Le Superbe Cortège

Poèmes Premier et second carnets de poèmesmanuscrits autographes (p. 8-10).

IV

Le superbe cortège
Est un enterrement.
La foule qui l’assiège
Regarde amèrement.

Que Dieu grand bien leur fasse !
Pour ce funèbre apprêt !
C’est de première classe,
C’est de premier regret !

L’Église est toute noire,
Et son noir manteau,
Laisse l’âme se croire
Dans la nuit du tombeau.

La croix d’argent en tête,

Digne d’un dieu du ciel
Fière, comme à la fête
De Pâque ou de Noël.

Puis des enfants en foule,
Voués aux tristes sorts,
Dont le faible pas roule
Trente têtes de morts.

Et le bedeau, sa verge,
Les Suisses galonnés,
Le Chandelier, le cierge,
L’encens qui prend au nez,

L’enfant à la voix aigre,
Le large baryton,
Le ténor haut et maigre,
Le caverneux basson,

Et la funèbre étole,
Le funèbre encensoir,
Le rochet qui désole,
Le bréviaire noir,


Le dernier comme un maître
S’arrêtant sur le seuil,
De sa main le noir prêtre
Bénit le noir cercueil ;

Et la foule s’agite,
Et la clameur répond,
Et tout se précipite,
Et la clameur se fond,

Et dans le cimetierre,
Le catafalque noir
Brise la branche amère
De l’if qui tremble au soir ;

Et dans l’humide terre,
Sans espoir de retour,
La ténébreuse bière
Tombe et rend un son sourd !