Première livraison
Traduction par Mme Loreau.
Le Tour du mondeVolume 13 (p. 113-128).
Première livraison

Tombes de mistress Livingstone et de Kirkpatrick sous un baobab, à Shoupanga House (voy. p. 119).


LE ZAMBÈSE ET SES AFFLUENTS,


PAR DAVID ET CHARLES LIVINGSTONE[1].


1858-1864. — TRADUCTION INÉDITE. — DESSINS INÉDITS.




Arrivée à la côte. — Le Louavé. — Bouches du Zambèse. — Le Kongoné. — Fertilité du delta. — Colonos. — Chenal profond. — État de guerre. — Atrocités de Mariano. — Rencontre des rebelles. — Combat entre les Portugais et les indigènes. — Mazaro. — Shoupanga. — Landines. — Tribut payé par les Portugais. — Sena et le Senhor Ferrâo. — Présent. — Chasseurs d’hippopotames. — Baobab. — Gorge de Lupata.

Notre nouvelle expédition partit d’Angleterre le 10 mars 1858, sur le steamer colonial la Perle, vaisseau de l’État commandé par le capitaine Duncan.

Après avoir reçu au Cap l’hospitalité la plus généreuse, et avoir pris à bord M. Skead, officier de la marine royale, nous arrivâmes, au mois de mai suivant, sur la côte de Mozambique. La première chose que nous avions à faire était d’explorer le Zambèse, ses embouchures et ses affluents destinés à servir de grandes routes aux missions et au commerce pour pénétrer dans l’intérieur de l’Afrique.

À cinq ou six milles de la plage le vert jaunâtre de la mer fut remplacé tout à coup par une eau bourbeuse et chargée de débris végétaux comme celle d’une rivière débordée.

La côte est marécageuse et couverte de mangliers, parmi, lesquels sont des terrains sablonneux, tapissés d’herbe où l’on voit des plantes grimpantes et des palmiers rabougris. Elle se dirige à peu près de l’est à l’ouest, et ne présente aucun trait notable qui puisse guider le navigateur. Il est très-difficile de découvrir l’embouchure de la rivière ; mais la profondeur diminue graduellement ; chaque brasse qu’on lui trouve de moins, indique environ un mille.

C’est dans le Louavé que nous nous engageons ; d’abord l’entrée en est si calme et si profonde que la Perle, dont le tirant d’eau est de neuf pieds sept pouces, s’y introduit sans être précédée d’un bateau de sondage.

Un petit bateau à vapeur que nous avons apporté d’Angleterre, en trois parties, est débarqué à l’endroit où l’on jette l’ancre ; on le remonte et l’exploration commence. Notre bateau s’appelle le Ma-Robert, en l’honneur de Missis Livingstone, que les indigènes, dont c’est l’usage, ont baptisée ainsi, du nom de son fils aîné.

Le havre est profond, mais enfermé dans des marécages couverts de mangliers. Après avoir remonté sur un espace d’environ soixante-dix milles, nous avons abouti à un marais encombré de roseaux et d’autres plantes aquatiques.

Le Louavé ayant reçu le nom de Louabo occidental, on avait supposé que c’était un bras du Zambèse, dont la branche la plus importante s’appelle Louabo oriental, ou simplement Louabo.

En sortant du Louavé, le Ma-Robert et la Perle se rendirent à une embouchure, qui est bien réellement l’une des issues du fleuve.

Rappelons que le Zambèse se jette dans l’Océan par quatre bouches différentes, à savoir : le Milambé, qui en est le bras le plus occidental, le Kongoné, le Louabo et le Timboué ou Mousélo.

À l’époque ou le fleuve déborde, un canal, de formation naturelle, court parallèlement au rivage, décrit de nombreux détours dans les marais, et fournit une voie secrète dont profitent les négriers pour transporter les esclaves de Quilimané aux baies de Masangano et de Naméara, ou même au Zambèse.

Pendant longtemps on a représenté le Kouakoua ou rivière de Quilimané comme étant la branche principale du Zambèse, dont il se trouve à quelque soixante milles. Ceci avait pour but de tromper la vigilance des croiseurs, de leur faire surveiller cette fausse embouchure, et, pendant ce temps-là, d’embarquer les noirs que l’on expédiait tranquillement par la véritable issue du fleuve. Les Portugais le reconnaissent ; ils le disent, le maintiennent ; et, chose étrange, cette erreur n’en a pas moins été propagée dernièrement par une carte émanée du ministère des colonies du Portugal.

Après l’examen des trois branches du Zambèse par M. Francis Skead, il fut décidé que le Kongoné était la meilleure entrée du fleuve.

La barre est étroite, le passage presque droit, et si on y mettait des balises, si on plaçait un phare sur l’île de la Perle, un steamer n’y aurait rien à craindre.

La barre du Louabo oriental est bonne, mais longue, et ne peut être affrontée que par le vent d’est ou de nord-est. On appelle quelquefois cette rivière Barra Catrina, et c’est elle qu’on employait au transport des esclaves.

Le Kongoné est situé à l’est de la plus occidentale des branches du Zambèse ; il en est à une distance de cinq milles, et à sept milles de Louabo, qui, à son tour, est à cinq milles du Mouseló.

Nous voyons peu d’indigènes. Ceux que nous rencontrons abandonnent leurs canots dès qu’ils nous aperçoivent et se précipitent dans les fourrés de mangliers ; preuve certaine qu’ils ont une opinion peu favorable des blancs. Il est possible que ce soient des esclaves marrons ; dans tous les cas, ils fuient la servitude.

Les buffles et les sangliers à verrues abondent dans les clairières herbeuses, ainsi que les antilopes. Ces dernières sont de trois espèces différentes et d’un abord facile. Habituellement quelques heures de chasse nous procurent de la venaison pour plusieurs jours et pour vingt hommes.

Pendant les premiers vingt milles, le cours est direct et la rivière est profonde. À cette hauteur un petit canal, légèrement tortueux, s’ouvre à droite et nous conduit au grand Zambèse, où nous arrivons après un trajet de cinq milles, pendant lequel nous avons presque effleuré de nos roues l’herbe flottante des rives. Quant au Kongoné, il sort du fleuve à une distance beaucoup plus grande de la mer, ainsi que la branche extérieure ou Doto.

Depuis la côte jusqu’à vingt milles en amont, le Kongoné traverse un fourré inextricable de mangliers ; quelques-uns de ces arbres sont revêtus d’orseille, qui probablement n’a jamais été recueillie. D’énormes fougères, des buissons de palmiers, çà et là quelques dattiers sauvages apparaissent dans la forêt, dont les mangliers sont d’espèces diverses. Les bouquets de fruits de ces palétuviers, à peine mangeables, n’en sont pas moins d’un jaune vif, dont l’éclat forme un heureux contraste avec le vert lustré des feuilles. En certains endroits le milola, un hibiscus, à feuillage ombreux et à grandes fleurs jaunâtres, forme des massifs an bord de l’eau. Son écorce fournit la matière d’excellents cordages ; elle est surtout fort estimée pour les lignes des harpons avec lesquels on pêche l’hippopotame.

Les pandanus, dont les feuilles sont employées dans l’île Maurice à la confection des nasses, qui servent à emballer le sucre, apparaissent également. Il y en a de si élevés, à l’endroit ou le canal débouche dans le Zambèse, que, vus de loin, ils nous rappellent les clochers de la terre natale, et nous font comprendre cette remarque d’un vieux matelot : « Il n’y manque qu’une chose, le cabaret près de l’église. »

Nous apercevons un petit nombre de goyaviers, et quelques citronniers sauvages, dont les indigènes cueillent les fruits.

Perché sur l’une des branches les plus hautes, l’alcyon strié (halcyon striolata) fait retentir les bois obscurs de son chant vif et joyeux. Quand passe le Ma-Robert, un joli petit héron, ou un brillant martin-pêcheur s’élance, tout alarmé, du bord de la rive, fuit devant nous, et va se poser tranquillement à peu de distance pour s’effrayer de nouveau une minute après et se sauver encore à notre approche.

Un aigle-pêcheur, l’halietus vocifer, posé à la cime d’un manglier, digère le poisson, dont il a fait son repas du matin, et paraît bien résolu à ne pas quitter la place, à moins que l’imminence du péril ne le force à déployer ses ailes.

L’ibis au plumage lustre, à l’oreille d’une finesse



remarquable, entend de loin le bruit insolite de nos roues ;

il sort de la vase où il festinait paisiblement avec sa famille, jette son cri de défi, un ha ! ha ! ha ! sonore et dur, et prend son vol longtemps avant que le danger ne soit à craindre.

Aux mangliers, qui sont maintenant derrière nous, succèdent de vastes plaines, d’un sol riche et brun, couvert d’une herbe géante, qui s’élève au-dessus de nos têtes, et rend la chasse impossible. Elle commence à pousser en juillet ; quand elle est sèche, elle est brûlée par les indigènes. Il en résulte que les arbres sont rares dans ces plaines herbues ; les essences les plus dures, telles que le borassus et le gaïac, peuvent seules résister à la mer de feu qui rugit annuellement dans ces terrains incendiés.

Plusieurs cases d’indigènes se montrent au milieu des bananiers et des cocotiers de la rive droite. Elles sont bâties sur des piles qui les élèvent à quelques pieds de la terre humide : on y entre au moyen d’une échelle.

Le sol est d’une fécondité merveilleuse, et les jardins présentent une végétation admirable. On y cultive des patates, des citrouilles, des tomates, des choux, des échalotes, du riz en grande quantité, un peu de coton, et même la canne à sucre.

Cette région fertile, qui s’étend du canal du Kongoné jusqu’au delà de Mazaro, et dont la longueur est d’environ quatre-vingts milles sur cinquante de large, convient admirablement dans son entier à la culture de la canne ; elle approvisionnerait de sucre toute l’Europe, si elle était possédée par les colons du Cap.


Pandanus ou Screw palm couvert de plantes grimpantes, près du Kongoné (canal du zambèse).

Les habitants, dont le petit nombre est remarquable, paraissent assez bien nourris ; mais il y a chez eux une pénurie de vêtements qui fait trembler. Ils ont la peau noire ; ils sont presque tous colonos, C’est-à-dire serfs portugais. Notre présence ne leur inspire aucune frayeur. Loin de prendre la fuite, ils se groupent sur la rive et regardent les steamers avec étonnement, surtout la Perle, dont nous sommes toujours accompagnés. Un vieillard, qui monte à bord de ce vaisseau, n’a jamais vu d’embarcation pareille. « C’est, dit-il, comme un village, » et il demande si cet énorme canot est tiré d’un seul arbre.

Tous ces indigènes sont passionnés pour le commerce ; ils se rendent immédiatement près de nous dans leurs canots légers et rapides, et nous offrent toutes les denrées qu’ils possèdent. Quelques-uns apportent de la cire et du miel qui abondent dans les forêts de mangliers. Au moment où nous nous éloignons, beaucoup de ces vendeurs intrépides courent sur la rive, et nous tendent des volailles, des corbeilles de riz et de farine, en criant : Malonda, malonda ! (chose à vendre), tandis que les autres nous suivent dans leurs canots qu’ils font nager avec une extrême vitesse, au moyen de courtes pagayes à large pelle.

Le quonété du Zambèse, ainsi que les canotiers du pays nomment le chenal de ce grand fleuve, est sinueux et fort étroit, comparativement à la largeur de la nappe d’eau.

Arrivée près de l’île de Simbo, où le Zambèse projette à droite la branche qu’on appelle Doto, et qui


Baie de l’embouchure du Mouton (Mazaro) (voy. page 118). — Dessin de A. de Bar d’après le Dr Livingstone.

va rejoindre le Kongoné, tandis que le Chindé part de

la gauche du fleuve pour se rendre au canal secret dont il a été question, la Perle ne trouvant plus une quantité d’eau suffisante, débarque les objets qui appartenaient à l’expédition, et les dépose dans l’une des îles couvertes d’herbe qui se trouvent à peu près à quarante milles de la barre. Il fallut nous séparer de nos amis Duncan et Skead, et nous leur fîmes nos adieux. Le premier nous quittait pour se rendre à Ceylan ; le second pour retourner au Cap.

Quelques-uns d’entre nous séjournèrent dans l’île de l’Expédition, depuis le 18 juin, jusqu’au 13 août, tandis que le Ma-Robert et le canot remontaient le Zambèse pour transporter la cargaison à Shoupanga et à Sena.

En arrivant à Mazaro, embouchure d’une crique étroite qui pendant les inondations communique avec la rivière Quilimané, nous trouvâmes que les Portugais étaient en guerre avec un certain Mariano, métis qui les avait presque toujours bravés, et qui possédait tout le pays à partir de Mazaro jusqu’à l’embouchure du Chiré, ou il avait construit une estacade.

Plus connu sous le nom de Matakénya que lui donnaient les indigènes et qui signifie tremblant ou frémissant comme font les arbres pendant l’orage, Mariano était un chasseur d’esclaves, et entretenait un corps de mousquetaires. Comme tous les Portugais de cette région, il envoyait ses bandes armées faire des razzias d’esclaves chez les tribus inoffensives du nord-est, et conduisait ses malheureuses victimes à Quilimané, où elles étaient vendues par Cruz Coimbra, son beau-frère, et embarquées pour l’île Bourbon en qualité de « libres » émigrants.

Tant que ses rapines et ses meurtres ne frappèrent que les indigènes des provinces lointaines, les autorités portugaises ne s’en mêlèrent pas. Mais accoutumés au pillage et à l’odeur du sang, ses chasseurs d’esclaves commencèrent à exercer leurs violences sur tous les gens qu’ils avaient sous la main, bien que ces gens-là fussent aux Portugais, et finirent par attaquer les habitants de Sena, jusque sous les canons du fort.

Les atrocités de ce scélérat, qualifié à juste titre de bandit et d’assassin par le gouverneur de Quilimané, étaient devenues intolérables, et chacun parlait de Mariano comme d’un monstre d’inhumanité. D’où vient que les métis sont beaucoup plus cruels que les Portugais ? C’est inexplicable ; mais le fait est certain.

La guerre fut déclarée à Mariano ; et des troupes furent envoyées contre lui avec mission de s’emparer de sa personne. Il résista d’abord, puis craignant une défaite, qui était probable, sachant, d’autre part, que les autorités portugaises sont peu rétribuées, il pensa qu’elles étaient disposées à entendre raison, et partit pour Quilimané afin, disait-il, « de s’arranger avec le gouverneur. » Mais le colonel da Silva le fit saisir, et l’envoya à Mozambique pour y être jugé.

À notre arrivée au Zambèse, les gens de Mariano étaient commandés par le frère de celui-ci, un nommé Bonga, et les hostilités continuaient. Cette guerre, qui durait depuis six mois, avait suspendu toute espèce de commerce. Ce fut le 15 juin que nous nous trouvâmes en contact avec les rebelles. Ils formaient une troupe bien armée, vêtue de la manière la plus fantastique. Pour le moment ils étaient groupés sous les arbres de Mazaro.

Nous leur expliquâmes que nous étions Anglais ; sur ce, quelques-uns vinrent à bord, en criant à leurs camarades de déposer les armes. Débarqués parmi eux nous vîmes sur la poitrine d’un grand nombre l’empreinte du fer rouge qui les avait marqués comme esclaves. Mais ils connaissaient l’opinion du peuple anglais relativement à l’esclavage et approuvaient chaudement le but de notre expédition. Des cris joyeux, bien différents des questions soupçonneuses qu’on nous avait adressées d’abord, saluèrent notre départ ; désormais nous fûmes regardés comme amis dans les deux camps.

Il y eut un engagement quelque temps après ; nous abattions du bois à un mille à peine de la scène du combat ; mais un épais brouillard nous empêcha d’entendre le bruit de la fusillade. Arrivés sur le théâtre de l’action, nous vîmes une foule d’indigènes et beaucoup de Portugais. Le docteur Livingstone aborda, pour saluer d’anciens amis qu’il apercevait parmi ces derniers ; l’odeur du sang le frappa tout à coup, et il se trouva au milieu des morts. On lui demanda de prendre avec lui le gouverneur qui était fort malade de la fièvre et de l’emmener à Shoupanga.

Le gouverneur arriva à Shoupanga dans un état d’affaissement complet. Disciple de Raspail, il n’avait combattu la fièvre qu’au moyen d’un peu de camphre, et n’avait pu s’en délivrer. On le soumit à des remèdes plus actifs, et il ne tarda pas à guérir, en dépit de lui-même.

La gravure de la page 117 représente le théâtre du combat ; elle offre un certain intérêt, en ce sens que la baie où l’on voit un vieux canot, jeté sur le flanc, est l’embouchure du Mouton qui fut donné en 1861 sur une carte portugaise, publiée par le ministère de la marine, comme étant la voie que prenait le cours principal du Zambèse pour se rendre à Quilimané. Or le Zambèse a ici une largeur d’un mille (plus de seize cents mètres), et le Mouton n’a guère que vingt-cinq ou trente pieds de large. C’est en réalité une crique, dont le lit est plein d’herbes, et qui se trouve à six pieds, peut-être davantage, au-dessus du niveau du fleuve. Le bord de cette crique, celui qui porte à droite de la gravure, et dont la pente va rejoindre un cadavre, peut indiquer les points successifs qu’atteint le Zambèse depuis le mois de mars jusqu’en juin, où l’inondation est à sa hauteur moyenne.

À partir de la forêt de mangliers, jusqu’à Mazaro, sur une étendue de soixante à soixante-dix milles, on ne voit des deux côtés, à perte de vue, que de grandes plaines couvertes d’herbe, une solitude affreuse, pas d’habitations, quelques arbres seulement ; çà et là, la cime verte et ronde du palmier.

En approchant de Mazaro, le paysage s’améliore ; on aperçoit à gauche la crête boisée de Shoupanga ; des montagnes bleues se dessinent vaguement à l’horizon.

Jusqu’ici, pas le moindre commerce sur le Zambèse ; toutes les marchandises de Sena et de Têté arrivent à Mazaro dans de grandes pirogues ; elles sont ensuite portées à travers champs sur la tête des hommes, à une distance de six milles, puis réembarquées sur un petit cours d’eau qui se jette dans le Kouakoua, ou rivière de Quilimané tout à fait distincte du Zambèse. Ce n’est que bien rarement, lors des plus grandes inondations, que les bateaux peuvent aller de ce fleuve au Kouakoua, par le Mouton.

Les habitants de Marourou, c’est-à-dire de la contrée qui entoure Mazaro[2], ont un mauvais renom parmi les Portugais. Ils passent pour être d’habiles voleurs ; et les trafiquants ont parfois à se plaindre de leur adresse pendant le trajet d’une rivière à l’autre. Presque tous mariniers, ce sont eux qui conduisent la plupart des embarcations qui se rendent de Mazaro à Sena et à Têté. Ils ne reçoivent pour cela qu’un très-maigre salaire, et ne se fiant pas à ceux qui les emploient, ils ne partent jamais sans se faire payer d’avance. Les Africains étant disposés, du reste, comme les blancs, à motiver leur conduite par des raisons plausibles, il est probable que ceux de Marourou justifient cette exigence par ces mots de la barcarolle qu’ils chantent en ramant : Ouachingue, ouachingue kale. « Il y a longtemps que vous me trompez, » ou bien : « tu es peu sûr, peu sûr en vérité. »

Les Landines (Cafres-Zoulous) se regardent comme les seigneurs de la rive droite du fleuve, et les Portugais, en payant à cette peuplade guerrière un tribut assez lourd, reconnaissent le fait. Chaque année, régulièrement, les Landines arrivent en force à Shoupanga et à Sena pour toucher la rente habituelle, Les riches trafiquants, dont le nombre est peu considérable, gémissent de ce fardeau qui retombe principalement sur eux, et n’en donnent pas moins à ces Zoulous deux cents pièces d’étoffe de soixante yards chacune, sans parler du fil de laiton et de la verroterie, sachant bien que la guerre sortirait de leur refus, et qu’ils y perdraient davantage sinon tout leur avoir.

Les Landines paraissent surveiller les habitants de Sena et de Shoupanga, d’aussi près que jamais seigneur inspecta ses tenanciers. Plus les cultures s’étendent, et plus le tribut augmente. Lorsque nous demandions aux propriétaires pourquoi ils ne faisaient pas venir tel ou tel produit qui eût été d’un grand rapport, ils nous répondaient : « À quoi bon ? Cela ne servirait qu’aux Landines qui nous exploiteraient davantage. »

Le makoundoun-koundou abonde dans les forêts de Shoupanga. Son bois, d’un jaune brillant, fait de bons mâts pour les bateaux, et renferme un principe amer qui est fébrifuge. Le gounda, arbre des mêmes forêts, atteint des proportions énormes. Il est d’un bois très-dur, a les fibres irrégulières enchevêtrées et contient des masses de silice dans le tissu ligneux ; on en fait de grands canots du port, de trois ou quatre tonnes. L’autorisation de couper ces arbres était payée annuellement aux Zoulous, en 1858, deux cents dollars par un négociant de Quilimané ; son successeur en donne aujourd’hui trois cents.

Il existe à Shoupanga une maison de pierre à un étage ; elle donne sur le fleuve, et la situation en est merveilleuse. Devant la façade, un gazon en pente douce, ayant au midi un beau verger de mangliers, nous conduit au Zambèse, dont les îles d’émeraudes reposent sur les eaux tranquilles, inondées de soleil. Au nord, sont de vastes cultures ; puis des forêts de palmiers et d’autres arbres des tropiques ; la montagne massive de Morumbala, qui s’élève au milieu des nuages blancs, et tout au loin d’autres montagnes apparaissent dans l’horizon bleu.’De tristes souvenirs rattachent cette demeure, si admirablement située, à l’histoire de deux expéditions anglaises. C’est là que le compagnon du capitaine Owen, le pauvre Kirkpatrick, mourut de la fièvre en 1826 ; et que la femme bien-aimée du docteur Livingstone expira en 1862, emportée par cette même maladie. Ils sont enterrés tous les deux sous un grand baobab, à cent pas de la maison du côté du levant, bien loin du pays qui les a vus naître (voyez page 113).

Pendant le séjour qu’il fit à la maison de Shoupanga, séjour qui dura plusieurs semaines, le docteur Kirk[3] explora un petit lac, situé à vingt milles au sud-ouest.

Nous chauffions ici notre machine avec de l’ébène et du gaïac ; ce dernier arbre atteint des proportions volumineuses, quelquefois quatre pieds de diamètre ; notre mécanicien, qui savait à quel prix l’ébène et le gaïac se vendent en Angleterre, prétendait que cela lui faisait mal au cœur de brûler du bois si précieux. Bien que d’espèce différente au point de vue botanique, ces deux essences ont beaucoup de rapports entre elles. Dans certaines parties, l’ébène est plus beau, et le gaïac d’une qualité inférieure à ceux qu’on apporte en Europe. Le caoutchouc abonde derrière la maison de Shoupanga, et la racine de colombo est très-commune dans le district. L’indigo se propage de lui-même au bord du fleuve, où il pousse abondamment ; il est probable qu’on le cultivait autrefois, car de l’indigo manufacturé a été jadis exporté de cette région.

On fait ici des balles en caoutchouc dont on se sert pour un jeu qui ressemble aux fèves. La racine de colombo est employée comme mordant pour fixer diverses couleurs ; elle ne l’est pas comme bois de teinture.

Nous partîmes le 17 août 1858 pour nous rendre a Têté. De Shoupanga à Sena, le Zambèse est très-large et plein d’îles, ce qui rend la navigation peu commode.

Le fourneau mal établi de notre steamer consumait une quantité de bois effrayante. Nous commencions à chauffer à deux heures du matin, et il était rare que nous pussions marcher avant six heures. L’abatage du bois nous faisait perdre en outre beaucoup de temps. Les grands canots du pays, si chargés qu’ils fussent, allaient presque aussi vite que nous ; les petites embarcations nous avaient bientôt laissés en arrière, et leurs pagayeurs, se retournant d’un air étonné, prenaient en pitié notre souffleur asthmatique, ainsi qu’ils l’appelaient eux-mêmes. Pour nous, la vapeur était loin d’épargner du travail ; des bateaux ordinaires, même des pirogues, nous auraient rendu le même service, avec moins de peine et à moitié moins de frais.

Nous débarquâmes à Shamo pour prendre du bois, juste au-dessous du confluent du Chiré. Les montagnes de quartz y sont couvertes d’arbres et revêtues d’une herbe gigantesque. Le bouazé, petit arbre fruitier, de l’espèce des polygalas, y croît abondamment. Ses beaux épis, de fleurs rosées, répandent dans l’air un parfum délicieux. On tire de sa semence une très-bonne huile siccative, et de l’écorce de ses brindilles une filasse qui est plus belle et plus forte que celle du lin ; les indigènes en fabriquent leurs filets de pêche.

La guerre n’était pas encore terminée ; Bonga, le frère de Mariano, et le chef des rebelles, vint à notre rencontre. Il nous traita parfaitement, bien qu’il sût que nous avions emmené le gouverneur et que nous l’avions guéri de sa fièvre. Instruit de l’objet de notre voyage, il nous assura que nous n’éprouverions aucun obstacle de la part de sa bande ; il nous envoya du riz, deux moutons, une quantité de bois, dont il nous faisait cadeau.

Incapables de remonter avec le Ma-Robert jusqu’à Sena, qui est au bord d’un canal peu profond, nous, jetâmes l’ancre à Nyarouka, petit hameau d’indigènes situé plus bas, à une distance de six milles, et d’où nous partîmes le lendemain de bonne heure.

L’étroit sentier que nous suivions à la file les uns des autres passe au milieu des jardins et traverse de petits bois dont les arbres les plus élevés sont des acacias épineux. Le temps était couvert, la température d’une fraîcheur agréable, et les petits oiseaux, dans la joie de leurs cœurs, s’envoyaient des chants mélodieux qui ne le cédaient en rien à ceux des oiseaux de notre pays, mais qui semblaient appartenir à une langue étrangère.

Nous rencontrâmes sur la route beaucoup d’indigènes ; la plupart des hommes étaient armés de lances, d’arcs et de flèches ou d’anciens mousquets. Les femmes portaient des houes à manche court, et allaient travailler dans les jardins. Tous se dérangeaient pour nous laisser passer, et nous saluaient avec politesse, les hommes en s’inclinant et en se frictionnant, les femmes en nous faisant la révérence, même celles qui avaient de lourds fardeaux sur la tête. Rien de singulier comme une révérence faite par des jambes nues : c’est ébouriffant.

Située à la droite du Zambèse, Sena est construite sur une plaine basse, ayant dans le fond de charmantes collines détachées. Elle est entourée d’une estacade d’arbres vifs, qui la protége contre ses turbulents voisins. On y trouve quelques grandes maisons, les ruines de plusieurs autres, et une croix, outragée par le temps, qui indique la place où il y avait une église. Un monticule annonce l’endroit où s’élevait un monastère ; le fort qu’on voit auprès du fleuve est tellement délabré, que les vaches paissent tranquillement sur l’éboulis de ses murailles.

Il n’y a pour ainsi dire point de commerce dans la ville ; les quelques marchands de Sena envoient dans l’intérieur des esclaves de confiance pour y chasser l’éléphant et y acheter de l’ivoire. C’est un endroit peu animé qui vous conduit rapidement au sommeil. On est sûr d’y gagner la fièvre le lendemain, si par hasard on y a échappé le premier jour.

Mais il n’est rien de si mauvais qui n’ait son bon côté ; Sena, comme le reste, a son dédommagement : c’est le lieu natal du senhor Ferrâo, cet homme d’un si grand cœur, d’une hospitalité si large, d’une bienveillance et d’une générosité sans borne.

Le pauvre noir des provinces lointaines, qui traverse la ville, se rend tout droit chez lui, et n’en sort jamais sans avoir été rassasié. Quand la récolte manque, c’est le senhor Ferrâo qui nourrit les indigènes. Il y a des centaines de ses propres serviteurs qu’il ne voit jamais qu’en pareille occasion ; le seul bénéfice qu’il en tire est d’être leur chef patriarcal, d’apaiser leurs différends, de venir à leur secours, et de leur sauver la vie quand la sécheresse a produit la famine.

Son père, homme d’une capacité rare, était gouverneur de Sena, et possédait vers le sud un immense territoire, d’une extrême fertilité, qu’on appelle Chiringoma. Il l’avait acquis de la façon la plus honorable ; mais le gouvernement ordonna que ce territoire fût divisé et réparti entre des émigrants, à titre de libres concessions, ne réservant qu’un terrain de deux lieues pour le fils du propriétaire, et disant pour justifier ce vol, « qu’il ne convenait pas qu’un sujet eût des possessions plus étendues que la couronne de Portugal. » Peu de temps après arrivèrent les Landines qui s’emparèrent de la totalité ; les spoliateurs furent ainsi spoliés à leur tour.

Le senhor Ferrâo nous offrit un déjeuner copieux. Les notables de l’endroit vinrent nous voir dans la journée et furent unanimes sur ce point que les indigènes cultiveraient le coton sur une grande échelle s’ils trouvaient des acheteurs. Il en ont exporté jadis à Manica, même au Brésil, tant comme matière première que sous forme de tissus. « Quand la terre leur appartient, nous dirent ces hommes dignes de foi, les indigènes se livrent volontiers à l’agriculture et au commerce. Lorsqu’il y va de leur intérêt, les noirs sont de très-rudes travailleurs. »

Nous avons remarqué plus tard que cette opinion était celle de tous les hommes énergiques, de tous les settlers[4] qui avaient de l’activité, de l’initiative, de la conduite, de bonnes affaires ; tandis que ceux qui restaient sur le dos, à fumer et à boire, étaient pauvres, orgueilleux, méprisables et se plaignaient invariablement de la paresse des nègres.


Danse des Landines ou Caffres-Zoulous, à Shoupanga. — Dessin de Émile Bayard d’après le Dr Livingstone.

Le major Tito d’A. Sicard, autre Portugais des plus honorables, que nous vîmes chez le senhor Ferrâo, exprima au docteur Livingstone le désir qu’il avait de l’assister dans son entreprise ; il lui promit de faire transporter à Têté les bagages de l’expédition, aussitôt que la paix serait rétablie ; ce qu’il fit généreusement dès que la guerre eut cessé.

En revenant à Nyarouka nous entendîmes un oiseau qui avait le chant du rossignol et jetait ses notes brillantes dans l’air calme du soir.

Une chaîne pittoresque de hautes montagnes commence sur la rive gauche du Zambèse, en face de Sena, et court vers le nord presque parallèlement au fleuve.

À quelques milles en amont de Sena, se trouve l’île de Pita, dont la nombreuse population composée d’indigènes, paraît vivre dans l’abondance. Un métis portugais vint nous faire une visite ; il se disait chef de l’île, et nous apportait quelques épis de maïs verts, qu’il nous donnait comme segouati. Ce genre de présent, de nature exceptionnelle, consiste en une chose insignifiante que l’on offre pour avoir en retour un objet d’une valeur plus considérable. Quand un indigène qui sait compter a quelque poule maigre et coriace, ou quelques épis de maïs, articles dont la valeur ne saurait être cotée, puisque la douzaine des plus belles volailles se vend ici deux yards de calicot, là trois pences le yard (trente centimes), et qu’on a une corbeille de maïs pour moitié de cette quantité d’étoffe, cet indigène habile transforme son affreux poulet en segouati ; il vous l’apporte avec une effusion de gratitude pour ce qu’il espère vous soutirer en échange et s’en va mécontent s’il n’a pas reçu au moins le double de son offrande. Nous fûmes bientôt dégoûtés de ce genre de cadeaux ; mais nous avions beau dire à notre homme : « Vendez-nous cela, nous vous le payerons, » il nous répondait invariablement : « Oh ! non, monsieur ; ce n’est pas à vendre ; c’est un segouati. » La chose étant considérée comme une politesse de la part du donateur, nous acceptions cet hommage onéreux toutes les fois qu’il nous était adressé par un chef ; mais nous le refusions toujours quand il venait d’un homme ordinaire.


Instrument pour harponner l’hippopotame.


Au-dessus de Pita, se rencontre un îlot qu’on appelle Nyamotobsi ; lors de notre passage il s’y trouvait une petite tribu de chasseurs d’hippopotames, originaires d’une île voisine d’où la guerre les avait expulsés. Ils travaillaient tous avec ardeur ; quelques-uns d’entre eux faisaient d’énormes paniers destinés à renfermer le grain, et dans lesquels se tenait l’ouvrier qui les fabriquait. Avec la politesse si commune parmi les Africains, le chef ordonna d’étendre une natte pour nous protéger contre le soleil, et nous fit voir l’arme qu’il employait pour tuer l’hippopotame. C’est un harpon en fer, de peu de longueur, inséré au bout d’une longue perche ; une corde solide de milola le retient fortement et s’enroule autour de cette hampe à l’autre bout de laquelle elle est fixée. Deux chasseurs prennent un léger canot et s’approchent tout doucement de l’animal endormi. Celui qui est à l’avant de la pirogue lance le harpon tandis que l’autre fait reculer rapidement l’esquif au moyen de sa large pagaie. La force du coup détache le harpon du manche entouré de corde ; ce dernier, auquel parfois on joint une vessie, remonte à la surface de l’eau et indique où est l’animal blessé. Il ne reste plus qu’à expédier la bête qui est sous l’eau, mais dont on connaît la retraite.

Ces chasseurs d’hippopotames vivent entre eux,’et forment, sous le nom d’Akomboni ou de Mapodzo, une tribu particulière dont les hommes s’allient rarement avec les peuplades voisines, jamais les femmes, à ce que l’on assure. Il est probable que cette particularité vient de ce que plusieurs tribus des bords du Zambèse ont la même horreur pour l’hippopotame que les Mahométans pour la viande de porc. Notre pilote, John Scisson, qui appartenait à l’une de ces tribus, n’aurait pas même voulu se servir d’une marmite où l’on aurait fait cuire de cette chair réprouvée ; il aimait mieux supporter la faim jusqu’à ce qu’il pût en trouver une autre ; cependant il se livrait avec ardeur au commerce des défenses de la bête.

Il arrive souvent à ces chasseurs d’hippopotames de réunir leurs familles, leurs marmites, les nattes qui leur servent de couchette, de mettre tout cela dans leurs canots, et de partir pour une longue expédition. Arrivés dans un endroit où abonde le gibier, ils se bâtissent des cabanes sur la rive, et y font sécher la viande qu’ils ont prise.

C’est une belle race, à peau fine, et très-noire, qui ne se défigure jamais par les effroyables ornements que l’on voit chez d’autres peuplades.

Malgré nos instances le chef refusa de nous vendre un de ses harpons, la guerre avec Mariano lui interdisant l’accès de la rive où il se procurait de l’écorce de milola.

Au mois d’août, la chaleur croît d’une manière constante et les matinées brumeuses deviennent rares. Une forte brise, se terminant par un coup de vent,


Le Ma-Robert sur le Zambèse au-dessus de Sena. — Vue lointaine de la montagne Kevramisa, en forme de selle. — Dessin de A. de Bar d’après le Dr Livingstone.

remonte chaque nuit le Zambèse. Il y a quelques semaines,

elle se levait dans l’après-midi ; puis elle est venue plus tard ; maintenant c’est vers minuit qu’elle arrive. Elle est si violente qu’elle ouvre brusquement la porte de nos cabines ; mais elle est de courte durée, et bientôt un calme plat lui succède.

Le gibier devient plus abondant ; lorsque nous allons chercher du bois nous voyons des troupes de zèbres, de dauws, d’antilopes à pieds noirs ou pallahs, et de cochons sauvages.

Sur la rive droite, un village appelé Shiramba Dunbé, est complétement désert ; quelques vieux fusils indiquent la place où jadis s’élevait une estacade. Un peu plus haut, nous voyons près du fleuve, un magnifique baobab, où l’on a taillé une caverne de la dimension d’une grande case, et qui s’est revêtu d’écorce à l’intérieur, aussi bien qu’au dehors.

Les portions du Zambèse appelées Chigogo et Chipanga traversent des plaines marécageuses où l’on aperçoit accidentellement quelques bouquets de palmiers, et un petit nombre d’acacias épineux. Le fleuve, en cet endroit, a une expansion de trois à quatre milles de large, d’où surgissent une quantité d’îles, parmi lesquelles il est difficile de naviguer ; difficulté qui cesse à l’époque des débordements.

En face de nous une chaîne de hautes montagnes venant du nord-est rejoint le lit du fleuve ; elle le traverse, et le comprime entre les murailles d’une passe étroite qu’on appelle la gorge de Lupata. Les canots pesamment chargés mettent deux jours à franchir cette gorge. Un courant circule autour des petits promontoires rocheux de Kangomba et de Chifoura ; il en résulte des remous et des tourbillons qui mettent en péril les embarcations indigènes ; on les aide à se tirer de ce mauvais pas en les hâlant avec de longues cordes.

Les rameurs déposent de la farine sur ces rochers, afin d’apaiser par cette offrande les dieux turbulents qui président à ces écueils où bon nombre de canots ont péri. On nous dit tout bas que les Portugais nés dans cette région, ôtent leurs chapeaux à ces divinités du fleuve, et gardent un silence solennel quand ils passent dans ces lieux. Parvenus sains et saufs de l’autre côté des promontoires, ils déchargent leurs mousquets, et donnent la goutte à leurs rameurs ; c’est aussi ce que nous faisons nous-mêmes.

À en juger par les traces de buffles et d’éléphants que nous voyons, ces animaux doivent se trouver en grand nombre à Lupata, et la mouche tsétsé y est commune (voy. p. 60) ; nous avons souvent remarqué cette coïncidence.

Les courants sont plus forts en amont de Lupata qu’en aval de cette gorge ; le pays devient montagneux, est plus pittoresque, et renferme plus d’habitants.

À quelques milles de Têté s’élevaient, il y a quelques années, des maisons de pierre assez nombreuses qui ont été détruites par les indigènes et dont on ne voit plus que les ruines. Au moment où nous approchons de la ville, une foule considérable presqu’entièrement composée de noirs, apparaît sur la berge ; elle regarde notre steamer d’un air ébahi. Ceux qui occupent les premières places expliquent aux autres comment nous avançons et cherchent à le faire comprendre en imitant le mouvement des roues avec leurs bras.


Rencontre des Makololos. — Superstitions relatives au manguier et au café. — Esclavage volontaire. — Passion des indigènes pour le commerce. — Pratique de la médecine. — Docteurs-ès-élóphants, ès-crocodiles. — Docteurs consultant les dés. — Sena et l’indigo. — Mines d’or, de fer et de charbon. — Rapides de Kébrabasa. — La rivière Louia. — Cataracte de Moroumboua. — Examen et relevé de Kébrabasa.

L’ancre fut jetée dans le Zambèse à la hauteur de Têté, le 8 septembre 1858, et le docteur Livingstone descendit dans le canot pour se rendre à terre. À peine fut-il reconnu par ses anciens compagnons, les Makololos, que ces derniers coururent à sa rencontre et manifestèrent la joie la plus vive. Quelques-uns s’élançaient pour l’embrasser, mais les autres leur criaient : « Ne le touchez pas, vous gâteriez ses habits neufs ! »

L’hôtel du gouvernement fut mis à notre disposition avec beaucoup d’obligeance par le major Tito d’A. Sicard. C’est une maison de pierre, à un étage, couverte de chaume, ayant pour croisées des stores de calicot, et pour plancher de la terre battue.

Les Makololos y transportèrent nos bagages, et Singéléka, le ménestrel de la bande, suivit les porteurs en agitant les clochettes du pays natal, et en chantant des couplets énergiques, improvisés pour la circonstance.

Le village de Têté a pour assise un coteau de grès, situé sur la rive droite du Zambèse, dont la largeur est ici de neuf cent soixante yards (près de neuf cents mètres). Des ravins peu profonds, suivant une ligne parallèle à celle du fleuve, sillonnent le coteau et forment les rues de la ville ; car c’est à la crête de ces plis de terrain que les maisons sont construites. À l’exception d’un étroit sentier, la surface de ces rues, lorsque nous arrivâmes, était complétement envahie par l’indigo ; on aurait pu en recueillir des tonnes. Le fait est que l’indigo, le séné, le datura stramonium, et une espèce de casse, sont les mauvaises herbes de l’endroit ; il faut les arracher et les brûler tous les ans pour nettoyer le sol qu’on veut mettre en culture.

Une muraille de pierre et de boue entoure la ville, qui n’est habitée que par la colonie ; c’est à l’extérieur que vivent les indigènes. Le fort et l’église, situés près du fleuve, servent tous deux à la défense des habitants.

La population blanche est restreinte, et l’on peut dire choisie ; car la plupart de ceux qui la composent sont ici en vertu d’un jugement qui les a chassés du Portugal, au grand avantage de leurs concitoyens. L’élément militaire y prédomine ; les convicts et les soldats classés sous le nom d’incorrigibles, ont une solde très-faible, et tirent leurs principales ressources des produits que leurs noires épouses obtiennent de leurs jardins.

Le serpent est ici l’objet d’un culte ; d’horribles images de ce reptile sont attachées dans les cases où il y a des malades.


Exercices guerriers des Landines, à Sena. — Dessin de Émile Bayard d’après le Dr Livingstone.

Ceux des Africains dont l’intelligence est pure de toutes ces sottises croient à un Être suprême qui a créé toute chose, qui habite au-dessus des arbres et qu’ils appellent Moroungo ; mais ils ne l’invoquent jamais, ne savent rien des relations qu’ils ont avec ce grand Esprit, ni de l’intérêt que celui-ci porte aux hommes. Suivant eux, les esprits de leurs ancêtres sont tous bons, et, en certaines circonstances, les secondent dans leurs entreprises. Quand un homme s’est coupé les cheveux, il a soin de les brûler ou de les enterrer secrètement, de peur qu’un sorcier ou un individu qui a le mauvais œil ne vienne à s’en emparer et ne s’en serve pour l’affliger de maux de tête. Ils croient à la vie future.

Le manguier croît d’une manière luxuriante au-dessus de Lupata, et fournit une ombre épaisse ; son fruit délicieux, meilleur en cet endroit que sur la côte, nourrit pendant une partie de l’été les indigènes qui en prennent soin. Comme parmi ces arbres les uns donnent en novembre et d’autres en mars, tandis que la force de la production est entre ces deux époques, on a des mangues en abondance pendant quatre mois de l’année ; les indigènes les aiment beaucoup ; malgré cela, rien ne peut les décider à planter un manguier. Ils sont intimement convaincus que celui qui fait venir un de ces arbres ne tarde pas à mourir.

Une autre superstition, répandue même parmi les Portugais, originaires de Têté, veut que celui qui plante un caféier n’ait plus de bonheur à espérer en ce monde ; ils prennent cependant du café, et n’en paraissent que plus heureux.

Les Portugais ont un grand nombre d’esclaves, qui tous ont les vices ordinaires de leur caste et qui sont menteurs, voleurs et dissolus.

Parfois des noirs, réduits à la misère, sacrifient volontairement leur qualité d’hommes libres et deviennent esclaves sans autre cérémonie que de rompre une lance devant celui qu’ils prennent pour maître.

Les officiers et les marchands envoient des bandes d’esclaves, sous la conduite d’un homme sûr, pour chasser l’éléphant et acheter de l’ivoire ; ils leur donnent une certaine quantité de verroterie, de calicot, etc., dont le prix doit être représenté par un certain nombre de défenses.

C’est une bonne fortune pour les chasseurs quand l’animal est tué près d’un village ; ils y trouvent non-seulement à échanger la viande de la bête contre de la bière et de la farine, mais encore à faire emplette d’ivoire, ce qui est une occasion de dépenser beaucoup de temps, de boisson et de paroles.

On nous répète ici que la plupart des Africains ont la passion du commerce ; ils s’y livrent avec ardeur, et plutôt par amour de la chose que pour le profit qu’ils en retirent. Un négociant nous disait que les indigènes lui apportaient souvent une défense, qu’ils réfléchissaient au prix qui leur était offert, voulaient davantage, débattaient le marché, se retiraient à l’écart pour se demander conseil, et partaient sans rien conclure. Le lendemain ils allaient chez un autre, faisaient leurs conditions, réfléchissaient, parlaient, se consultaient, ne finissaient rien, et continuaient ce manége sans plus de résultat, jusqu’au moment où, n’ayant plus personne à voir, ils cédaient la précieuse défense pour un prix souvent moins élevé que celui qu’ils en avaient trouvé d’abord. Ce qui les pousse à faire traîner l’affaire en longueur, c’est l’importance que leur donnent à leurs propres yeux les cajoleries des négociants qui les flattent pour les persuader.

La médecine est exercée dans le pays sur une assez grande échelle. Indépendamment des praticiens réguliers, qui ont de l’expérience, connaissent l’effet de certains médicaments, et rendent des services réels, il y a les spécialistes ; par exemple les docteurs ès-éléphants, qui préparent une drogue réputée indispensable à quiconque veut attaquer le noble et sagace animal ; pas un chasseur ne s’aventurerait dans cette périlleuse entreprise sans être muni de ce précieux talisman. Les docteurs ès-crocodiles vendent un spécifique non moins nécessaire, qui protége son possesseur contre le redoutable amphibie.

Un soir, nous avions appâté un hameçon avec un chien, l’un des morceaux de prédilection du crocodile ; mais les docteurs vinrent détacher l’appât ; car ils protégent leur monstre, en vertu de ce principe que plus il y a de crocodiles, plus on vend de la drogue qui met à l’abri de leurs atteintes.

Non moins en faveur auprès des Portugais que des natifs, le devin ou docteur ès-dés est l’un des princes de la corporation. La police rentre dans sa spécialité, et c’est lui qui recherche les voleurs. Quand une chose a disparu, il se rend à l’endroit où le vol a été commis ; il examine les lieux, jette ses dés, attend quelques jours, et moyennant salaire, dénonce le larron. Il est assez rare qu’il se trompe ; car ne se fiant pas complétement à ses dés, il a partout des agents secrets, dont les démarches, les questions, les renseignements personnels le mettent à même de découvrir le coupable.

Depuis l’introduction des armes à feu, des docteurs ès-mousquets ont surgi et vendent le médicament qui fait les habiles tireurs. Il y a les docteurs ès-pluie, etc. Tous les spécifiques de ces différentes écoles sont de petits talismans, dont la vente appartient aux docteurs ; ils se portent suspendus au cou, et préservent du mal celui qui en est pourvu. Quelques-unes de ces amulettes renferment la drogue efficace ; les autres ne font qu’en accroître la puissance ; mais plus on en possède, plus on est protégé.

L’indigo, ainsi que nous l’avons dit, croît d’une manière luxuriante dans les rues de Têté ; il y acquiert trois ou quatre pieds de hauteur ; il en est de même pour la casse de Sena[5]. Les habitants n’en tirent aucun parti ; néanmoins ils trouvèrent mauvais que nous nous eussions fait cueillir des échantillons de ces plantes par les Makololos.

Un coton de première qualité est cultivé par les indigènes, mais sur une très-petite échelle, et n’est employé qu’à la fabrication d’une étoffe grossière. Autrefois les Portugais le faisaient recueillir à très-bas prix, et l’échangeaient dans le Manica pour de la poudre d’or ; c’est maintenant le calicot de province étrangère qui est usité comme article d’échange.

Une tribu voisine cultive la canne et fabrique un peu de sucre ; mais les rouleaux de bois dont elle se sert pour l’extraction du jus sont tellement primitifs, elle s’entend si mal en outre à épurer le sirop, qu’elle n’obtient qu’un produit très-inférieur.

Le fer magnétique, ainsi que le charbon de terre, abondent aux environs de Têté. Une seule couche de houille, que nous avons pu mesurer sur la tranchée d’une falaise, y présente vingt-cinq pieds d’épaisseur. Le charbon de cette couche, essayé dans le fourneau du steamer, y brûla bien dès la première expérience. Les cendres, toutefois, renfermaient une grande quantité de résidus schisteux ; mais supposant que cela pouvait tenir à l’action des agents atmosphériques, dont l’influence s’exerçait depuis des siècles sur la paroi de ce banc de houille, nous forâmes un puits à une dizaine de mètres, et il fut constaté que le charbon s’améliorait à mesure que la fouille était plus profonde.

On trouve de l’or dans le lit des rivières à deux jours de marche de Têté. Les indigènes en connaissent parfaitement la valeur ; mais il est rare qu’ils se donnent la peine d’en recueillir ; et quand ils le font, ils ne creusent jamais à plus de quatre ou cinq pieds ; ils redoutent l’éboulement du sable et ont peur d’être enterrés vifs. À l’époque où, jadis, les trafiquants se rendaient aux lavages d’or avec des centaines d’esclaves, le produit était considérable ; maintenant il se réduit à fort peu de chose. Les terrains aurifères ont toujours été possédés par des tribus indépendantes ; on n’y a jamais fait de tranchées profondes, comme cela se pratique en Australie ou en Californie ; des bassins de bois pour laver le métal sont les seules machines que les mineurs de ce pays-ci aient jamais employées.

Les rapports qu’on nous avait faits des rapides de Kébrabasa avaient tellement éveillé notre curiosité, que nous étions bien décidés à nous y rendre. Nous profitâmes de ce que les eaux du Zambèse étaient plus basses que d’habitude pour aller voir ces rochers pendant qu’ils étaient découverts. Nous y arrivâmes le 9 novembre. De Têté à Panda Mokoua, où s’arrête la navigation, le pays est boisé et montueux sur les deux rives. Panda Mokoua, située à deux milles au-dessous des rapides, est une montagne coiffée de dolomite, et qui renferme des mines de cuivre.

Parmi les arbres de la forêt, le massif baobab, remarquable entre tous, se distinguait non-seulement par son énorme volume, qui aurait fait prendre ses voisins pour de simples arbustes, mais aussi par son écorce, dont la couleur était exactement la même que celle de la syénite égyptienne. Le baobab creusé, dont nous avons parlé plus haut, mesurait soixante-quatorze pieds de circonférence ; l’un de ceux que nous vîmes en allant aux rapides en avait quatre-vingt-quatre, et il y en a de cent pieds de tour sur la côte occidentale.

La chaîne élevée de Kébrabasa, formée en grande partie de montagnes coniques revêtues d’arbres inégaux et mal-venants, traverse le Zambèse et l’enferme dans une gorge étroite et rocailleuse d’une largeur d’environ quatre cents mètres. Au fond de cette gorge, qui est remplie par les eaux à l’époque du débordement, sont des masses rocheuses entassées pêle-mêle dans un état de confusion indescriptible. La gravure (page suivante) ne donne qu’une faible idée de la scène, en ce sens que les montagnes qui enserrent le fleuve ne s’y voient pas.

C’est la syéni qui domine ; quelques parties de cette roche, disséminées dans la masse, sont d’une belle couleur de lapis lazuli ; quelques autres sont grises.

Les blocs de granite rosé abondent également ; et ces énormes débris, joints à des roches métamorphiques tordues et enchevêtrées, précipitées çà et là dans toutes les positions imaginables, offrent un exemple de dislocation et de désordre qui ferait la joie d’un professeur de géologie. À l’époque où le Zambèse est débordé tout ce chaos disparaît et la surface du fleuve n’est pas moins unie en cet endroit qu’en aval des rapides, où sa largeur est d’un demi-mille, c’est-à-dire de huit cents mètres.

Dans la saison sèche, le courant occupe le fond d’un chenal étroit dont les bords, pendant la saison des crues, ont été polis et cannelés par les eaux tourbillonnantes comme la margelle des vieux puits d’Orient par le frottement de la corde. En maint endroit ce sillon d’écoulement n’a pas plus de quarante à soixante yards[6] ; il forme de brusques détours, se dédouble parfois, et produit de petites cataractes.

Nos mâts, bien qu’ils eussent trente pieds de hauteur, n’arrivaient pas au niveau qu’atteint le fleuve à l’époque des crues ; la sonde descendait à dix brasses sans y rencontrer le fond.

Tous les renseignements que nous avions pu obtenir des Portugais se réduisaient à ceci : que des rocs détachés au nombre de trois ou quatre surgissaient du fleuve dans la gorge de Kébrabasa, et qu’un steamer pourrait aisément franchir la passe bien qu’elle fût dangereuse pour les canots peu gouvernables des indigènes ; ils ajoutaient que si, avec la mine, on faisait sauter un ou deux de ces rocs on passerait alors sans difficulté.

Après avoir péniblement exploré huit ou dix milles de ces rapides, nous revînmes à bord avec la persuasion que le simple examen des cataractes demanderait beaucoup plus de travail que nos amis n’en croyaient nécessaire pour les faire disparaître. C’est pourquoi nous redescendîmes le Zambèse afin de prendre des vivres, et de nous préparer à une étude plus sérieuse de cette région.

Repartis le 22 novembre pour Kébrabasa[7] nous arrivâmes le 24 au pied des montagnes.

Comme nous causions autour du feu, l’un des esclaves de Têté, qui avait la prétention d’être un grand voyageur, nous raconta qu’il avait vu dans les pays du centre des hommes d’une race bien étrange ; ces hommes n’avaient que trois pieds de haut ; ils habitaient de grandes villes, étaient forts riches en denrées de toute espèce et avaient des cornes sur la tête. Mais les Makololos n’acceptèrent pas l’histoire, et dirent carrément au narrateur qu’il en avait menti. « Nous venons du centre, ajouta un grand gaillard de six pieds quatre pouces[8] ; avons-nous des cornes sur la tête, et sommes-nous des nains ? » Malgré toutes ces railleries, le conteur n’en voulut pas démordre : il avait bien vu ce petit peuple, disait-il, et avait été dans leur ville.

Nous passâmes à gué la Louia ; le courant en est rapide, la largeur d’environ cinquante yards.

Arrivé au pied d’une montagne qui porte le nom de Chiperezihoua, et dont les flancs perpendiculaires sont revêtus de lichens de toutes couleurs, on nous dit qu’en amont de cet endroit le fleuve était libre, et qu’il n’y avait plus d’obstacle à la navigation. Mais deux indigènes qui vinrent le soir à notre camp, nous assurèrent qu’il y avait plus haut une cataracte que l’on appelait Moromboua. Il fallait résoudre la question.

De chaque côté du fleuve, qui en cet endroit n’a pas une largeur de trois cents yards, et qui remplit toute la gorge, s’élèvent des montagnes d’une hauteur perpendiculaire de plus de mille yards (neuf cents et quelques mètres) et dont les flancs sont couverts d’un fourré épineux, ou d’énormes rochers noirs.

Tout à coup, après une pénible marche, un éperon de la montagne nous barra le passage ; et il fallut tourner l’obstacle par un circuit périlleux. La roche était si brûlante qu’on pouvait à peine y tenir la main.


Vue d’une partie des rapides de Kébrabasa.

Nous rencontrâmes dans cet endroit sauvage un pêcheur qui jetait son filet au milieu des remous et des tourbillons du gouffre ; il nous indiqua l’objet de nos recherches ; et une heure après, installés sur la tablette d’un roc, situé environ à cent pieds au-dessus du fleuve, nous découvrions la cataracte, qui doit rendre toute navigation impossible, excepté à l’époque des crues les plus hautes, où l’eau s’élève à une hauteur perpendiculaire de plus de quatre-vingts pieds, ainsi qu’il est indiqué sur le roc.

À notre droite s’élève le Moromboua, montagne d’une hauteur de deux à trois mille pieds, qui donne son nom à l’endroit où elle se trouve, ainsi qu’à la chute d’eau. À gauche de cette dernière est une montagne qu’on pourrait appeler en forme d’oignon ; c’est un cône, dont la partie supérieure en s’effritant, comme il arrive souvent au granite, a fini par présenter une face unie et convexe qui rappelle une énorme bulle. La base de ces deux montagnes s’étend vers le nord ; le fleuve, toujours étroit, coule tranquillement à leur pied, laissant apercevoir quelques rocs détachés qui surgissent de son lit.

Extraits de la traduction inédite de Mme H. Loreau.

(La suite à la prochaine livraison.)



  1. Nos deux précédentes livraisons (316 et 317) sont un résumé de la première relation du docteur Livinsgtone, intitulée : Explorations dans l’intérieur de l’Afrique australe, et voyage à travers le continent, de Saint-Paul de Loanda à l’embouchure du Zambèse, 1840-56 ; Paris, librairie Hachette, 1859. La livraison que le lecteur a sous les yeux (321) et les trois suivantes sont extraites du nouvel ouvrage intitulé : Récit d’une expédition au Zambèse et à ses affluents ; et de la découverte des lacs Chirwa et Nyassa, en 1858-1864, par David et Charles Livingstone. — Une traduction complète de cette seconde relation doit paraître vers la fin de 1866.
  2. Ce nom de Mazaro signifie, dans la langue des indigènes, Embouchure de la Crique, et désigne le confluent du Mouton et du Zambèse.
  3. Le corps expéditionnaire se composait de MM. David et Charles Livingstone, Thornton, du docteur Kirk et de quelques autres.
  4. Settler, premier occupant ; celui qui s’arrête sur un terrain vierge, s’y installe et défriche.
  5. Suivant le docteur Hooker, ce serait la Cassia acutifolia qui fournit le sené du commerce. (Note du traducteur.)
  6. Le yard, composé de trois pieds anglais, représente un peu plus de quatre-vingt-onze centimètres (0, 914).
  7. Les indigènes appellent cet endroit Kebra-basa (fin, ou rupture du service) ; le nom de Kébra que lui donnent les Portugais signifie la même chose. Ici, en effet, la navigation est interrompue ; les grands canots déchargent leurs marchandises, dont le transport se fait par terre jusqu’à Chicova.
  8. Un mètre quatre-vingt-treize centimètres.