Le Vieillard des tombeaux ou Les Presbytériens d’Écosse
Traduction par Albert Montémont.
Ménard (Œuvres de Walter Scott, volume 10p. 257-265).




CHAPITRE XXVII.

trève.


J’irai à Bothwell Hill ; c’est là que je dois vaincre ou mourir.
Vieille ballade.


Il y eut des deux côtés suspension des opérations militaires. Le gouvernement semblait vouloir seulement empêcher les rebelles de marcher sur la capitale, tandis que les insurgés cherchaient à augmenter et à fortifier leur armée. Dans cette vue, ils avaient établi une espèce de camp dans le parc du château ducal d’Hamilton, situation centrale où ils pouvaient recevoir des renforts et où ils étaient protégés contre une attaque soudaine par la Clyde, rivière profonde et rapide qui coulait devant eux, et qu’on ne pouvait traverser que sur un pont long et étroit, près du château et du village de Bothwell.

Morton resta en ce lieu pendant quinze jours environ après l’attaque de Glasgow. Il avait plus d’une fois communiqué avec Burley, mais il en avait seulement appris, sans plus amples détails, que le château de Tillietudlem tenait toujours. Impatient d’être mieux informé sur cet intéressant sujet, il avait enfin annoncé à ses collègues que son désir, ou plutôt son intention, car il ne voyait pas pourquoi il se refuserait une liberté que prenaient tous les autres dans cette armée sans discipline, était d’aller à Milnwood, passer un jour ou deux, pour y régler des affaires privées de grande importance. Cette proposition fut unanimement désapprouvée ; car le conseil de guerre des insurgés sentait assez toute l’importance de ses services pour craindre de le perdre, et chacun se reconnaissait peu capable de le suppléer. Ils ne purent cependant lui imposer des lois plus sévères que celles qu’ils suivaient eux-mêmes ; et il se mit en route sans qu’on lui adressât aucune objection directe. Le révérend M. Poundtext profita de l’occasion pour visiter son presbytère dans les environs de Tillietudlem, et fit à Morton l’honneur de l’accompagner. Comme presque tout le pays était de leur parti et occupé par des détachements de leurs troupes, à l’exception des manoirs de plusieurs vieux barons du parti des cavaliers, ils partirent sans aucune autre suite que le fidèle Cuddie.

Le soleil allait se coucher quand ils arrivèrent à Milnwood, où Poundtext dit adieu à ses compagnons, et se dirigea seul vers sa demeure située à un demi-mille plus loin que Tillietudlem. Que de réflexions se présentèrent à l’esprit de Morton à la vue de ces bois, de ces ruisseaux, de ces plaines qu’il connaissait si bien ! Son caractère, aussi bien que ses habitudes, ses pensées et ses occupations, avaient entièrement changé en moins d’une quinzaine, et vingt jours semblaient avoir produit sur lui l’effet d’autant d’années. Un jeune homme doux, sensible et romanesque, élevé dans la dépendance, se pliant patiemment aux fantaisies d’un parent avare et tyrannique, avait été tout à coup poussé par l’excès de l’oppression et des outrages à se mettre à la tête d’hommes armés ; il avait pris une part très-active aux affaires publiques, avait des amis à encourager et des ennemis à combattre ; enfin il sentait sa destinée personnelle liée à l’issue d’une insurrection et d’une révolution nationale. Il semblait avoir soudainement passé des rêves romanesques de la jeunesse aux travaux et aux soins actifs de l’âge mûr. Tout ce qui l’avait intéressé jadis était effacé de sa mémoire, excepté son attachement pour Édith ; son amour même paraissait avoir un caractère plus mâle et plus élevé, par le mélange et le contraste d’autres devoirs et d’autres sentiments. Tandis qu’il réfléchissait aux particularités de ce changement soudain, aux circonstances qui l’avaient occasionné, et aux conséquences probables de sa carrière présente, un mouvement d’inquiétude bien naturelle céda promptement à un élan de généreuse et noble confiance.

« Je mourrai jeune, dit-il ; et s’il doit en être ainsi, mes motifs seront mal compris, et mes actions condamnées par ceux dont l’approbation est si chère à mon cœur. Mais le glaive de la liberté et du patriotisme est dans ma main, et je ne périrai pas lâchement ni sans vengeance. On peut exposer mon corps au gibet et torturer mes membres ; mais un temps viendra où la sentence d’infamie retombera sur ceux qui peuvent aujourd’hui la prononcer. Et ce ciel, dont le nom est si souvent profané durant cette guerre impie, témoignera de la pureté des intentions qui ont dirigé ma conduite. »

En arrivant à Milnwood, le coup que Henri frappa à la porte n’annonçait plus la timidité d’un jeune homme qui, libre hier, se croit encore dépendant, mais la confiance d’un homme fait, en pleine possession de ses droits et maître de ses actions, hardi, fier et décidé. La porte lui fut ouverte avec précaution par sa vieille connaissance mistress Alison Wilson, qui recula en voyant le casque de fer et le plumet du jeune guerrier.

« Où est mon oncle, Alison ? » lui dit-il en souriant de sa frayeur.

— « Pour l’amour de Dieu ! monsieur Henri ! est-ce bien vous ? reprit la vieille servante. En vérité, vous me faites tressaillir de peur. Mais ce n’est pas vous que je vois, car vous avez l’air plus homme et vous paraissez plus grand depuis que je ne vous ai vu.

— C’est cependant moi-même, » reprit Henri en soupirant et en riant tout à la fois ; « je crois que cet habillement me grandit, et le temps où nous vivons, Ailie, change promptement les enfants en hommes. — Oh ! c’est un bien mauvais temps ! répliqua la vieille gouvernante ; et pourquoi faut-il que vous en ayez souffert ! mais qui pouvait l’empêcher ? Vous étiez assez mal traité, et, comme je le disais à votre oncle : Marchez sur un ver, il se redressera. — Vous m’avez toujours défendu, Ailie, » dit le jeune homme, et le femme de charge ne fit pas attention à ce nom familier ; « vous n’avez jamais voulu, je le sais, qu’un autre me grondât, excepté vous. Où est mon oncle ? — À Édimbourg, répondit Alison ; le brave homme a pensé qu’il valait mieux déloger, et se tenir près de la cheminée quand elle fume. Il était d’une inquiétude, d’une frayeur ! Mais vous connaissez le laird aussi bien que moi. — J’espère que sa santé n’a point souffert, dit Henri. — Pas plus que ses biens, répondit la ménagère. Nous nous sommes défendus de notre mieux ; et quoique les soldats de Tillietudlem nous aient pris la vache rouge et la vieille Kakie (vous vous les rappelez bien), ils nous ont fait bon marché de quatre autres qu’ils conduisaient au château. — Ils vous ont fait bon marché ? reprit Morton : que voulez-vous dire ? — Oui, répondit la femme de charge, les dragons parcouraient le pays pour approvisionner la garnison ; mais ils furent bientôt entraînés à reprendre leur ancien commerce, et battaient la campagne achetant et vendant tout ce qu’ils trouvaient, comme des bergers de l’ouest[1]. En vérité, le major Bellenden n’avait que la plus petite part de tout ce qu’on prenait en son nom. — Alors, dit vivement Morton, la garnison doit avoir bien peu de vivres. — Ma foi ! oui, répliqua Ailie ; on n’en peut douter. »

Un trait de lumière brilla dans l’esprit de Morton.

« Burley m’a trompé, » pensa-t-il en lui-même, « ses saints principes lui permettent la ruse aussi bien que la cruauté… Mistress Wilson, dit-il, je ne puis m’arrêter ; il faut que je reparte sur-le-champ. — Oh ! prenez au moins le temps de manger, » répliqua d’une voix suppliante la bonne ménagère ; « je vais vous préparer quelque chose, comme je le faisais avant ces mauvais jours. — C’est impossible, dit Morton. Cuddie, apprêtez nos chevaux. — Ils mangent encore leur avoine, répondit l’écuyer. — Cuddie ! s’écria Alison ; qu’avez-vous besoin de mener avec vous ce porte-malheur, ce misérable drôle ? C’est lui et sa mendiante de mère qui ont causé tous les maux qui sont arrivés dans cette maison. — Paix ! paix ! reprit Cuddie ; il faut oublier et pardonner, madame. Ma mère est à Glasgow avec sa sœur, et ne pourra plus vous faire de mal. Pour moi, je suis le domestique du capitaine, et je le tiens plus propre, habits et personne, que vous ne l’avez jamais fait : l’avez-vous jamais vu mieux équipé ? — Non, en vérité ! » dit la vieille ménagère en regardant avec complaisance son jeune maître, qui semblait avoir encore meilleure mine sous son uniforme ; « vous n’avez jamais eu, j’en suis sûre, une cravate brodée comme celle-là, tant que vous êtes resté à Milnwood. Je ne vous la connaissais pas. — Non, non, madame, répliqua Cuddie ; elle est de ma façon. C’est une pièce de la garde-robe de lord Evandale. — De lord Evandale ! s’écria la vieille femme de charge ; de celui que les whigs doivent pendre demain matin, à ce que j’ai entendu dire ? — Les whigs pendre lord Evandale ! » s’écria Morton avec la plus grande surprise. — Oui, c’est chose certaine, dit la ménagère ; hier il fit une sortie, comme disent les soldats, pour recueillir quelques provisions, ses dragons furent mis en fuite et lui a été fait prisonnier. Le capitaine whig Balfour a commandé qu’on élevât une potence, et a juré (ou promis sur sa conscience, car un whig ne jure pas) que si demain au point du jour la garnison ne s’était pas rendue, il ferait pendre le jeune lord… aussi haut qu’Aman… C’est un temps malheureux… mais on n’y peut rien faire… Asseyez-vous donc, et mangez une croûte de pain avec du fromage, tandis que je vais apporter quelque chose de meilleur. Je ne vous en aurais pas dit un seul mot si j’avais pensé que cela pût vous empêcher de dîner. — Qu’ils aient fini ou non leur avoine, s’écria Morton, Cuddie, sellez les chevaux à l’instant ; nous ne devons nous arrêter que devant le château ! »

Et malgré toutes les prières d’Ailie, ils se remirent aussitôt en route.

Morton ne manqua pas de frapper au presbytère de Poundtext, et l’engagea à le suivre au camp. L’honnête ministre venait de reprendre pour un instant ses habitudes pacifiques, et relisait un vieux traité de théologie, une pipe à la bouche et un petit pot de bière devant lui pour mieux digérer sa lecture. Ce fut avec le plus vif déplaisir qu’il s’arracha à ce délassement, qu’il appelait ses études, pour recommencer une course fatigante sur un cheval dont le pas était assez rude ; mais quand il fut plus longuement informé, il renonça avec un soupir profond au plaisir de passer une soirée tranquille dans son petit cabinet ; car il reconnut avec Morton que, quel que fût l’intérêt de Burley en rendant impossible par la mort de ce jeune seigneur une réconciliation entre les presbytériens et le gouvernement, les hommes modérés ne devaient, sous aucun prétexte, permettre un tel acte de cruauté. D’ailleurs, pour rendre justice à M. Poundtext, il faut dire qu’il avait, comme presque tous ceux du parti modéré, la plus vive horreur pour les actes de violence que la nécessité ne justifiait pas. Il était donc favorablement disposé pour prêter l’oreille aux raisonnements par lesquels Morton s’efforçait de lui prouver que lord Evandale pouvait servir de médiateur pour le rétablissement de la paix, à des conditions sages et honorables. Ainsi d’accord, ils achevèrent leur route, et arrivèrent enfin à onze heures du soir dans un petit village, près du château de Tillietudlem, où Burley avait établi son quartier-général.

Une sentinelle placée à l’entrée du village leur cria : « Qui vive ? » et les laissa passer quand ils eurent déclaré leurs noms et leurs grades. Ils en virent une autre devant une maison où, selon toute apparence, lord Evandale était emprisonné, car en face s’élevait une potence assez haute pour qu’on pût l’apercevoir des tours du château ; et cet instrument de supplice ne confirmait que trop bien le récit de mistress Wilson[2]. Morton demanda sur-le-champ à parler à Burley, et on lui indiqua sa demeure. Ils le trouvèrent lisant les Écritures, ses armes près de lui de crainte d’être surpris. Il tressaillit et se leva à l’arrivée de ses collègues.

« Qui vous amène ici ? leur demanda-t-il aussitôt ; apportez-vous de mauvaises nouvelles de l’armée ? — Non, répondit Morton, mais nous savons qu’on a ici adopté des mesures qui compromettent fortement la sûreté de l’armée… Lord Evandale est votre prisonnier ! — Le Seigneur l’a livré entre nos mains, répliqua Burley. — Et vous allez profiter de cet avantage que le ciel vous accorde, pour déshonorer notre cause aux yeux du monde entier en faisant souffrir à un prisonnier une mort ignominieuse ? — Si le château de Tillietudlem ne m’est pas livré au point du jour, répliqua Burley, que Dieu m’envoie pareil malheur, et plus encore, s’il ne meurt du supplice que son chef et son patron, John Graham de Claverhouse, a infligé à tant de saints du Seigneur. — Nous avons pris les armes, répondit Morton, pour mettre fin à de telles cruautés et non pour les imiter, moins encore pour punir l’innocent des crimes du coupable. Par quelle loi pouvez-vous justifier l’atrocité que vous allez commettre ? — Tu ne la connais pas ? répliqua Burley : ton compagnon te dira que c’est celle qui livra les habitants de Jéricho au glaive de Josué, fils de Num. — Mais nous, répondit le ministre, nous vivons sous une loi meilleure, qui nous instruit à rendre le bien pour le mal, et à prier pour nos bourreaux et nos persécuteurs. — C’est-à-dire, ajouta Burley, que tu associeras la prudence de ta vieillesse à l’inexpérience de ce jeune homme, pour combattre ma résolution ? — Tous deux, poursuivit Poundtext, nous avons autant d’autorité que toi-même dans l’armée, et nous ne te laisserons pas arracher un cheveu de la tête du prisonnier ; peut-être Dieu l’a-t-il destiné à devenir un instrument pour guérir les plaies d’Israël. — J’ai pensé qu’il en serait ainsi, s’écria Burley, quand j’ai vu appeler au conseil des anciens des gens tels que toi… — Tels que moi ? répéta Poundtext, et qui suis-je pour que vous m’apostrophiez avec tant de mépris ? N’ai-je pas défendu pendant trente ans mon troupeau contre les loups ? et cela pendant que toi, John Balfour, tu combattais dans les rangs des incirconcis, comme un Philistin au front farouche et à la main sanglante… Qui suis-je, as-tu demandé ? — Je vais te le dire, répliqua Burley, puisque tu as si grande envie de le savoir : tu es un de ceux qui veulent recueillir sans avoir semé, et partager le butin sans avoir pris part au combat… Tu es un de ceux qui suivent l’Évangile pour avoir leur part des pains et des poissons… qui aiment mieux leur presbytère que l’Église de Dieu, et qui recevraient le salaire d’un évêque ou d’un païen, plutôt que d’imiter le généreux exemple de ceux qui ont renoncé à tout pour servir la cause du Covenant.

— Et moi, je te dirai, John Balfour, » répliqua Poundtext justement irrité, « je te dirai qui tu es : tu es de ceux dont les fureurs sanguinaires et impitoyables font la honte de l’Église souffrante de ce royaume un de ceux qui par leurs violences et leurs atrocités peuvent faire craindre que la Providence ne couronne jamais du succès désiré la noble entreprise formée par nous pour reconquérir nos droits civils et religieux. — Messieurs, dit Morton, cessez ces récriminations qui ne peuvent que vous irriter de plus en plus ; et vous, monsieur Balfour, dites-nous si votre intention est de vous opposer à la mise en liberté de lord Evandale, quand cette mesure nous paraît utile dans l’état présent des affaires ? — Vous êtes ici deux contre un, répondit Burley ; mais vous consentirez, j’espère, à attendre la décision de tout le conseil à ce sujet. — Oui sans doute, répliqua Morton, pourvu que nous puissions nous fier à celui qui tient entre ses mains le prisonnier. Mais vous savez, » ajouta-t-il en jetant un regard sévère sur Burley, « que vous m’avez déjà trompé dans cette affaire. — Va, dit Burley avec dédain, « tu n’es qu’un jeune et pauvre écervelé qui, pour les noirs sourcils d’une sotte fille, trahirais ta foi, ton honneur, la cause de ton Dieu et celle de ton pays. — Monsieur Balfour, » dit Morton en mettant la main à son épée, « ces paroles demandent satisfaction. — Et tu l’auras, jeune homme, quand et où tu voudras, répondit Burley ; je m’y engage par serment. »

Poundtext intervint à son tour, leur montra les conséquences fâcheuses d’une querelle, et obtint à grand’peine une espèce de réconciliation forcée.

« Quant au prisonnier, dit Burley, disposez de lui comme bon vous semble. Je me lave les mains de tout ce qui peut en arriver. Je l’ai fait prisonnier à la pointe de mon épée et de ma lance, pendant que vous, M. Morton, vous passiez votre temps à surveiller des revues et des parades ; et vous, monsieur Poundtext à torturer les Écritures pour les convertir en érastianisme. Néanmoins chargez-vous du prisonnier ; faites-en ce que vous voudrez… Dingwall, » continua-t-il en appelant un officier qui lui servait d’aide-de-camp et qui couchait dans une chambre voisine, « ordonnez à la garde qui veille sur ce coquin d’Evandale de céder son poste à celle que le capitaine Morton choisira pour la remplacer… Le prisonnier, » dit-il en s’adressant de nouveau à Poundtext et à Morton, « est maintenant à votre disposition, messieurs ; mais rappelez-vous qu’on vous demandera un jour un compte sévère de toutes ces choses. »

En parlant ainsi, il entra brusquement dans un second appartement sans leur souhaiter le bonsoir. Ses deux collègues, après un instant de réflexion, reconnurent qu’il était prudent de veiller à la sûreté personnelle du prisonnier, en plaçant près de lui une garde choisie parmi les paroissiens de M. Poundtext. Heureusement il s’en trouvait dans le village un certain nombre qu’on avait momentanément réunis à la division de Burley afin qu’ils eussent l’avantage de rester aussi long-temps que possible près de leurs familles ; c’étaient en général des jeunes gens actifs, que leurs camarades appelaient communément les tireurs de Milnwood. Sur la demande de Morton, quatre d’entre eux se chargèrent volontiers de monter la garde auprès du prisonnier ; et avec eux le capitaine laissa Headrigg, sur la fidélité duquel il pouvait compter, le chargeant de l’avertir s’il survenait quelque chose d’extraordinaire.

Ces dispositions prises, Morton et son collègue prirent possession pour une nuit du meilleur abri qu’ils purent rencontrer dans ce misérable village à demi ruiné. Toutefois ils ne songèrent point à se livrer au repos, avant d’avoir rédigé un mémoire où ils exposaient les réclamations des presbytériens modérés. Ils le terminèrent en demandant pour l’avenir le libre exercice de leur religion et la permission de suivre l’Évangile selon que leurs ministres le leur prescriraient, sans avoir à craindre ni l’oppression ni la tyrannie. Ils demandaient ensuite l’organisation d’un parlement libre qui fixât les droits de l’Église et ceux de l’État, et qui pût protéger le peuple contre toute espèce d’injustice. Enfin, ils réclamaient une amnistie générale en faveur de tous ceux qui avaient porté ou qui portaient encore les armes pour arriver à ce but. Morton devait naturellement espérer que ces conditions, qui stipulaient tous les besoins et tous les désirs des insurgés les plus modérés, trouveraient des avocats, même parmi les plus chauds royalistes, puisqu’elles étaient exemptes de violence et de fanatisme, et ne consacraient que les droits reconnus des sujets d’Écosse. Il se flattait que ces propositions recevraient un accueil d’autant plus favorable que le duc de Montmouth, chargé par le roi d’étouffer cette rébellion, était un homme doux, modéré, accessible, bien connu pour favoriser les presbytériens, et investi d’un plein pouvoir pour prendre toutes les mesures propres à rétablie la tranquillité en Écosse. Morton pensait encore qu’il ne fallait plus, pour intéresser le duc en leur faveur, que trouver un homme assez habile et assez recommandable pour servir de médiateur, et lord Evandale lui semblait devoir parfaitement s’acquitter de cette mission. Il résolut donc de le voir le lendemain matin, pour sonder ses dispositions et l’engager à se charger du rôle de médiateur. Mais un événement imprévu lui fit accélérer l’exécution de son projet.




  1. Voleur de bestiaux. a. m.
  2. Les caméroniens avaient éprouvé la persécution sans apprendre à être miséricordieux. Le capitaine Crichton nous a appris qu’ils avaient élevé dans leur camp un immense gibet avec un grand nombre de poulies, et mis au bas un rouleau de cordes pour l’exécution de tous les royalistes qu’ils pourraient faire prisonniers. Guild, dans son Bellum bothuellianum, décrit cet appareil avec détail.