Le Tigre de Tanger (Duplessis)/IV/III

et Albert Longin
L. de Potter (4p. 59-92).

III

Ange et démon.

Un assez long silence suivit le départ précipité de Chiffinch. Fitzgerald avait tant de choses à cacher, Suzanne tant de questions à adresser, que l’un et l’autre se recueillirent avant d’entamer la conversation.

Ce fut la jeune fille qui la première prit la parole.

— Mon bien-aimé Fitzgerald, dit-elle en saisissant dans les siennes les mains de son frère, ton arrivée si imprévue m’a tellement troublée, que j’ai oublié jusqu’à présent de te demander des nouvelles de James. J’espère que ce cher enfant se porte bien ! Pourquoi donc ne l’as-tu pas amené avec toi !… il me tarde bien de l’embrasser !… Où est-il, quand le verrai-je ?

À cette question faite par Suzanne avec un calme et une tranquillité qui prouvaient combien elle était loin de pressentir la catastrophe qui avait eu lieu, le sanglant drame qui s’était passé, Fitzgerald tressaillit et garda un morne silence. Quoiqu’il fût préparé à cette terrible interrogation, elle l’impressionna profondément et lui ôta toute présence d’esprit.

— Ne m’as-tu pas entendu, frère, reprit Suzanne avec un commencement d’inquiétude ? Mais qu’as-tu donc ? pourquoi ce visage bouleversé, cet air abattu, cette contenance sombre ? Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! il est arrivé un malheur à James… James est morl !…

Fitzgerald baissa la tête et ne répondit pas.

— Il est mort ! répéta Suzanne, j’en suis sûre, il est mort !… Mais parle donc, mon frère !… parle donc !

— Ma bonne Suzanne, dit enfin l’Irlandais avec une affectueuse tristesse, nous ne sommes plus que nous deux sur la terre !… Ton pressentiment ne te trompe pas !… Notre James chéri repose maintenant dans la tombe !

Suzanne poussa un cri déchirant, et se laissa tomber dans les bras de son frère.

— Oh ! qu’elle est heureuse ! murmura Fitzgerald avec une sorte d’envie, elle peut encore pleurer !

En effet, Suzanne sanglotait.

Ce ne fut qu’après une demi-heure de larmes que la malheureuse enfant reprit l’entretien :

— Comment ce malheur est-il arrivé ? dit-elle ; à quelle maladie a succombé notre infortuné frère ?

— À quelle maladie ? répéta l’irlandais en accompagnant ces paroles d’un sinistre et involontaire éclat de rire ; James n’est pas mort dans son lit, Suzanne…

— Ô ciel ! un accident alors ?…

— Non pas, Suzanne, mais un crime !…

— Un crime, dis-tu ?… James a été assassiné…

— Oui, assassiné… presque sous mes yeux… Lorsque j’arrivai à son secours, je le crus sauvé… ce n’était plus qu’un cadavre ! Oh ! j’ai bien souffert, Suzanne, j’ai bien souffert…

Filzgerald, après avoir fait cette réponse, leva au ciel un regard suppliant ; puis, d’une voix brisée et que sa sœur, en proie à sa douleur, n’entendit pas :

— Ô mon Dieu ! murmura-t-il, accordez-moi la consolation des larmes !

Un nouveau silence, — plus long que le premier, — régna dans le boudoir de la belle Irlandaise.

Cette fois ce fut Fitzgerald qui reprit la parole.

— Suzanne, dit-il en attirant sa sœur sur ses genoux, du courage ! Nous n’aurons le droit de pleurer notre infortuné frère qu’après l’avoir vengé !… Essuie tes pleurs et réponds à mes questions… M’entends-tu, Suzanne ?

— Si je t’entends ! s’écria la jeune fille avec éclat ; oui, oui, Fitzgerald !… Le mot vengeance retentit dans mon cœur et m’a révélé une force que je ne connaissais pas, dont je ne me doutais pas encore ! Ne me cache aucun détail ; ne crains pas d’exciter trop violemment ma sensibilité !… Je ne suis plus une femme, Fitzgerald !… je suis la lionne blessée qui se redresse rugissante et fait à son lionceau égorgé de sanglantes funérailles ! Le nom du meurtrier, ô mon frère, le nom du meurtrier ?…

— As-tu confiance en moi, Suzanne ? demanda Fitzgerald sans répondre à cette question. Veux-tu te fier à ma prudence et à mon courage ?

— Tu es mon seul appui sur la terre, frère. Ce que tu dis est bien dit, ce que tu fais est bien fait.

— Merci, Suzanne, merci. Je ne te cache pas que je vais mettre tout de suite ta soumission à une rude épreuve : j’exige que tu ne me demandes plus aucune explication sur l’irréparable malheur qui nous frappe.

— Ce que tu me demandes là, Fitzgerald, est au-dessus de mes forces ; c’est perdre deux fois un être aimé que de ne pas savoir comment il a quitté la terre. L’imagination s’égare dans d’atroces, dans d’épouvantables suppositions : on rêve une agonie exceptionnelle.

— C’est justement ton imagination dont je me défie ; Suzanne, interrompit Fitzgerald. Un élan d’indignation que tu ne saurais retenir, une parole imprudente qui s’échapperait de ta bouche, pourraient compromettre à tout jamais mes plans et mes espérances !… Qu’il te suffise de savoir, ma sœur bien-aimée, que James est mort victime de son obéissance à un des grands de la terre !… Que veux-tu, Suzanne ? nous sommes de pauvres misérables parias, nous n’avons ni la fortune, ni le pouvoir, ni la naissance, il faut bien que pour vivre nous nous fissions les instruments des heureux, de ceux qui ont de l’or et qui nous gouvernent !

— Tu as raison, frère, garde ton fatal secret !… dit lentement la jeune fille, garde-le jusqu’à ce que sonne l’heure des représailles. Alors, tu me diras : Suzanne, voici le meurtrier de notre pauvre James ! Cela me suffira.

— Chère sœur, reprit Fitzgerald après une légère pause, il s’est opéré en toi, pendant mon absence, un changement dont je ne puis me rendre compte. Je ne te retrouve plus telle que je t’avais laissée…

— Comment cela, mon frère ?

— Oui, une métamorphose complète te rend méconnaissable. Je cherche vainement en toi la jeune fille naïve et craintive d’autrefois. Ton sourire, jadis si candide et si doux, a pris une expression d’assurance et d’audace qui me confond ! Pourtant, Suzanne, je le jurerais sur le souvenir de notre mère vénérée, tu es toujours digne de tous les respects, de tous les hommages ! Ton innocence a pu disparaître, mais ton honnêteté est immaculée, entière…

— Frère, ton observation est vraie, dit tristement Suzanne. Que veux-tu ? je te répéterai tes propres paroles de tout à l’heure : j’ai tant souffert ! j’ai tant souffert ! Oh ! tu ne te doutes pas des heures d’angoisses qui ont torturé ma solitude ! J’ai compris qu’une volonté inflexible pesait sur ta destinée, qu’une puissance supérieure disposait de ta volonté, que l’on exploitait ton énergie au profit d’intérêts qui n’étaient pas les tiens. C’est Chiffinch qui, pour m’effrayer, pour bien me faire sentir combien j’étais en sa puissance, m’a mise sur la trace de cette découverte. À partir de ce moment, une révolution extraordinaire s’est opérée en moi ; j’ai deviné, ce que je n’avais jamais soupçonné, la perversité du monde ! J’ai acquis la conviction que le faible et le pauvre devenaient forcément, tôt ou tard, la proie du riche et du puissant. D’abord, j’ai eu peur, bien peur ! puis, le premier moment de la surprise passé, quand le vertige qui m’aveuglait se fut en partie dissipé, je voulus me rendre un compte exact de ma position ; je me mis à étudier la vie. Ah ! cher frère, quelle désillusionnante occupation ! comme elle bouleversa toutes mes idées !… Je vis que les grands, si enviés par la foule, les favoris si hautains, si platement adulés par une nuée de flatteurs, ne sont, pour la plupart, que des êtres de nulle valeur ! Chiffinch, que tant de gens recherchent, Chiffinch, que l’on écoute comme un oracle, parce qu’il est le seul en grande faveur auprès du nouveau roi ; Chiffinch, qui traite d’égal à égal avec les plus illustres seigneurs du royaume, me donna le premier la conscience de l’extrême différence qui presque toujours existe entre le mérite d’un parvenu et la position qu’il occupe dans le monde ! Si tu savais, frère, combien tous ces favoris de la fortune sont faibles devant leurs mesquines passions, tu serais tenté de les prendre en pitié ! Qu’un obstacle insurmontable s’oppose à l’accomplissement de leurs désirs, qu’ils rencontrent une volonté ferme, inébranlable : alors ils deviennent aussi vils, aussi suppliants, qu’ils étaient d’abord arrogants et superbes ! Guidée plutôt par l’horreur que me causait Chiffinch que par un calcul raisonné, je repoussai ses hommages avec un mépris souverain, une invincible opiniâtreté. Qu’en résulta-t-il ? que cet homme si insolent, si méchant avec les femmes, devint pour moi d’un dévoûment, mieux encore, d’une servilité à toute épreuve. Te dire le degré d’abjection auquel il est tombé, ne m’est pas possible. C’est par des larmes, par des sanglots qu’il répond à mon implacable dédain.

Suzanne, dont la parole vibrait fière et harmonieuse, s’arrêta un instant ; puis, baissant la voix et les yeux :

— Frère, continua-t-elle, je ne dois rien te cacher. Devant toi, je pense tout haut comme je parle. Il faut que tu saches tout ! J’appris, ô bien-aimé frère, une autre chose dont je ne me doutais pas non plus, c’est que la nature m’a douée d’une beauté exceptionnelle… et que la beauté, comme la richesse et le pouvoir, est une arme terrible ! Nous ne serons donc pas sans défense dans la lutte acharnée que nous allons entreprendre… As-tu besoin, pour sortir de la funeste et dangereuse position que l’on t’a faite et que Chiffinch m’a laissé entrevoir, de connaître un secret d’État, de savoir le côté faible de tes ennemis, de tes persécuteurs ?… Parle, mon frère ! Pour un sourire de moi, Chiffinch donnerait sa fortune… il sera trop heureux quand je lui demanderai seulement de trahir son maître !

Un assez long silence suivit les paroles de la jeune Irlandaise, que Fitzgerald contemplait avec une douloureuse admiration.

— Bon sang ne peut mentir ! pensait-il. Suzanne n’est pas impunément ma sœur ! N’est-ce point plutôt la Providence qui me vient en aide ?… Non, c’est plutôt l’enfer qui s’acharne après ma famille… les Fitzgerald sont une race maudite ! Que notre sort s’accomplisse !… Je suis impuissant contre la destinée ; j’ai fait ce qu’il était humainement possible de faire !… Quel résultat ai-je obtenu ? La mort tragique de James, la chute morale de Suzanne, la perle de mon repos et de mon honneur !… Je serais un fou, un insensé, si je repoussais le secours que le ciel ou l’enfer m’envoie !… Je suis à bout de forces et de patience !… Rester plus longtemps à la discrétion de Jefferies, me voir entre ses griffes de tigre, est un supplice qui dépasse ma résignation et mon courage !… Je dois à tout prix reconquérir mon indépendance !… Une fois que je serai libre, l’avenir m’appartiendra ; je travaillerai à racheter mon passé… je marierai Suzanne à un bon et loyal garçon, puis il ne sera plus question de moi… j’aurai fini ma tâche sur la terre… je m’occuperai du salut de mon âme !

— Eh bien ! frère, demanda la jeune fille qui étudiait avec une anxieuse attention la physionomie de l’Irlandais, tu ne me réponds pas ! Es-tu fâché contre moi ?… Blâmes-tu mes projets ? Refuses-tu d’associer tes efforts aux miens ?…

— Non, ma Suzanne adorée, s’écria Fitzgerald en embrassant tendrement la jeune fille au front ; non, Suzanne ! Seulement, avant que tu ne t’engages dans cette voie périlleuse et fatale, je désire que tu réfléchisses sérieusement, longuement, à la difficulté de ta tâche… Céder à un entrainement passager, ce serait te perdre !… Es-tu assurée de ta constance, de ta fermeté ? Ne crains-tu pas qu’une pitié accidentelle ne t’empêche, à une heure donnée, de poursuivre la réalisation de nos plans ?… Dans le rude et glissant sentier que nous allons parcourir, Suzanne, un faux-pas, c’est la mort ! Nous ne pouvons tomber sans rouler dans un abîme !…

— Sois sans inquiétude, frère, interrompit Suzanne, tant que notre James ne sera pas vengé, tant que tu n’auras pas brisé tes entraves, je serai inflexible, implacable !

— Hélas ! Suzanne, la précoce expérience que tu dois au malheur n’est pas encore complète. Tu seras toujours forte et vaillante, j’en suis persuadé, contre des sentiments qui te paraîtront avec raison constituer un odieux outrage : oh ! de cela je n’ai aucun doute ; mais qui m’assure que parmi ces puissants de la terre dont tu parles avec un si souverain mépris, il ne s’en trouvera pas un bon, généreux, délicat, loyal, qui trouvera le chemin de ton cœur ? L’infortune ne me rend pas injuste ; je reconnais que ces exceptions existent.

Suzanne rougit, et une adorable expression de pudeur se refléta sur son visage.

— Fitzgerald, dit-elle d’une voix émue, si l’une des exceptions dont tu viens de faire mention, se rencontrait sur ma route, elle ne m’exposerait à aucun danger car cet homme bon, généreux et loyal ne songerait pas à abuser de l’estime que j’éprouverais pour lui…

La jeune fille se tut, puis n’osant regarder son frère :

— N’as-tu jamais entendu parler de lord Lisle ? lui demanda-t-elle.

Cette question produisit sur Fitzgerald un effet prodigieux : une pâleur mortelle couvrit ses joues, un tremblement convulsif agita son corps ; il crut entendre sortir comme une voix de la tombe !

Le trouble du misérable était si extrême que Suzanne, quoiqu’elle fût absorbée dans ses pensées, ne put s’empêcher de le remarquer.

Elle passa son bras autour du col de son frère, et le regard interrogateur, inquiet :

— Qu’as-tu donc, bien-aimé Fitzgerald ? lui demanda-t-elle.

— Je souffre… Suzanne… Ce ne sera rien… un éblouissement.… voila tout… Déjà je me sens mieux… oh ! ce n’est rien, Je te le répète, me voici maintenant tout à fait bien remis ! De quoi causions-nous donc, Suzanne ? Ah ! je me rappelle ! de lord Lisle, l’ancien régicide… car il a tué son roi, ce noble lord !… Non, je ne le connais pas… je ne l’ai jamais vu, entends-tu… jamais !…

— Ce n’est pas de lord Lisle, l’ancien compagnon de Cromwell dont je te parle, mais bien de son fils, de Henri Lisle, l’officier des gardes-du-corps. Voilà, Fitzgerald, un noble cœur ! Il n’a pas craint, sans savoir qui j’étais, sans savoir si je méritais sa pitié, de s’interposer entre Jefferies et moi lorsque je sollicitais ta grâce… Le juge au banc du roi lui conserve une mortelle rancune de cette soirée. Je ne serais pas étonnée, d’après ce que m’a appris Chiffinch, que Jefferies n’essayât de nuire au pauvre jeune homme. Si tu peux lui être utile, Fitzgerald, si jamais le hasard te mettait à même de lui venir en aide, n’oublie point que j’ai contracté envers lui une dette sacrée de reconnaissance. Ah ! Henri Lisle, ne ressemble pas à ses compagnons, lui ! c’est la loyauté et la bonté en personne. Il n’y a qu’une voix sur son compte. Tout le monde l’aime et l’estime.

Tandis que Suzanne s’exprimait avec un enthousiasme tempéré par la pudeur, sur le compte de Henri Lisle, Fitzgerald gardait une morne contenance ; chaque fois que le nom du fils de sa victime frappait ses oreilles, ses paupières se dilataient outre mesure et une poignante expression d’effroi et de douleur, tordait les muscles de son visage. Enfin, faisant un violent effort sur lui-même afin de ne pas éveiller, par un trop long silence, les soupçons de la jeune fille :

— Ma pauvre Suzanne ! lui dit-il en tâchant de dissimuler le tremblement de sa voix, Henri Lisle a fait pour toi ce qu’il eût fait pour toute autre jolie fille… Quant à m’interposer entre le grand juge et lui, ce serait de la démence. Jefferies ne pardonne jamais !… jamais il n’oublie une injure !… S’il a le dessein de se venger de Henri Lisle, sois assurée que nulle intervention ne sera assez puissante pour sauver le fils du régicide !…

— Tu crois ? interrompit Suzanne en accompagnant ces deux mots d’un singulier sourire ; soit… Laissons ce détail de côté ; occupons-nous plutôt de nos projets.

Deux heures plus tard, la nuit était assez avancée, Fitzgerald prenait congé de Suzanne.

— Quand te reverrai-je ? lui demanda-t-elle en l’accompagnant jusqu’à la porte de la rue.

— Demain matin, Suzanne.

Le frère et la sœur s’embrassèrent une dernière fois avant de se séparer, puis Fitzgerald sortit et Suzanne regagna son salon.

— Voici ma seconde lutte engagée avec Jefferies, disait l’Irlandais tout en marchant d’un pas précipité ; il a eu la première manche, nous verrons à qui reviendra la seconde… Quant à partir pour la Hollande, je n’y songe pas ; abandonner Suzanne dans un pareil moment, quand elle se trouve menacée de l’amour odieux de Chiffinch, ce serait infâme ! quitter Londres lorsque le prétendu capitaine Barca, l’assassin de James, le Kirke abhorré, vient d’arriver dans la capitale, ce serait le fait d’un lâche… ce serait presque me rendre complice du meurtre de mon pauvre James ! Oui, oui, je resterai ; si je n’ai pas la force pour moi, j’emploierai la ruse… puisque je ne puis être lion je serai vipère : la dent envenimée du reptile n’est pas moins redoutable que la griffe du roi des déserts.

Pendant que Fitzgerald, comptant sur le concours de Suzanne et excité par la présence de Kirke, rentrait ainsi audacieusement dans l’arène, la jeune fille, retirée dans son boudoir, était en proie à l’un de ces combats intimes si fréquents, hélas ! dans la vie, qui brisent le cœur et obscurcissent souvent la raison.

Son sein violemment agité, sa respiration saccadée, l’éclat de ses beaux yeux, témoignaient énergiquement des incertitudes et des doutes dont elle était assigée.

Enfin, prenant son parti, elle se leva vivement de son fauteuil, s’assit devant un riche guéridon placé dans un des angles du salon et se mit à écrire une lettre. Quelques minutes lui suffirent pour la terminer.

Alors, soit qu’elle craignît, soit qu’elle voulût prévenir de nouvelles et pénibles hésitations, elle la ferma et la cacheta brusquement, — sans la relire, — sonna sa domestique, et lui remettant la lettre :

— Cours vite, tout de suite, sans perdre un instant, porter ceci, ma bonne Anna, lui dit-elle. Il n’y a pas de réponse.

La servante obéit. L’adresse de la lettre portait : « À lord Henri Lisle, lieutenant des gardes-du-corps de Sa Majesté. »