Études poétiques (Lacaussade)/La Forêt coupée

Études poétiquesAlphonse Lemerre, éditeurPoésies d’Auguste Lacaussade, tome 1 (p. 153-154).

XIII

LA FORÊT COUPÉE


 
La forêt est coupée. Adieu, nobles ramures,
Bois sacrés que la brise emplissait de murmures !
L’oiseau n’a plus son nid sous vos dômes touffus ;
Le fleuve dans ses eaux ne vous réfléchit plus.

Contre l’ardent soleil plus d’ombre hospitalière ;
L’herbe abonde où passa la hache meurtrière.
Vieux amis, leurs grands corps sont couchés à mes pieds !
Ce fut un arbre en fleur, ce tronc où je m’assieds !

Là-bas, sur la montagne aux retraites ombreuses,
Nos ramiers ont porté leurs plaintes langoureuses ;
Le joyeux merle a fui ; tout se tait : — nulle voix
Ne redit pour mon cœur la chanson d’autrefois.

Brises qui sur mon front jouiez avec la feuille,
Vert silence des bois où l’âme se recueille,
Abris mystérieux à mes rêves connus,
O mes premiers amis ! qu’êtes-vous devenus ?


Comme vous, bois sacrés, couché dans la poussière,
De l’herbe sur mon sein, sous ma tête une pierre,
Bientôt je dormirai ! — mais, plein des jours passés,
Qui me rendra les pleurs que sur vous j’ai versés ?

Qu’importe ! Hâtez-vous, fugitives années !
Hâtez-vous ! l’heure est vide et mes fleurs sont fanées.
Pourquoi, tombeau vivant, survivre à ses beaux jours ?
Mon cœur est le sépulcre où dorment mes amours.

Imité de Cowper.