Le Zend-Avesta (trad. Darmesteter)/Volume II/Vendidad/Fargard 1


 
Traduction de James Darmesteter

Édition : Musée Guimet. Publication : Ernest Leroux, Paris, 1892.
Annales du Musée Guimet, Tome 22.


VENDIDAD
Fargard 1
1.
Énumération de seize pays excellents créés par Auhrmazd et des fléaux correspondant à chacun d’eux, créés par Ahriman I.


VENDIDAD
______

FARGARD I

Le Fargard qui ouvre le Vendidad contient, puur employer les termes du Dînkart (VIII, 42, 2) « rénumération de seize pays excellents créés [par Auhrmazd] et des fléaux correspondants à chacun d’eux, [envoyés par Ahriman] » 1[1] En effet, à chaque pays nouveau créé par Ahura, Angra Mainyu répond en créant un fléau, d’ordre physique ou d’ordre moral, destiné à corrompre la perfection native de la création divine : cette contre-création s’appelle paityâra, littéralement « réaction, obstacle ».

Ces seize contrées appartiennent toutes à l’Iran. On a voulu autrefois tirer des conclusions historiques très lointaines de l’ordre dans lequel elles sont rangées et qui reproduirait la marche de la colonisation iranienne descendant du plateau de l’Asie centrale 2[2]. Haug en fait un document contemporain de l’occupation de ces provinces et comme le journal de l’immigration. Le texte, pris en lui-même, a des prétentions beaucoup moins hautes : c’est un tableau géographique de l’Iran à l’époque où il fut écrit, tableau incomplet, d’ailleurs, et qui laisse en dehors les provinces qui, pour des raisons politiques et religieuses qui nous échappent, ofTraient moins d’intérêt au rédacteur zoroaslrien. On s’étonne, par exemple, de n’y point rencontrer la Perse^et un temps vint oij les Zoroastriens aussi s’en étonnèrent : car il est probable que les lignes finales furent ajoutées par les derniers Diascévastes pour couvrir les omissions et les partis pris de la première rédaction. L’identification des provinces se fait d’elle-même pour neuf d’entre elles, le nom zecd étant identique à celui qu’on trouve dans les listes de satrapies de Darius et qui s’est souvent maintenu dans la nomenclature moderne. Ce sont : Zetid. Perse. Grec. 2° Sughdha Suguda ^ofy.rrr, 3 ■ Môuru Margu MoLpywir, 4° Bâkhdhi Bâkhtri ïji/.’ :px 6° Harôyu Haraiva ■’Ap^^a 9° Vehrkâna Varkâna YpV.Tl’.X Oo Harahvaiti Harauvati ApxyM-.o. il" Haêtumant ’E-6[j.t^ 1 2" Ragha Ragâ PaYa- : I .)' Hapta hindu Hindava 'h>y. Soghd -*-i^ (Samarkand) . Merv Ji/* (arm. Marg). Baikh ^, Harc-[vùd) iSy^. Giirfjdn o ^J Jiirjân j^ ^ ? Ar-rokliej j ?’-j’ Ar(]hand-[kh) ^’-Cc-jl. Helmend J-^ij^. Rai iSJ, Hind -»^". Pour les autres provinces dontlcs noms ne paraissenl ni dans la nonionclature ancienne ni dans la moderne, nous en sommes réduits à la tradition 3. F., ;i M(’die y parait sous le nom de Ilaylia, ^ lU. 4. i’rononciation arabisée. 5. Forme arabe, médiévale. 0. iMnployé dans les historiens arabes pour désii,Micr le liant tndiis, le rcnjàli, par opposition au S’nidli (jui est le bas Indus, le premier étant semi-niusuhnan, le second purement indien.

pehlvie. Le Commentaire peblvi ne nous est arrivé que dans une forme très corrompue et qu’il est difficile d’utiliser : heureusement le Grand Bundaliish possède une paraphrase de ce Fargard qui permet de déterminer plusieurs valeurs nouvelles. Ce qu’il nous donne, il est vrai, n’est que l’identification sassanide : mais il n’y a pas de raison de mettre en doute la valeur de ces identifications et l’on ne voit pas pourquoi les vieux noms, tombés en désuétude depuis quelques siècles à peine, auraient été oubliés des antiquaires sassanides : la géographie arabe du moyen âge présente des exemples de tradition savante encore plus tenace. De là les identifications suivantes, moins certaines, philologiquement, mais qui ont toute la valeur d’une tradition historique :

Zend. Peblvi.

7° "Vaêkereta Kdpûl Cahoid^^.^.

8° Urva JSIcshan Mésène (bas Euphrate).

14° Varena PulashUn-àrfjar ou Dailam Tabaristân o Crildn. 16° Ranha Arvaslàni Rùm Mésopotamie orientale. Restent indécis les n’" o cl 13, Nisâya-AwffV et Gakhra-Cff/./ ;/’, dont les noms étaient poi’tés par plusieurs villes (voir notes 17 et 30) ; la première a dû être située entre Merv et Bactres ; enfin le n" 1, Airyanena Vaêjô eu Iran Vr/, que nous identifions au moderne Karabagh, l’ancien Arrdn[y. note 4).

L’énumération offre des séries naturelles qui semblent indiquer un certain ordre systématique : les n°’ 2-7 — Sogdiane, Margiane, Bactriane, Nisâya entre Merv et Bactres, Hérat, Caboul — forment un groupe compact qui épuise le nord-est, l’extrême Khorasan. Les n"’ 8-9 — Urva-Mésène et Gurgân, — relient par une ligne à l’occident les deux mers, mer Persique et mer Caspienne ; les n°’ 10-11 nous reportent à l’orient (Arachosie et Seistan) ;lesn°’12 et 14 nous reportent au nord-ouest avec Bai et leTabaristan : si le n- 13,Cakhra, est dans la même région, nous aurons un groupe massif et continu du nord : si c’est le Carkh du pays de Ghaznin (note 3f>), ce sera encore la même allée et venue de l’ouest à l’est ; le n° 15 avec rindus, le n° 1 6 avec la Raiiha, c’est-à-dire avec le Tigre, nous donnent

les deux fleuves cnveloppaiifs qui liinilent l’Iran à l’est et à l’ouest, « le pays eutre le Tigre et l’Indus ». La Raûha nous ramène au point de départ, car ses sources et celles de la rivière de l’Iràn-Vèj ne sont séparées que par le massif de l’Ararat. L’ordre de succession est donc le suivant : 1° Extrême nord-ouest : Iràn-Vèj.

2°-7" Groupe de l’extrême nord est : Soghd, M3rv, Balidi, Nisà, Hérat, Caboul :

8-9°Sud maritimeetnord maritime : Mésène, Gurgân. lOo-H" Est-central : Arachosie et Seistan.

1 2°- ! 3"- 14° Nord-ouest : Rai, Carkli,Tabarislau (ou bien :nord, Rai est, Car/i/i ; nord, T’aharistan).

5° Extrême est : Indus. 

1G° Extrême ouest : Tigre.

Les fléaux créés par Aliriman dans chacun des pays créés par Ormazd donnent quelques renseignements inslruclifs sur la situation religieuse de certaines provinces à l’époque de la rédaction ; Hérat semble avoir été le siège de sectes affectant un rigorisme exagéré dans les lois de pureté ; la sorcellerie prévaut dans le bassin de l’IIelmend et la Péri dans le pays de Caboul, ce qui est, sous une forme zoroastrienne, l’expression du fait que ces provinces étaient dominées par la civilisation indienne : on sait que dès une haute antiquité, jusque vers la conquête musulmane, ces provinces formaient une Inde blanche. — Pour l’âge du morceau voir l’Introduction de ce volume.

1 . .4hura .Ma/.dadit à Spilama Zarathushtra : .l’ai rendu, ô Spilama Zarathushtra, chaque lieu plaisant [là ses enfants], si peu de confort qu’il y eût eo lui ’ ; si je n’avais rendu, ù Spitama Zaru- 1. azem dadliàm... nsù riiiuô-dàitiin nôit kudntshûitiin : Il i/ahbûnt jîvdk... ràmislin dahisliiii/i II) ah/h diil {a’ujk dnl = liudat ; cf. Vd. 1, lulrod., p. ci) yakôijamknél àsà- 711/1. (Iliisc : I, C’ust- ;-ilire que le pays où un hninnie est né et élevé, il lo ("onsidère

comint : bon, comme le plus beau et le plus confortable que j’aie créé. >■

Zarathushtra, chaque lieu plaisant [à ses entants], si peu de confort qu’il y eût en lui, tout le monde corporel se serait rendu dans l’Airyanem Vaêjô 2[3]. Voir le § 2 au IIIe vol., Fragments, pp. 33-34.

I

3 (5). Le premier des lieux et des pays 3[4] excellents que je créai, moi, Ahura Mazda, fut l’Airyanem Vaêjô, qu'arrose la Vanuhi Dàitya 4[5].
Angra Mainyu, plein de mort, répondit en créant ce fléau : le serpent de rivière 5[6] et l’hiver, créé des Daêvas 6[7].
4 (9) 7[8]. Il y a là dix mois d’hiver, deux d’été 8[9]. Et ces mois 9[10] sont froids pour l’eau, froids pour la terre, froids pour la plante. Là est le centre de l’hiver, là le cœur de l’hiver. Là fond l’hiver, là le pire des fléaux.


II

5 (13). Le second, des lieux et pays excellents que je créai, moi, Ahura Mazda, fut la plaine qu’habitent les Sughdha (les Sogdiens) 10[11].

Angra Mainyu, plein de mort, réponditen créant ce fléau : la sauterelle, mortelle aux troupeaux et aux plantes

III

G (17). Le troisième des lieux et des pays excellents que je créai, moi, Ahura Mazda, fut la forte et pieuse Môuru 12 .

Angra Mainyu, plein de mort, répondit en créant ces fléaux : le pillage et l’immoralité 13 .

IV

7 (21). Le quatrième des lieux et des pays excellents que je créai, moi, Ahura Mazda, fut la belle Bâkhdhi u , aux étendards haut levés 15 .

11. skaitim yàm gavaca dayaca pouru-makrkein. — Le Grand Bund. a: « Lui vint pour fléau la sauterelle mauvaise (kamcâ sarllar)-, la sauterelle dévore sans cesse les herbes, et la mort vient aux troupeaux. » Nous traduisons donc skaitim par kamcâ (le Vd. pelilvi a mcg, qui a le même sens) et daya par giyâh (Yd. pehlvi : jôrtàk , vâstar), « grains, herbes ».

12. Mùururn, Marv; v. p. Margu, p. ^ : Merv et la Margiane (Mapy.avr,). — sùrem asliavanem, c’est-à-dire « qui fait beaucoup les œuvres de justice » (Grand Bd. aîghash kâri ddtistân kabad s/iam [lire dar avec le Yd.] Icunad.

13. maredliâmea vîthushàmca; le Grand Bundahish a : « Lui vint pour fléau grand mouvement de troupes (spâh ravishn acs/t); car toujours là beaucoup les cavaliers font mauvais commerce, ainsi que les larrons, les brigands, les hérétiques aux paroles menteuses, oppresseurs des justes » [mâ hamvâr asûbardn tamman vêsh obdùnd dûshak marz dûjân stahmakân aharmôkàn anâst gavishnân ahlav bêshân). Il nous est impossible de rien tirer du Vendidad pehlvi qui, on le voit par la comparaison avec le passage précédent, est visiblement corrompu. Il n’est pas facile non plus de retrouver le rapport du texte zend avec la glose du Bundahish : il semble pourtant que pour l’auteur delà glose uiarcdha est un abstrait de mairya, « voleur de grand chemin, bandit » et fait allusion aux pillards de la steppe, précurseurs des Turcomans de Merv, mis à la raison naguère par la Russie; vithusha répondrait à dûshak marz. Frâmji entend par dûshak marz le commerce sexuel illégitime, l’adultère.

14. Bâkhdhi, corruption de la forme ancienne Bàklitri, Bdbccpa, sur le chemin de la forme moderne Balkh pehlvi Bâkhl (dh zend — l\ cf. malakh de madhakha; transcription sanscrite : Bàhli, Bâlhi). srîràm, « la belle »; Bactres a longtemps conservé ce nom: Masoudi l’appelle encore L*J-1 ‘Ji (II, 121); dans la vieille poésie persane, srira, ayant disparu de la langue, est remplacé par l’épithète de bdmî brillante (zend bâmya).

15. eredhwô-drafshâm. Grand Bd. « les hommes là portent l’étendard avec énergie » (martûmî tamman drafshpun tûkhshâkîh yakhsûnand). Angra Mainyu, plein de mort, lui répondit en créant ce fléau : les fourmis et les fourmilières ,fi .

Y

8 (25). Le cinquième des lieux et des pays excellents que je créai, moi, Ahura Mazda, fut la Nisâya qui est située entre Môuru et Bâkhdhi ,7 .

Angra Mainyu, plein de mort, lui répondit en créant ce tléau : le doute l8 .

VI

9 (29). Le sixième des lieux et des pays excellents que je créai, moi, Ahura Mazda, fut le Haraêva", qui déserte les maisons 20 .

16. bravaremca usadhasca uurtu : traduction très hypothétique, les deux versions étant également obscures et les trois termes zends étant des a^a^. Le Grand Bundahish a : npash patyârak sûrak vêsh mat, « lui vint pour lléau l’abondance des trous (sûrak — sûràk) ; ils se creusent des trous pour maison et les remplissent » (khânak sûrak lâlâ obdûnêt barà anbàshêt ?). Le Vd. pehlvi a : dûrcakât kabad yahvûnêt, « il y a beaucoup de dûrcakât », que les traductions interlinéaires persanes rendent par môr dàna kash, « les fourmis voleuses de grain ». D’après ces données, je traduis bravarem comme un synonyme de maoiri, dont il est peut-être un doublet (cf. sscr. lira ~ zend umV ; usadhasca mirtu serait « la fourmilière », iisadhab répondant à lâlâ obdûn du Bundahish et étant formé de ws-dà et nurtu répondant à sûrak ; litt. « le creuser un trou ».

17. Par opposition aux autres localités de ce nom, par exemple, ail district de Nisâya, en Médie, où Darius tua le Mage Gaumàta (Bahistûn, I, 58). Il y avait trois autres Nisâ, l’une dans le Fàrs, l’autre dans le Kirmân, et une troisième plus célèbre, à l'ouest de Merv, et par laquelle passe Bahram Gôr dans sa campagne contre les Turcs, en se rendant d’Amol à Merv (Tabari, tr. Noeldeke, p. 1U1, 2). On serait donc tenté de traduire : « entre laquelle et Bâkhdhi se trouve Môuru », mais le texte ne se prête pas à cette construction et il faut admettre une autre Nisâya sur la route de Balkh à Merv.

18. vîmanôhim. Il y a là des gens « qui doutent de l’existence de Dieu » (Yd. pehlvi); selon quelques autres «qui doutent de l'existence desdémons » (l’existence d’Àhriman étant de dogme aussi bien que celle d’Auhrmazd; Mînôkhard, XL11, 6).

19. Harôyiïm, de Haraêva, p. Ha raiva, l’ancienne Arie, écrite ’Apeîa au lieu de Apsta (*Haria), par confusion avec le nom des Ariens; le nom moderne, Harât Olyb, a conservé l’aspirée. Harât est une forme arabisée ; la forme pure est Harê

qui reste encore dans Firdausi et qui a subsisté dans le nom du fleuve de Harât, le Harê- rùd.

20. vish-harezancun. Grand Bundahish : uHarê, qui déserte les maisons ; parce que lâ, quand un homme meurt dans une maison, les gens de la maison la quittent et Angra Mainyu, plein de morl, lui répondit en créant ce fléau : les larmes et les lamentations 21 .

Vil

10 (33). Le septième des lieux et des pays excellents que je créai, moi, Aliura Mazda, fut le Vaêkereta, aux mauvaises ombres 22 .

Angra Mainyu, plein de mort, répondit en créant ce fléau : la Pairika Khnâthaiti, qui s’attacha à Keresâspa 23 .

s’en vont. Nous, nous tenons les observances neuf jours ou un mois: eux abandonnent la maison et s’en vont pendant neuf jou rs ou un mois » (JHarê vîsh shabkûn ; ma khânak amatash tanê dar bard vitirêt barâ sliabkûnd , barâ ozalund; îtûn cigûn lanâ 9 lai/yâ bîrakh dranâ pun pâhrêt yakhsanûnêm , olâshân baitâ barâ shabkûnd barâ ozalûnd od 9 lailyâ bîrakh dranâ). Il s’agit par exemple du cas prévu au Vd. V, 42; cf. 1 ’ Appendice A au Vd. VIII.

21. saraskemca driwikâca. D’après le Grand Bundahish, lefléau créé contre Harê est le shîn u mûî « les lamentations pour les morts » : « un parle, les autres reprennent autant qu’il leur plaît » (êvak yarnallûnêt apârîk yansagûnand pun cand ûcî kâmak). C’est la définition du vocero où la plus proche parente du défunt prononce une série de vers détachés auxquels les assistants répondent par des gémissements (voir nos Chants populaires des Afghans , p. 225). — sara ska est le persan sirishk « goutte, larme » ; je traduis driwikâ par conjecture ; le Vendidad pehlvi y voit des paroles ou des cris, vâjak; quelques-uns y voyaient des bruits de tambour funèbre (ît manîtûn yarnallûnêt âi pun labûra obdûnênd) : cf. driwyâo, bourdonnement ?(Farg. VIII, 2, note 3). Les lamentations funèbres sont formellement interdites par le Zoroastrisme : les larmes versées pour un mort forment une rivière qui l’empêche de passer le Pont Cinvat (Saddar , XCV1 ; Ardâ Virâf, XVI, 7 10).

22. Vaêkeretein \ i m duzbako-skayanem, Kâpûl dûsh-sâyak. Je reproduis, non sans doute, l’interprétation peldvie : l'analogie de Sugkdlio-sliayanem (§5) et de Velirkânô-sliayanem (§12) ferait attendre pour skayanem la traduction mânishn « demeure » et pour duzhakô un nom de peuple. La lecture sayanem (K 9 , ’°) se concilierait mieux avec la traduction sayâk. Close : « c’est-à-dire que l’ombre des arbres y est mauvaise pour le corps » (probablement y produit la fièvre) ; « quelques-uns disent l’ombre des montagnes». — Vaêkereta est le nom ancien de Caboul (Kâpûl); nous serait-il conservé dans le Bayâpox du Paropanise (Ptolémée, VI, 18)?

23. La Pairika symbolise, dans la mythologie zoroastrienne, l’idolâtrie étrangère. Il est à remarquer que dans toute l’épopée Caboul est considéré comme un pays d’idolâtres et de magiciens, de but-parastân et de dîv-parastân, ce qui s’explique par le fait que jusqu’à la conquête musulmane Caboul était un pays de civilisation indienne. D’autre part le héros SâmaKeresâspa. dont la légende est localisée dans le pays de Caboul où il meurt, est accusé d’impiété par la tradition : Zoroastre le vit puni dans l’enfer pour avoir manqué de respectai! feu, et selon le Bundahish (XXIX. 1 1 (37). Le huitième des lieux et des pays excellents que je créai, moi, Ahura Mazda, fut Urva, riche en herbes 24 .

AngraMainyu, plein de mort, répondit en créant ce tléau : l’orgueil 2 ".

IX

12 (41). Le neuvième des lieux et des pays excellents que je créai,

7), il fut tué dans son sommeil, dans la plaine de Pèshyànsai, qui est dans le Caboulistan (Ibid , ., 11), en punition de son mépris pour la Religion de Mazda. La Péri Khnàthaiti ne parait pas ailleurs : mais un roman épique de la basse époque, le Sâm Nâma de Khvàjù Kirmàni (-f- 645 H.), est consacré aux amours de Sâm et de la princesse de Chine, Pari-Dôkht : ce dernier nom est la seule trace du caractère primitif de la légende (voir sur le Sâm Nâma, Spiegel dans la ZDMG., III, 245-261 ; Rieu, Catalogue , p. 544; Mohl. Préface au Shah Nâma, p. 59).

Grand Bundahish : « Le fléau créé contre Kàpùl fut l’amour des Péris (Partk kâmakih; interprétation étymologique de Pairi-kâm; le Vd. pehlvi glose ûzdês-paraslîh « le culte des idoles»); le culte des démons que pratiquait Sâm (Sâma Keresàspa), les gens de Kâpùl le pratiquent aussi » (zag shêdà-yazakih Sâm hamâi kart olâshânci hamâi obdûnand). Selon quelques-uns, il s’agit seulement du péché de vishât dubârishnîh , d’aller sans porter le kosti et le sadéré , emblèmes du Zoroastrisme (cf. Yd. XVIII, 54).

24. Urvàm pouru-vâstràm, Mêshan... pûr-vâstar aîghash jôrlâi kabad yahvûnêt (G. B.) : « la Mésène, riche en herbes, c’est-à-dire que les blés y sont abondants ». Ui •va, pour les commentateurs sassanides, était donc Mésène (Mscrjrr,, dans Strabon; Mai<ïav[-îvY;ç xôXtwOç] dans Ptolémée; pOC Maishan, dans le Talmud; jL.* Maisân, dans les géographes arabes), c’est-à-dire la région du bas Euphrate, célèbre de tout temps par sa fécondité (cf. Hérodote, 1, 193), et qui fut, durant près de quatre siècles (environ de 150 av. J. -G. à l’avènement des Sassanides). le siège d’un royaume très florissant par le commerce, auquel semble faire allusion la suite de la glose du Grand Bundahish : voir la note suivante.

25. aiwisktàra, apar-mânishnîh ; glose de Copenhague, gharûri « orgueil »; traduction confirmée par le parsi avarmanish, traduit dans le Patet garvamânasalà, et par la composition de l’expression (upairi-man). Glose du Yd. pehlvi : « parce que les gens de Mêshan sont superbes » (amalash masânâimadam kalûnd (lire katarûnd : le sens de madam katarûntan ~ apar mânlan, est donné par le sens de avarmanish : au lieu de masân il faut lire sans aucun doute un ethnique de Mêshan : car un des deux manuscrits du Grand Bundahish a Mêshan et l’autre Mêshan-âyîkân « les Mésaniens », ethnique formé comme Aràm-âyîk. Glose du G. B. : « il n’y a pas, en général, d’hommes pires que ceux-là » [martûm pun êrkarl/ikih min oldshân sarîlar lôît). moi, Ah ura Mazda, fut Khnenta, qu’habitent les Vehrkâna 2li .

Angra Mainyu, plein de mort, répondit en créant ce tléan : un crime inexpiable, le péché contre nature - 7 .

X

I 3 15). Le dixième des lieux et des pays excellents que je créai, moi, Ab ura Mazda, fut la belle Harahvaiti 28 .

Angra Mainyu, plein de mort, répondit en créant ce tléau : un crime inexpiable, l’inhumation des morts 29 .

XI

14 (W). Le onzième des lieux et des pays excellents que je créai, moi, Aliura Mazda, fut le brillant et glorieux Haêtumant iU .

Angra Mainyu, plein de mort, répondit en créant un tléau : les méfaits de la magie.

15 (53) 3I . Et voici le signe auquel on le reconnaît, le signe auquel on le

23. Khnenteui yim Vehrkànô-shayaueni, Khne.n gûrgânîg-mdnis/in aig/iasli olâshân patash katarûnand (G. B.) : « K/men habité par tes gens du Gùrgân, c’est-à-dire qu’ils habitent sur ses bords ». Khnenta est le nom du lleuve d’Hyrcanie (Kkndnrût : Yd. pehlvi). — Vehrkâna, perse Varkàna, gr. 'Vpxavîx, persan Gurgân, Jurjân.

27. narô-vaèpaya ; « c’est-à-dire qu’on pratique beaucoup dans ce pays la sodomie » {al g h gabrâ vâipta[ka]kîh zag jîvdk vêsh vakhdûnand; ît î kûn-marz yamallûnêt). Le crime est inexpiable (anâperetha), c’est-à-dire puni de mort dans ce monde et dans l’autre : voir Farg. VIII, 31-32.

28. Harahvailim ; perse Hara[h]uvati, ’Apayaisia (formé sur ’Apxyoncç); différemment corrompu en Ar-rokhej dans les écrivains arabes et en Arghand dans le nom moderne du lleuve, Arghand-âb hJïjilèjl; Arghand , pour * Har khand , représente Harahvant-; il ne faut point confondre ce nom propre Arghand avec l’adjectif homonyme Xi J « furieux », qui vient peut-être du zend ereghant (Farg. VU, 2).

29. nasu-spaya, nasdî nikânih. « C’est-à-dire qu’ils suivent une religion fausse et n’agissent pas suivant la loi ». (Vd. P., di ak-dîn havâ-nd afshân [lâ]pun dût [bard obdûnand] ; les mots entre crochets sont rétablis d’après l’analogie du § 13). Sur le nasu-spaya comme crime inexpiable, voir Yd. 111, 39 sq.

30. Haètumanteni, Hèlûmand ; 1’ ’Etup,zvopoç des Grecs, 1 e Hernie nd, Helmend des modernes; c’est-à-dire le bassin du Helmend, le Saistân (G. B.).

31. Ce paragraphe semble une citation : nous l’insérons dans le texte parce que voit : en quelques lieux que l’on vienne crier au sorcier, c’esl là (à llaèlumànt) que se produisent les pires œuvres de sorcellerie 3 -.

XII

16 (59). Le douzième des lieux et des pays excellents que je créai, moi. Ahura Mazda, fui Ragha 3 aux trois races 34 .

Angra Mainyu, plein de mort, répondit en créant ce fléau : l’incrédulité mauvaise*’.

Xlll

17 (53). Le treizième des lieux et des pays excellents que je créai, moi. Ahura Mazda, fut le puissant el pieux Cakhra 31 .

le petilvi le traduit comme tel. Voir la lin du texte «le Westergaard aux Fragments.

32. Paraphrase du Grand Bundahish : « le tléau créé contre le Saistân est l’abondance de sorcellerie : et ce caractère parait par ceci que tous les hommes qui viennent de ce lieu exercent l’astrologie : ces magiciens font venir... la neige, la grêle, les araignées et les sauterelles » [apash patyârak ydlûklh vêsh mat; apash dakhshak min and padtdk, aîg/t kulâ martûm î min zak jîvâk barâ yâtûnad kundâyîh yhal obdûnd ; min oldshan yâtnkân kyàn ? snchar tagrag u tanand kamcâ ûftêt). — Le Saistân, comme le Caboul, faisait partie de Vlnde blanche et était peuplé de colonies indiennes (Masoudi, II, 79-82) : ces magiciens étaient sans doute, comme ceux de Caboul, les sorciers brahmaniques. — Le texte zend et le Commentaire pehlvi sont plus obscurs que la paraphrase du Bundahish et la traduction que nous donnons est conjecturale, mais faite d’après cette paraphrase. — cithrô-paitidaya « le regard manifeste », c’est-à-dire « quand on les regarde, la chose parait » [amat nikirênd padtdk y ahvûnêt). — jasen zaoyêhè yàtumaùtem, traduction très douteuse; adlia« c’est là », c’est-à-dire c’est dans le pays du Helinend que sont les pires sorciers.

33. Raglia, Rdk; « le Vendidad pehlvi l'identifie à l’Adarbaijàn, tout en ajoutant que selon quelques-uns Bagha est Rai (le 'Payai des Grecs) : peut-être y avait-il une Bagha en Adarbaijân (voir l’Introd. au volume).

34. « C’est-à-dire que les trois classes, prêtres, guerriers el laboureurs, étaient bien organisées là » (Vd. P. el G. B.).

35. « Ils doutent eux-mêmes de Dieu et font douter les autres » (G. B. : c’est un foyer d’Ashemaoghas.

36. Les géographes arabes citent deux localités du nom de dark/t {— Carkh), l’une dans le Khorasan, l’autre dans le pays de Ghaznin : lux Batoctau visita cette dernière (III, 88). Angra Mainyu, plein de mort, répondit en créant ce lléau : un crime inexpiable, la cuisson de la charogne 37 .

XIV

18 (67). Le quatorzième des lieux et des pays excellents que je créai, moi, Ali u ra Mazda, fut Varena aux quatre coins 3S , pour qui naquit Thraêtaona, meurtrier d’Azhi Dahàka 39 .

Angra Mainyu, plein de mort, répondit en créant ces fléaux : les règles anormales 40 et l’oppression étrangère 41 .

XV

19 (72). Le quinzième des lieux et des pays excellents que je créai, moi, Ahura Mazda, fut le pays des Sept-Rivières 4 '.

37. uasush- pacya : « l’acte de faire cuire la charogne et de la manger : ils font cuire le renard et l’ichneumon et les mangent » < nasal pacishnîh nasâi jaldishnih... rûpd/i urasûk pacînd ujaldind; G. B.). Cf. Farg. VIII, 73. C’est un crime capital: le premier venu peut mettre à mort le criminel (v. Farg. VIII, 74, note 70).

38. Varenem yim cathru-gaoshem. Varena, Varn, est selon le Vd. P. soit le Patashk/ivdrgar, c’est-à-dire la région montagneuse au sud de la Caspienne, ou Tabaristan, soit le Dailam, c’est-à-dire la région au sud-ouest de cette mer, comprenant le Gilan et la montagne. Le G. B., adoptant la première assimilation, l’identifie au Demavand, probablement parce qu’Azhi Dahâka fut enchaîné là par Thraêtaona. — « Aux quatre coins », c’est-à-dire qu’il a quatre côtés « [le Tabaristan a en effet grossièrement la forme d’un quadrilatèrej; selon quelques-uns, c’est-à-dire que de quatre sommets du pays l’eau vient dans le pays » [il a quatre rivières importantes?] (apash 4-gôslùh and aîgh cahâr-sûk ; U î yamallûnêt aîgh min 4 rôishâ î mata mid dar shatrô yâtûnêt : G. B.). Le Vendidad pehlvi transmet encore deux autres explications : 1° il y a quatre routes qui y conduisent; 2° il y a quatre villes capitales.

39. Voir vol. I, Yasna IX, 7-8.

40. « Les règles des femmes y sont plus violentes » (Vd. P.).

41. anairyâca danhéusli aiwishtàra : an-êrân matàân patash katarûnand (G. B.). Les indigènes du littoral de la Caspienne étaient étrangers à la race iranienne : c’étaient des sauvages, souvent identifiés à des Divs, les Divs du Màzandaràn (voir Yt. V, 22). Le Vendidad pehlvi semble y voir les Anaryens limitrophes (Salmdn ou Sairima, nom du pays de Rûm : lire ainsi au lieu de sarmàï).

42. hapta hiiidu, haft hindûkdn; répond aux sapta sindhavas des Védas, nom du Panjâb. « Les sept Indes, dit le Commentaire, parce qu’il y a là sept souverains; ce n’est point à dire qu'il n’v ait pas sept Indes, car il est dit dans l'Avesta (voir Yt. Angra Mainyu, plein de morl, répondit en créant ces fléaux : les règles anormales 11 et la chaleur démesurée.

XVI

20 (76). Le seizième des lieux et pays excellents que je créai, moi, Ahura Mazda, fut le pays aux sources (?) de la Ranha 44 , qu’habitent des peuples sans chef 45 .

Et Angra Mainyu qui est plein de mort, répondit en créant ce fléau : l’hiver créé des Daêvas 46 .

21 (82). [1 y a encore d’autres lieux et d’autres pays 47 , beaux, profonds 48 , aux bons désirs 49 , brillants 50 .

X, 104) : haea usliaslara liindva avi daosliastarem hindun), de la Rivière orientale a la Rivière du couchant. Quelques-uns disent : il y en a une dans chaque Keshvar. »

43. Allusion à la nubilité précoce des filles de l’Inde, amenée, dit-on, par la coutume du mariage prématuré.

44. upa aodliacshu Ranliayùo. La Ranha est le Tigre : en effet, la traduction pehlvie ordinaire pour Ranha est Arvand (G. B.); or Arvand est l’ancien nom du Tigre : « si tu ne connais pas la langue pehlvie, sache que Y Arvand sc dit en arabe Uijla » (Firdausi, éd. Vullers, p. 51, vers 325) :

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Le sens de aodhaèshu est douteux, le Vd. P. et le G. B. le transcrivent sans le traduire : mais il doit se rapporter au bassin du haut Tigre, car le Vd. P. identifie la région à VArvastdn î Arum; or, ce terme désigne dans la géographie sassanide la partie septentrionale de l'Assyrie et de la .Mésopotamie limitrophe de l'empire romain (Garrez, Journal asiatique, 1869, II, 186). D’ailleurs, le fléau opposé parAhriman, étant l’hiver, nous renvoie aux hautes vallées du Tigre.

45. asârô, asardàr (non pas asuvdr) : « ils ne tiennent pas le chef pour chef » (sardàr pun sardàr là yakhsûnand, G. B.). Il s’agit, pour le commentateur sassanide, des tribus arabes qui harcèlent le pays. Voir la note suivante.

46. « C'est-à-dire que l'hiver y est rigoureux >> (G. B.). — Le Vd. Sadé ajoute les mots taozhyâca danhéusli aiwishtàra, auquel répond dans G. B. apash tàjik madam katarûnand « et les Tàjik (les Arabes) y oppriment » (cf. note 25).

47. « Qui n’ont pas été énumérés nommément » (Vd. P.).

48. Pris au figuré : « profondément enfoncés dans les œuvres de justice ».

49. G. B. « Ils interrogent beaucoup à propos des œuvres de justice » (kâri dàtislân kabad dar pûrsênd; cf. Vd. XVIII, 13; il faut donc, dans le Vd. P. pun saràn kabad obdûnand, corriger pun saràn en pûrsishn).

50. havând man Pars yamallûnêt : « il y en a qui disent : la Perse » (G. B.).



  1. 1. Madam î 6 jîvâk î pâhlûm bràhînîtan nâmcashtîk aûshmurît, paîtyârak-c-î ol jût jût mat yakoyamûnêt.
  2. 2. Heeren et Rhode ; voir M. Bréal, La Géographie de l’Avesta (dans les Mélanges de mythologie et de linguistique, 187 sq.).
  3. 2. Grand Bundahish : « Il est dit dans l’Écriture : Si je n’avais créé le Génie de la patrie, tous les hommes seraient allés dans l’Iràn Vêj, à cause du charme de ce pays » (at li là yahbûnt havâ-t mînôî i bûm u mata harvisp martûm barà ol Erân-vêj ozalûnt havâ-nd basîmîh tamman râi). Sur l'Irân Vêj, voir note 4.
  4. 3. asaňàmca shôithranàmca, jîvâkân rûstâkân (M. jâihâ shahrkâ) : le premier terme a une valeur purement géographique, le second une valeur politique; l’un marque la terre, l’autre le pays (cf. bûm u mata bûm u deh, note précédente). — L’ordre suivi semble celui de l’excellence : telle semble du moins la pensée de l’auteur du Bundahish, qui fait suivre la phrase citée, note 2, des mots: « car le premier des lieux et pays excellents que je créai fut l’Erân-vêj ». asô est défini en pehlvi le lieu non habité, shôithra le lieu habité.
  5. 4. Littéralement : « l’Airyanem Vaêjô de la Vanuhi Dâitya ». L’Airyanem Vaêjô, Irân Vêj, est le pays saint par excellence : c’est là que Yima construit son Paradis (voir Fargard II); c’est là que Zoroastre naît (Bund. XX, 32) et fonde la religion (Bd. XXXII, 3); c’est, là que parait le premier couple animal (Bd. XIV, 4 et Zàd Sparam, IX, 8). A en juger d’après son nom, c’était aussi sans doute le berceau des Iraniens, car ce nom signifie littéralement « Germe iranien » ou ce qui revient au même « Germe des Aryas » (airyana est l’adjectif dérivé de arya, airya). Mais où est l’Irân Vêj ? On s’accorde généralement à le chercher à l’orient du côté de l’Oxus et il y a à cela deux raisons plausibles : la première, c’est que les pays qui suivent dans l’énumération sont à l’orient de l’Iran (Sogdiane, Margiane, Bactriane) ; la seconde, c’est que durant la période sassanide le mot vańuhi, qui entre dans le nom de la rivière de l’Irân Vêj, est devenu, sous sa forme pehlvie Vêh, le nom de l’Oxus : il désigne l’Oxus dans le Bundahish (XX, 22, 28), chez les écrivains arméniens et les pèlerins chinois (Garrez, Journal asiatique, 1869, II, 169-198). Mais contre ces inférences dont la seconde seule a une valeur, car l’ordre de succession change à plusieurs reprises (voir l’Introduction au Fargard), s’élèvent des témoignages positifs qui forcent de chercher l’Irân Vêj à l’autre extrémité de l’Iran, à l’ouest. D’après le Bundahish, « l’Irân Vêj est à côté de l’Âdarbaijân » (Aîrân-vêj pun kôstaki Âtûrpâtagân ; XXIX, 12). L’Âdarbaijân étant borné à l’est par la Caspienne et à l’ouest par les régions de la Ranha (voir § 20), la région limitrophe que le Bundahish a en vue ne peut être que la Médie propre qui est au midi, ou le Karabagh qui est au nord. La Médie étant, pour des Mages, le cœur de l’Iran, la dénomination d’Airyanem Vaêjô lui conviendrait parfaitement, n’était que les indications climatériques nous reportent vers le nord : car à la latitude de la Médie les hivers prolongés de l’Airyanem Vaêjô sont inconnus. L’Irân Vêj serait donc la riche plaine située entre l’Aras et le Kur, c’est-à-dire le moderne Karabagh, dont le nom persan ancien est Arrân ÿlji (Yaqout, 17 ; Aboulféda, II, 141). M. Spiegel a déjà rapproché l’Airyanem Vaêjô de l’Arrân (Eranische Alterthumskunde, I, 194, 212), et si cette forme Arrân n’est pas absolument irréprochable au point de vue phonétique, le représentant normal d’Airyana étant Erân, elle n’offre pas de difficulté insurmontable, car l’assimilation de Ary en Arr peut être un fait purement dialectal et propre à la région. Étienne de Byzance cite une région Άριανια, limitrophe du pays des Cadusiens (Άριανια έθνοζ προσεχέζ τοίζ Καδουσίσιζ ; Spiegel, ibid., p. 212) : les Cadusiens appartenant au Gilan, Άριανια peut désigner l’Arrân.
    La beauté et la fertilité du Karabagh, « le jardin noir », sont célèbres dans le Caucase : mais son hiver est des plus longs et des plus rigoureux. Au nôrûz, nous écrit un indigène du Karabagh, Ahmed Bey Agaeff, les champs sont encore sous la neige : la température ne commence à s’adoucir qu’à partir du 15-20 avril, la floraison ne commence que dans les premiers jours de mai. L’été, marqué par la migration des nomades de la plaine dans la montagne, commence vers le 20 juin et termine vers la mi-août : c’est-à-dire que si par été l’on entend la période des grandes chaleurs, qui rendent impossible le séjour de la plaine, il dure deux mois à peine, comme l’été de l’Irân Vêj (§ 4).
    Si l’Iran Yêj est l’Arrân, le Karabagh, la Vańuhi Dâitya sera l’Aras, l’ancien Araxe. La caractéristique de la Dâitya est d’être infestée de reptiles (voir § 3), ce qui est aussi un des traits distinctifs de l’Araxe : voir la note 5. Le fait que le nom de la Vańuhi est appliqué à l’Oxus sous les Sassanides ne prouve point que la Vańuhi Dâitya n’est point l’Araxe : il est possible que l’on considérât comme un seul et même fleuve les deux rivières qui se regardent des deux côtés de la Caspienne : c’est ainsi que sous les Sassanides l’Indus et l’Oxus étaient considérés comme une seule et même rivière (Garrez, l. l., 195) ; la grande branche s’appelait Vańuhi (àp) « la Bonne Rivière » ; la petite branche, sanctifiée par la naissance du Zoroastrisme, aura été appelée « la Vańuhi de la Loi », ce qui est le sens de Vańuhi Dâitya.
  6. 5. azhimea yim raoidhitem, âj-îc rôtîk ; cf. urùdh, traduit rôt, Vd. XIII, 37, 102 ; XV, 6, 18 (urùdh et rôt n’ont point d’ailleurs de parenté étymologique, rôt venant du perse rauta, sscr. srotas). — « De toutes les rivières, dit le Bundahish (XX, 13), le Dàitig est celle qui a le plus de kharfastars, ainsi qu’il est dit : la rivière Dâîtîi, pleine de kharfastars » (zend : * Dâityàm âpem pouru-khrafstràm ?). Les bords de l’Araxe sont encore infestés de serpents (Morier, A second Journey, 250), autant qu’au temps de Pompée à qui ils fermèrent la route d’Albanie en Hyrcanie (Plutarque, Pompée). — frâkerentaإ, opposé à frâthweresem, est le verbe de la création démoniaque (voir vol. I, 97, note 74 ; p. 100, note 19).
  7. 6. Voir la note 4.
  8. →7. 7. Tout ce paragraphe a les allures d’une citation interpolée. Nous l’insérons pourtant dans le texte parce que la traduction pehlvie le traite comme texte.
  9. →8. 8. Le Vendidad Sadé interpole ici les mots suivants : hapta heñti hàminô màoňha, pañca zayana ashkare, où le mot ashkare semble une transcription pazende du pehlvi âshkâr : « on sait (?) qu’il y a [normalement] sept mois d’été et cinq mois d’hiver » : telle est, en effet, la répartition habituelle de l’année (Bund. XXV, 7 ; cf. vol. I, P. 37).
  10. →9. 9. Le Minôkhard, assez maladroitement, entend les deux mois de l’été même : « Le démon de l’hiver règne le plus en maître dans l’Erà-vêj ; et il est dit dans la Loi : Il y a dans l’Erâ-vêj dix mois d’hiver, deux mois d’été, et même ces deux mois d’été sont froids pour l’eau, froids pour la terre, froids pour les plantes ; c’est l’hiver qui est leur fléau (patyâra) et les serpents y abondent ; il n’y a point là d’autre fléau. »
  11. 10. gaom yim Sugkdkô-shayanem : la traduction « plaine » pour gava repose sur la glose pehlvie, citée plus bas, qui le rend par dasht ; il n’y a point de difficulté phonétique contre le rapprochement avec l’allemand gau (primitif *ghava). Cependant la transcription gavai semblerait indiquer que l’on a affaire à un nom propre.

    Sughdha est le perse Suguda, nom de la Sogdiane : mais le mot, comme la plupart des noms perses de pays, désigne primitivement l’habitant : cf. Pârsa, le Perse et le pays perse ; Màda, le Mède et le pays mède, etc. — Le nom Sughdha s’est maintenu dans la littérature pehlvie (Bd. XX, 19), ainsi que chez les géographes arabes, qui désignent par xxx le fleuve et la vallée du Zarafshan. La partie la plus célèbre de cette vallée était dite le Soghâ de Samarqand et faisait l’un des quatre plus beaux sites du monde. Sur une vallée de huit journées de marche ce n’était « qu’un enchevêtrement non interrompu de verdure et de jardins. Ces jardins sont entourés de rivières intarissables ; au delà des jardins, de chaque côté, il y a des champs cultivés, et au delà de ces champs des pâturages pour les troupeaux. C’est de tous les pays que Dieu a donnés à l’homme le plus agréable et celui où les arbres sont le plus beaux » (Géographie d’Aboulféda, tr. Guyard, II, 213). La traduction pehlvie transporte ou semble transporter Sughdha aux bords de l’Euphrate : elle porte : gavai Sûrîk mânishn, ai dashti Sûrîk mânishn « la plaine de Syrie » ; ce que le Grand Bund. interprète Bagdad : « le deuxième [pays] excellent que je créai fut la plaine habitée par les Sùrig, c’est-à-dire Bagdâd (créé par les Dieux : datîgar pahlûm yahbûnt dashti Sùrig mânishn, aîghash Sûrîg patash katarûnand : îl Bakdât, bagàn-dât). N’était la permanence du nom Soghd, on serait tenté de voir dans Sûr-ik une déformation phonétique de Sughdha, et l’origine de Sir dans le nom du grand fleuve sogdien, le Sir Dariâ : l’assimilation à Bagdàd est évidemment une interpolation de copiste, née d’une confusion entre le pays Sûrîk et le Sàristân.