Flammarion (p. 100-110).

XII

La colombe apprivoisée

Isabella poussa un léger cri, un cri de femme surprise, blessée dans sa pudeur. Cette femme qui, cent fois, s’était dénudée pour danser devant une foule dont les yeux avides détaillaient ses charmes, à présent qu’un seul homme se trouvait devant elle, était effarouchée comme une nymphe surprise au bain. Et de ses petites mains, elle tentait de cacher le plus intime d’elle-même.

— C’est vraiment gentil à vous de me recevoir sans plus de cérémonie, dit Patrice d’un ton calme de mondain en visite.

— J’attendais l’habilleuse, murmura Isabella.

— Je l’ai rencontrée, dit Patrice railleur. Elle ne viendra ici que lorsque je sonnerai.

Isabella haussa les épaules.

— Mon cher, je n’ai pas besoin de vous pour la sonner, et je n’ai pas besoin d’elle pour vous mettre à la porte.

— Tiens, dit Patrice, comme s’il s’apercevait d’une erreur commise par inadvertance, pardonnez-moi, chère madame, j’ai oublié de mettre le verrou.

À l’instant même, il réparait son erreur.

Isabella s’écria, vraiment ou faussement mécontente :

— Vous êtes insolent ! Je croyais les Français plus respectueux.

Patrice s’inclina en souriant.

— Belle dame, je vous manquerais de respect si je m’en allais ! Du reste, j’ai des choses à vous dire. C’est pour cela que j’ai demandé à ce brave Antoine de m’indiquer votre loge.

— Vous saviez donc que je serais ici ? dit Isabella.

— Oui, par Antoine. Et Fancy ?

Elle a dû passer chez le costumier pour faire rectifier nos vêtements de plumes. Car nous jouons aujourd’hui le comte d’Andersen ; nous ne sommes plus des colombes, ce soir, mais des cygnes.

— J’aime mieux les Colombes, dit Patrice, et, pour moi, vous restez Colombe une. Comme j’aime mieux aussi votre costume actuel que n’importe quel vêtement de gaze ou de plume !

Isabella, qui commençait à oublier qu’elle était nue, voulut prendre une écharpe pour en couvrir au moins sa gorge magnifique. Patrice l’en empêcha.

— Non, je vous en prie… Vous êtes vous-même ainsi… Restez vous-même… Alors, vous voici hors des griffes de la Justice, vous et Fancy ?

— Oui. On n’a pas voulu retenir contre nous le délit… Comment appelez-vous ça ?

— Outrage public à la pudeur…, dit Patrice. C’est bien grossier quand cela s’applique à vous et à votre amie ! La Police en a commis un autre bien plus grave : Outrage public à la Beauté. Enfin, ils ont eu le bon esprit de renoncer…

— Mais, on nous a mises en prison, dit Isabella, une prison horrible. On a voulu nous mêler au meurtre de cette pauvre fille, c’était plus horrible encore ! Cette histoire nous a dégoûtées de Paris. Nous allons, dans deux ou trois jours, partir pour l’Égypte… Mais vous me disiez que vous aviez à me parler. Qu’est-ce donc ? Dites vite et laissez-moi. Je vais, dans un instant, être appelée en scène.

— Je ne me souviens plus de ce que je voulais vous raconter…

— Allez-vous-en, je vous en prie.

— Donnez-moi vos deux mains, et je pars, Colombe une.

Les deux mains formaient écran. Sans faire attention, elle les tendit, offrant toute sa chair splendide aux yeux convoiteurs de Patrice. Il se rapprocha, ébloui.

Elle murmura :

— Mon corps n’a plus aucun secret pour vous, voyons, Patrice.

— Si, le plus précieux, le plus émouvant. Le secret de votre étreinte, de votre caresse. Me le refuserez-vous ?

— J’aurais mauvais grâce à refuser ce que je vous ai donné déjà.

Au loin l’orchestre commença la Danse des Cygnes.

— Est-ce vrai ? Colombe chérie ? Ce que vous m’avez donné déjà ?

— Rappelez-vous… le Gazon Bleu… Voyons, vous ne m’aviez pas reconnue quand j’ai été vous voir ?… Moi je savais bien que c’était vous.

— Est-ce vrai ? Je voudrais tant savoir !

— Savoir quoi ?

— Si c’était bien vous que j’ai prise ou bien la Pierreuse.

— La Pierreuse que vous auriez ensuite assassinée ?

— Justement.

Elle éclata de rire.

— Rassurez-vous, cher ami, je vous jure que vous pensiez à toute autre chose qu’à tuer.

— Vous affirmez ?…

— Oui, j’affirme ! Mon souvenir est extrêmement net. Je regrette que le vôtre ne soit pas aussi agréable.

— J’ai gardé un souvenir inoubliable, mais confus quant à la personne.

— Ce n’est pas flatteur pour moi.

— Laissez-moi contrôler.

Elle le saisit par le cou.

— Résistez un peu, dit-elle, puisque nous recommençons. Parfait ! Et puis, ployez mon buste en arrière… plus fort. Ne craignez pas de me faire mal. Bon.

Mais la démonstration durait trop longtemps.

Patrice l’étendit en travers du divan, saisit entre ses lèvres la bouche ardente et murmura aussitôt :

— Oh ! c’est toi, ma Darling. Je te reconnais. C’est toi, la femme du Gazon Bleu, je retrouve ta saveur, tes gestes, ton parfum. C’est toi que j’ai possédée, et que je possède encore.

— C’est moi, Patrice, moi qui n’avais pas oublié notre accord, et qui m’en réjouis de nouveau.

Il retrouva Dominique dans l’auto. Elle avait vu danser les deux amies magnifiques et elle avait fui la fête, se débattant contre une jalousie cruelle, désespérée qui la torturait à l’évocation de tout ce qu’elle pressentait sans y pouvoir rien.

Il monta vivement, prit le volant, et démarra.

— Je suis un peu en retard, dit-il maladroitement. Tu m’excuses ?

— À une condition, c’est que tu ne mentes pas.

— Pourquoi mentirais-je ?

— Tu m’as quittée ce soir pour retrouver les danseuses… la plus belle des deux, sans doute. Pourquoi ?

Il balbutia :

— Pour savoir avec qui j’étais le soir du Gazon Bleu, et si j’ai tué vraiment la Pierreuse.

— Et retrouvant Isabella, tu l’as reconnue, comme étant ta compagne du Gazon Bleu… et vous avez recommencé… Ah, Patrice, quelle abomination !

Elle se tut. Lui aussi demeura silencieux. Il s’aperçut qu’elle pleurait.

— Ne m’en veux pas, Dominique. Je ne pouvais plus vivre avec cette hantise de crime. J’en suis délivré maintenant.

— Oui, au prix d’une nouvelle faute ! Au prix d’un acte semblable au premier… et conscient cette fois-ci…

— J’avais besoin de m’étourdir, d’oublier. Les accusations de Julot contre toi m’ont bouleversé.

— Une mauvaise action, dit-elle, ne donne pas l’oubli.

La voix brisée, elle acheva :

— Je t’en supplie, Patrice… Comprends bien ce que tu as fait. Nous sommes déjà assez malheureux tous les deux. Nous n’avons pas le droit de nous infliger volontairement des suppléments de douleur intolérable… Notre peine à chacun suffit.

— Pourquoi cet homme a-t-il dit de telles horreurs ?

— N’y crois donc pas.

— Les femmes ne veulent jamais que l’on croie, même à l’évidence.

— L’évidence n’est pas toujours la vérité. Et puis, rien, quand même, ne te donne le droit de me faire souffrir ainsi.

Elle dit ces mots avec tant de détresse, qu’il s’écria :

— Tu as raison. Pardonne-moi. C’est fini. C’est fini.

— Tu ne la reverras plus ?

— Jamais. Ni elle, ni aucune autre.

— Tu me le jures ?

— Je te le jure.

Elle allait répondre, s’interrompit soudain :

— Regarde là-haut !… notre appartement !

Patrice modéra l’allure de l’auto. Il leva les yeux. À cent mètres de distance, visible par-dessus des constructions basses qui le précédaient, on pouvait distinguer l’immeuble que les Martyl habitaient et, au septième étage, les fenêtres de leur appartement qui étaient éclairées.

— Qu’est-ce que cela veut dire ? demanda-t-il. Les domestiques peut-être ?

— Non, ils avaient congé ce soir. C’est la police, sans aucun doute, murmura nerveusement Dominique toute tremblante, le brigadier Delbot qui nous poursuit, qui est venu nous arrêter.

— Impossible, protesta Patrice à voix basse. On n’arrête pas les gens à cette heure, sauf en cas de flagrant délit. La loi est formelle.

Il rangea la voiture devant chez eux, au ras du trottoir. Il mit pied à terre, suivi de Dominique, sonna et se précipita dans l’ascenseur. Pourquoi venait-on dans leur appartement ?

La menace était là, effective, immédiate…

— À moins que ce ne soit une perquisition ? reprit Dominique.

— Ce serait complètement illégal. Mais Delbot qui nous hait, n’en est pas à ça près. Il risque tout pour nous confondre. Il a tenté une visite nocturne, sachant que nous n’étions pas chez nous, et il a forcé la porte pour avoir le loisir de fouiller partout et de trouver des preuves.

Ils quittèrent l’ascenseur au septième étage, leur porte était fermée, sans trace suspecte. Patrice ouvrit doucement.

Le grand salon, le petit salon, étaient éclairés. Par l’enfilade des portes, grandes ouvertes, on voyait là-bas, dans le cabinet de travail, éclairé lui aussi et en grand désordre, un individu à genoux qui examinait le coffre-fort.

— Tu vois, Dominique, tu vois ! Il a du culot !

Son revolver à la main, Patrice, sans bruit, courut jusqu’à son cabinet de travail et saisit par la nuque l’homme, qui se retourna avec un juron étouffé.

Ce n’était pas Delbot. C’était… cette lourde carrure, ces cheveux blonds roux, ces yeux impudents, c’était…

— Vous ne me reconnaissez pas, patron ? railla l’homme qui ne paraissait pas éprouver la moindre crainte.

— Qui es-tu ? Réponds vite, sinon !…

— Pas de menaces. Vous n’y gagneriez pas. Alors quoi, faut que je me présente ?… sans blague ? Madame sait bien qui je suis, elle, elle me connaît bien.

— Moi, je vous connais ? balbutia Dominique.

— Mais oui, voyons !… Julot ! le vrai Julot ! Pas l’empoté qui s’est fait pincer dans la forêt de Marly. Le Julot numéro un. Le seul, l’authentique, celui du Gazon Bleu, celui de madame.

Il eut un rire ignoble.

Patrice avait saisi sur la cheminée un lourd vase de bronze qui manié par une main vigoureuse, pouvait être une terrible massue.

— Laisse-moi faire, lui dit avec décision Dominique en l’écartant.

Courant jusqu’au bureau de Patrice, elle y avait pris le revolver déposé par lui et, revenue, braquant l’arme sur le bandit :

— Assez de mensonges et d’insultes, misérable ! Sinon, je t’abats…

Son visage exprimait une résolution farouche, implacable. Et l’on pouvait deviner dans toute son attitude ce qu’elle aurait eu de joie à supprimer l’ignoble individu.

Lui, il s’était mis debout, en face du ménage. Inquiet, il recula d’un pas et plaisanta, le sourire faux :

— Vrai, vous me faites rigoler, tous les deux. Du scandale alors ? Voilà ce que vous voulez ? Allons, allons, calmez-vous. Pas de chichis, c’est malsain. Je vais vous prévenir : Delbot et ses petits copains sont embusqués sur le palier. Ils m’ont en planque. Sûr ils vont s’amener. Mais pour l’instant nous sommes seuls. Profitons. Après quoi, je m’esbigne en homme du monde, par l’escalier de service.

— Pourquoi êtes-vous venu ici, dit sèchement Patrice, pour cambrioler ?

— Mais non, patron. Je suis venu, comment dire ça… pour récolter.

— Récolter ?

— Ben oui. Ce que cette moule de Julot, l’autre, avait semé, avant de se faire prendre comme un engourdi à Marly. Évidemment, c’est pas des trucs qui me plaisent, mais enfin, il a commencé, faut bien finir le boulot.

— Expliquez-vous nettement, rapidement, dit Patrice qui commençait à deviner les intentions de l’individu.

— Nettement et rapidement, approuva le bandit, j’aime ça. Donc, comme Fifi la Gosse plaisait à Caboche, je la lui ai prêtée, moyennant le partage des bénéfices, comme de juste, c’est une môme qui me rapporte gros. Or, c’est elle qui a volé le collier de perles, et je connais l’endroit où Caboche l’a caché. Je vous le revends. À 400 000 balles. Pas un sou de moins.

— Après ?

— Après ? Je lui ai repris idem l’étiquette du panier de champagne, avec votre nom et votre adresse écrits par le patron du restaurant.

— Alors ?

— Alors, je vous vends mon silence, ma discrétion. Pensez au scandale que je peux provoquer en me mettant d’accord avec votre ami Delbot. La honte pour maître Martyl et sa dame, impliqués dans une affaire d’assassinat !… sans parler de la rigolade avant. Allons, voyons, patron, ça vaut combien pour que je vous évite le plongeon ? Fixez votre prix. Nous avons dit : le collier, quatre cents billets… Et le reste, à combien que vous estimez ça ? Cinq cents billets ? Six cents ? Sept cents ?

— Bref, un million ? dit froidement Patrice. Un million, d’accord.

Le bandit réprima un sursaut de joie cupide, presque effarée, à cette réussite soudaine et qu’il n’escomptait pas.

— Mais, pas de chèque ? des fafiots !

— Un million en billets de banque.

— Je l’aurai quand ?

— Demain, à la fin de l’après-midi. Le temps de réunir la somme.

Julot réfléchit un instant, et conclut :

— Soyez ici chez vous demain entre quatre et cinq de l’après-midi. Je vous téléphonerai l’endroit où vous devrez me rejoindre avec le fric. Mais, vous jouez franc jeu ?… sans blague ?… C’est pas un piège que vous me tendez, hein ?

Les yeux de Patrice se fixèrent sur ceux du bandit.

— Non, dit-il, ce n’est pas un piège.

— Vous le jurez ?

— Sur l’honneur, si ce mot a un sens pour vous, répliqua simplement Patrice.

Julot ne sourcilla pas. Il allait répondre quand là-bas, la porte de l’antichambre s’ouvrit sans plus de difficulté que si elle n’avait pas été fermée et qu’il n’y eût eu qu’à la pousser. Delbot, suivi de deux hommes, s’avança vite jusqu’au cabinet de travail.

— Excusez-moi, mon cher maître, dit le brigadier sur le seuil, j’ai vaguement entendu. Un chantage d’un million, peste ! et vous passez par là ? Faut-il que vous soyez inquiet ! Et qui est le maître-chanteur ? railla-t-il. Mais je le connais, il me semble…

Le bandit haussa les épaules :

— Qui je suis ? Julot, le vrai, le seul, l’unique Julot !

Delbot appela ses hommes.

— Andermatt, viens donc me ficeler ce paquet. Julot ! Enfin, nous le tenons ! On y a mis le temps, mais ça y est !

Julot repoussa violemment l’inspecteur qui déjà le saisissait :

— Un instant, monseigneur, je veux bien le cabriolet de fer. Mais je veux des compagnons… Ces deux-là…

— Maître Martyl et madame Martyl. Allons, parle ! Qu’ont-ils donc fait ?

— Des choses qui valent la peine d’acheter mon silence au prix d’un million.

— L’argument a du poids, déclara Delbot. Mon cher maître, encore toutes mes excuses, mais mon devoir est d’agir.

— Le mien aussi, fit Dominique, en appuyant le canon du revolver sur sa tempe.

— Moi d’abord, protesta Patrice.

— Non, non, dit-elle, je ne veux pas te voir mourir. Tu me suivras. Comme cela pas de prison. Pas de scandale. Pan ! pan… et ce sera fini.

Julot intervint.

— Tout bien réfléchi, messieurs, vous n’aurez mon témoignage contre ces braves gens, et l’étiquette du panier à champagne… vous savez, le bout de ficelle qui s’ajuste à celui que vous avez déjà… que si je n’ai pas mon million. Remettez mon arrestation à demain.

Delbot, après un geste de colère, s’inclina en souriant :

— D’accord. Je n’ai qu’un défaut, mais il est capital. Je veux toujours aller trop vite en besogne. Un peu de patience et l’affaire est dans le sac. À demain donc. Mais tu parleras.

— C’est convenu… À moins que je n’aie un million.

— J’ai promis, dit Patrice.

— En ce cas, je ne vous trahirai pas, maître Martyl.

Le brigadier Delbot haussa les épaules. Personne ne pouvait lui échapper.

Le lendemain, dès la première heure, Patrice commença ses démarches pour réunir l’argent nécessaire. À trois heures et demie, il rentrait chez lui, porteur d’une petite sacoche de cuir où les mille billets de mille francs étaient enfermés.

— Ça ne te révolte pas de donner à ce misérable tout cet argent ? lui demanda sa femme.

— Bah ! nous sommes jeunes. On travaillera. Aujourd’hui l’essentiel est que Delbot ne m’empêche pas de rencontrer Julot et d’acheter son silence. Sans son témoignage la police ne pourra rien contre nous.

Quelques minutes avant quatre heures, le téléphone tintant les fit sursauter.

— C’est notre homme, murmura Dominique.

— En avance ! Il est pressé de toucher, dit Patrice avec un rire sec.

Il décrocha l’appareil, eut un mouvement brusque, et d’une voix sourde :

— Ah ! c’est toi, Richard ?

Du geste, il appela Dominique pour qu’elle prît l’autre écouteur.

La voix de Richard au bout du fil répondait :

— Oui, c’est moi, Richard. Je vous téléphone de Meudon.

— Ah ! tu es à Meudon ? demanda Patrice.

— Oui, mes parents sont en voyage pour tout l’été. Ils m’ont laissé leur villa, où je suis installé depuis une huitaine avec mon valet de chambre.

— Et qu’y a-t-il de nouveau ? demanda Patrice.

— Des choses graves ! Voici : Julot, le vrai, a découvert, je ne sais comment, ma retraite. J’ai eu sa visite. Ultimatum : deux cent mille francs à lui verser avant quatre heures. À ce prix, il se taira. Alors, j’ai averti le brigadier Delbot qui le pincera, avec ses complices s’il en a, dès l’arrivée ici.

Le visage de Patrice se contracta.

— Mais tu es fou, Richard ! Il ne fallait prévenir personne. Cet homme, arrêté, parlera ! Il faut empêcher à tout prix son arrestation !

— Tu en as de bonnes, toi ! Protéger les crapules, ce n’est pas mon genre ! D’ailleurs, il est trop tard. Se défiant de moi, et aussi sans doute de ses acolytes, le sieur Julot est venu une heure plus tôt qu’il n’avait dit. Alors mon domestique et moi, nous nous sommes emparés de lui, non sans peine, nous l’avons solidement ficelé. Dans vingt minutes Delbot, à qui je viens de téléphoner, arrivera.

— Et trois minutes après, Julot nous dénoncera. Tu as bien fait de m’avertir. À tout prix il faut l’empêcher de parler. Détache-le, dis-lui que son million est prêt et qu’il n’a qu’à venir le prendre chez moi.

— Un million ! Tu donnes un million ! C’est fou !

La communication coupée, Patrice calcula.

— Dans une heure et demie, si Richard relâche Julot tout sera réglé. Sinon, avant six heures, Delbot sera ici.

Ils attendirent. Attente intolérable. Le dénouement redouté approchait. Ils ne pouvaient compter sur aucun recours.