Études poétiques (Lacaussade)/Le Soldat

Études poétiquesAlphonse Lemerre, éditeurPoésies d’Auguste Lacaussade, tome 1 (p. 154-155).

XIV

LE SOLDAT


 
On marche aux sons voilés du tambour. Sur la plaine
Le soleil luit ; l’oiseau vole au bord du chemin.
Oh ! que n’ai-je son aile ! oh ! que la vie est pleine
De tristesse ! Mon cœur se brise dans mon sein.

Au monde je n’aimais que lui, mon camarade,
Que lui seul, et voici qu’on le mène à la mort.
Pour le voir fusiller défile la parade ;
Et c’est nous, pour tirer, nous qu’a choisis le sort.


On arrive : ses yeux contemplent la lumière
De ce soleil de Dieu qui monte dans le ciel…
Mais d’un bandeau voici qu’on couvre sa paupière :
Dieu clément, donnez-lui le repos éternel !

Nous sommes neuf en rang, déjà prêts sous les armes.
Huit balles l’ont blessé ; la mienne, — de douleur
Leurs mains tremblaient, leurs yeux visaient mal sous les larmes, —
La mienne l’a frappé juste au milieu du cœur.

Imité de l’allemand.