Le Temps (Verhaeren)
LE TEMPS
Toujours,
Avec des gestes lents, avec de lentes gloses,
Autour des foyers clairs ou des âtres moroses,
Invariablement,
Le temps trompeur est, à leurs yeux,
Celui qui guide et tient la main de Dieu,
Là-haut, on ne sait où, dans les nuées,
Et qui lui fait répandre, au loin,
La pluie ou le soleil dont a besoin
Comme d’un angoissant mystère
Qu’ils ont surpris, depuis longtemps,
Dans leurs ruses avec la terre ;
Leurs souvenirs, durs et tassés,
Serrent en eux tous les printemps passés,
Et les hivers monumentaux de glace,
Lorsque le froid dallait l’espace
D’un grand chemin compact et blanc,
Emprisonnant les eaux et rejoignant les landes,
Qui, mieux qu’eux tous encor, surprennent
À la couleur des loins, aux mouvements de l’eau,
Quelle sombre ou claire étrenne
Apportera demain aux bateliers ;
Ils consultent aussi les blancs et doux meuniers
Autour de qui voyage
Le ciel entier, avec sa brume et ses nuages,
Et sa terreur, et sa folie, et ses soleils,
Et tant de météores
Et qui lisent les gazettes falotes,
Ils ont beau dire et beau prouver,
Les vieux s’entêtent à rêver
En regardant fumer leurs pipes ;
Et l’on n’entend qu’un mouvement mouillé de lippes
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