée chantait le Te Deum. Cette croix portait l’inscription suivante, composée par le général après la victoire :

    Quid dux ? Quid miles ? Quid strata ingentia ligna ?
    En Signum ! En victor ! Deus hic, Deus ipse triumphat !

    « Qu’a fait le général ? Qu’ont fait les soldats ? À quoi ont servi ces arbres énormes renversés ? Voici le vrai étendard ! Voici le vainqueur ! Ici, c’est Dieu, c’est Dieu même qui triomphe ! »

    Pendant ce temps-là, le cynique Voltaire ciselait ses odieuses rimes en l’honneur de Frédéric II, vainqueur des Français, et Antoinette Poisson recevait les hommages des courtisans de Versailles. Où était alors la France chrétienne, la France de Clovis et de saint Louis ? Sans doute on la retrouvait encore au sein de bien des foyers dans notre ancienne mère-patrie ; mais c’est d’un incomparable éclat qu’elle brillait dans cette scène grandiose des bords du lac Champlain, au milieu de ces vastes contrées du Nouveau-Monde que ses enfants avaient colonisées, évangélisées et fécondées de leur sang.

  10. Il avait alors huit ans. — E. G.
  11. Septembre. — E. G.
  12. Bigot et Varin furent bannis de France à perpétuité et leurs biens confisqués. Il y eut d’autres bannissements, mais non perpétuels, et d’autres confiscations. Cadet dut restituer 6 million. — E. G.
  13. Archives du département des Terres de la Couronne à Québec.
  14. A.-C. de Léry Macdonald.