Le Sentier (Monavon)
LE SENTIER
Sentier charmant et solitaire,
Où chaque jour, d’un pas rêveur,
Je viens chercher avec mystère
Des mots pour la langue du cœur,
Que j’aime ta verte parure,
Ton silence, ô mon frais sentier !
Et ta printanière ceinture
Que brode la fleur d’églantier !
À côté de toi, dans la mousse,
Coule en paix un humble ruisseau
Dont l’onde murmurante et douce
Chante avec la feuille et l’oiseau.
Sous tes riants voiles d’ombrage,
L’air circule plus parfumé,
Et semble imprégné davantage
De la pure haleine de mai.
Plus belle est pour moi la nature,
Quand je la vois en écartant
Son mouvant rideau de verdure
Qui, sur mon front, tombe flottant ;
Et lorsque errant sous le feuillage,
J’écoute le petit oiseau,
Qui chaque jour, à mon passage,
Me salue en un chant nouveau…
Oh ! quelles ravissantes choses,
Oh ! quel charme intime et vainqueur,
Ta fraîcheur, ton onde et tes roses,
Me versent à flots dans le cœur !
Que de fois bercé par des songes
Au reflet brillant et doré,
Discret sentier ! leurs doux mensonges,
Sous tes berceaux m’ont enivré !
Que de fois, — gracieux fantômes,
Souriantes illusions, —
J’ai vu, devant moi, sous tes dômes,
Passer de blanches visions !
Mon cœur épris de rêveries,
Suit mieux, sous ton doux clair-obscur,
L’essor de leurs ailes chéries,
Leur sillon de rose et d’azur…
L’enchantement qui se respire
Dans ton parcours délicieux,
Entr’ouvrant ma lèvre au sourire,
Fait poindre une larme en mes yeux.
Avec des élans de tendresse,
Avec des soupirs de regrets
Mon âme rappelle l’ivresse
De ses souvenirs les plus frais,
De ses heures les plus légères,
De ses plus amoureux printemps,
De ses plus aimables chimères,
De ses espoirs les plus constants…
Et la Muse à mes vœux propice,
Perdue en tes méandres verts,
Sous mes pas sème avec délice
Des bouquets de fleurs et de vers !…
Sentier qui me vois solitaire
Revenir ainsi chaque jour,
Sentier créé pour le mystère,
Pour la poésie et l’amour.
Ô mon sentier de confidence,
Que ton ombrage bien-aimé
Garde toujours la souvenance
Des rêves d’or qui m’ont charmé !
Ô sentier, doux sentier que j’aime,
Plein d’ombre et de riants détours,
Puisses-tu demeurer l’emblème
Du chemin que suivront mes jours !…
Ah ! comme toi, puisse ma vie
Être paisible et sans écueil,
Et, par une trace fleurie,
Conduire mes pas au cercueil !