Le Satanisme et la magie/Livre II/Chapitre VII

Ernest Flammarion (p. 296-318).


CHAPITRE VII
L’ENVOUTEMENT D’AMOUR


I
LE NOUEMENT DE LAIGUILLETTE


J’avoue ne pas me trouver très à l’aise au milieu de ces prescriptions du grimoire, qui s’enchevêtrent à l’obscure génération. Ici la magie relève davantage de Brantôme que d’Agrippa. En tout cas, je serais assez disposé à bénir, à remercier du moins le bon diable noueur d’aiguillette ; il semble boucher les conduits d’égout, refréner la vieille bestialité hennissante, il frappe et lie le petit démon de chair qu’il déchaîna trop souvent et par lequel tant de bassesses et tant de trahisons s’accomplissent. Certes, l’ordure humaine tarie par le Diable, c’est drôle ; mais ce n’est pas sur le débauché que le sort s’acharne, bien plutôt sur le paisible et légitime époux. Allons, ne félicitons pas trop d’avance le malin astringent de l’amour ; c’est un collaborateur d’Onan, un malthusien excessif et en délire…

Dirai-je sans rougir après le R. P. Crespet, prieur des Célestins de Paris[1], les méthodes « dont use le Diable pour empêcher l’effet du mariage ? » De Lancre y raffine plus, dirait-on[2]. Je tempérerai, s’il se peut, leur double faconde, tout en sauvegardant leur naïveté :

Si j’ai bien compté, il s’en trouve jusqu’à onze :

Satan ôte la puissance d’engendrer :

« 1° par certaines racines d’herbes et jus qui refroidissent et rendent sans chaleur ; 2° en distrayant et séparant les corps de peur qu’ils ne s’accouplent ; 3° si la nature est inerte ; 4° en aliénant la volonté de l’une des parties non de l’autre pour la transporter ailleurs ; 5° en estoupant les conduits de la semence de peur qu’elle ne découle au vaisseau propre à engendrer ; 6° en empeschant l’élancement des esprits esquels la vertu de se remuer consiste et en retenant les membres ; 7° en persuadant à l’un que l’autre est difforme et mal accompli et qu’avec cela il lui est couvertement ennemi et fort contraire ; 8° en assaillant et saisissant le corps du mary ou de la femme et perturbant les mouvements de leurs esprits ; 9° en fermant la nature, ou y faisant trop grande arctitude, ou resserrant et ôtant à l’homme sa génitalité ; 10° en inspirant un invincible dégoût au mari et à la femme, quand, incités par le Diable, ils en viennent aux embrassements ; 11° lorsque le Démon enchâsse l’homme avec la femme d’une telle façon qu’ils se trouvent liés et pris comme avec de la glu et si puissamment qu’à peine les pourrait-on disjoindre. »

Ce dernier procédé vraiment baroque est relaté par de Lancre qui en donne comme preuve l’exemple suivant. « Dans la ville de Tarente, cette manière de liaison était si forte que souvent on mettait les personnes liées en la façon des chiens accouplez, sur une perche, le mâle d’un costé, la femelle de l’autre, en forme de balance propre pour peser leur crime ou forfait, les exposant à la risée du peuple comme un spectacle monstrueux avec une huée et acclamation si grande qu’il semblait que Dieu se fût servi de la main du diable comme de celle d’un bourreau pour exécuter cette sorte de supplice envers des gens qui l’avaient bien mérité. » Et le spirituel écrivain ajoute non sans judiciosité : « Si l’on exigeait semblables peines de tous adultères ou concubinaires, la peine et l’infamie seraient plus notables et cent fois plus griefves que la mort. »

Je crois, malgré de hasardeuses anecdotes et toutes les surprises normales de la physiologie, qu’un magicien, pouvant actionner l’esprit et le corps d’un être sous sa dépendance, saura susciter ou éteindre en lui l’amour et ses forces nerveuses. Là surtout, il semble qu’interviennent les nerfs ; donc les ligatures ne sont pas un mot vain, un rite vide. La suggestion seule a suffi pour commander à l’éréthisme ; nos hypnotiseurs le savent. Or, dans toute opération magique, la part d’hypnose et de magnétisme, on ne saurait la contester.


En somme, nouer et dénouer l’aiguillette, jeu banal au lemps passé ; les grimoires enregistrèrent les plaisantes pratiques de l’enchaînement du sexe ou de sa délivrance. Je me garderai de les citer toutes ; nous serions vite saturés de superstition, car, à quelque symbolisme près[3], et en acceptant comme probable l’efficacité de certains gestes condensant l’opératoire vouloir, tout le reste s’ironise de possible mystification et d’un évident charlatanisme.

Le Petit Albert recommande une cérémonie adroite pour endiguer les agitations de Vénus. « Ayez, dit-il, le nerf d’un loup nouvellement tué ; puis, étant proche de celui que voulez lier, vous l’appellerez par son nom et aussitôt qu’il aura répondu vous lierez ce nerf avec un lacet de fil blanc et l’homme sera si inapte qu’il ne le serait pas davantage si on l’avait châtré. » Pour rendre inoffensif ce charme, le même livret prescrit de porter un anneau dans lequel soit enchâssé l’œil droit d’une belette !

D’autres opuscules indiquent, pour cet envoûtement, la peau d’un chat ou d’un chien, à nouer trois ou neuf fois ; cracher à trois reprises dans son giron ou sur la poussière et dire tout bas des mots de malédiction pendant que le prêtre bénit le mariage. Alors, pour dénouer, il est nécessaire que l’homme se débonde par l’anneau nuptial, un vendredi matin au soleil levant, en prononçant trois fois : Yemen[4].

L’analogie et le symbolisme étant la méthode et la langue mystiques, la recette de ce maléfice paraîtra moins inepte. Les poètes d’ailleurs se chargèrent de le rendre aimable, et Virgile dans l’Églogue VIII l’affuble de coquetterie :

Necte tribus nodis ternos, Amarilli, colores,
Necte Amarilli, modo : et Venons, die, vincula necto.

(C’est trois fils, trois rubans de couleurs diverses qu’il faut nouer en trois nœuds et en s’écriant : « Je noue les liens de Vénus. » )

Saint Augustin, saint Jean Chrysostome, saint Jérôme n’omettent pas les ligatures, et un décret du Canon va jusqu’à s’incliner devant elles, à reconnaître que si elles persistent, le Diable n’a été alors qu’un instrument de Dieu[5].

Ces nouements de l’aiguillette nous semblent bien matériels à côté de certains freins antipassionnels cités çà et là dans l’énumération du R. P. Crespet et de Pierre de Lancre. En effet, ce ne serait plus parfois l’organe qui serait ligotté, mais la faculté elle-même. Il semble alors qu’un peu d’incubat se mêlerait à l’impuissance d’aimer[6].

Tantôt un fantôme sépare les lèvres conjugales, tantôt en l’ardeur de la concupiscence une autre ardeur vraiment infernale se lève, une haine qui fait blasphémer et mordre ; et les douces étreintes s’achèvent en égratignements et en lacérations sous l’œil joyeux d’un invisible ennemi.


II
LINCANTATION DAMOUR


Rite classique, car Théocrite et Virgile en font les frais, rite dont la grâce m’a pénétré, rite d’amour qui m’a rempli d’amour. Tout y est rythme, incantation et « charme » dans le sens absolu du terme, chef-d’œuvre[7]. J’avoue que l’amante rappelant avec de telles caresses de syllabes et de gestes l’amant, c’est humain comme un soupir de détresse, comme l’amplexion vide jetée dans le vent chaud.


« Je vis sa barbe dorée et sa taille robuste, chante-t-elle, ma beauté fut blessée, je ne sais comment je pus revenir à la maison et je suis restée couchée dévorant mon angoisse. »

Et elle a la tentation de la vieille enchanteresse, tout de suite ; mais l’enchanteresse lui prend son or et ne lui apporte pas son amant. Il faut qu’elle aille le chercher elle-même, qu’elle gagne cet homme, d’abord par la naturelle magie de son désir. La plainte reprend, comme mouillée cette fois par la rosée d’amour :

« Quand il franchit mon seuil, la sueur tombe de mon front… je ne puis ni partir, ni même bégayer comme font les petits enfants qui rêvent de leur mère… mon sang est figé… mon beau corps de plâtre. »

Certes il a dû la prendre, brutal et doux ; il n’est pas fait pour attendre, s’attarder aux préliminaires étant si robuste ; mais il est frivole, il se lasse vite de cette énamourée qui tombe en catalepsie pour un baiser. Délaissée, elle gémit, regrette qu’il ne veuille même plus s’asseoir chez elle pour boire à la vieille amphore ou au jeune flacon. À la fenêtre elle le suit des yeux. Que fait-il l’ingrat ? il orne de guirlandes la nouvelle maison qui l’attire.

Cette fois, elle n’y tient plus. Bien sûr elle ne retournera pas chez la menteuse enchanteresse, elle l’enchantera elle-même avec ses philtres — ou elle mourra !

Elle mourra, comprenez-vous ? L’œuvre magique, sauf pour l’incurable et natif pervers, c’est la ressource suprême du désespéré, la prière sacrilège de qui se noie, le vœu au saint des causes quasi perdues…

Elle mourra… non ; l’égoïste instinct se réveille. Non, non, pas elle, mais lui, lui mourra.

« S’il m’outrage encore, décide-t-elle, il frappera à la porte de l’Hadès grâce à ces poisons que je garde dans un corbeille et que me remit un hôte assyrien. »

Ah ! philtre d’amour, philtre de haine ! Les deux envoûtements se regardent, fantômes aux yeux absents et sur leurs magiques écheveaux le ciseau des Parques pend.


La scène est dans l’impluvium à ciel ouvert. Un frais matin s’annonçant à peine dans le départ tout pâle de celle qui est tantôt Selène la sereine, tantôt Hécate la sanglante ; la terre, si grasse de germes, si avide matrice, voilà la complice, la bonne commère ; sur son flanc d’un pied rapide et inquiet l’infidèle reviendra. Merci, entremetteuse des prairies dont les plantes alanguissent, dont les arbres ombreux convoquent au baiser. Ton époux, le ciel, ce voluptueux infatigable qui pleut jusqu’au fond de ton sein, alternativement, des rayons et des larmes, il sourit dans sa barbe de nuages… Lui aussi, il aime qu’on s’aime. Bon Ciel, tu collaboreras au charme. Si la terre fournit les fleurs, les herbes, les breuvages, le ciel accorde ses oiseaux ; tout est bien. La Nature s’allie en faveur de la Femme.

Qu’il s’appelle Delphis ou Daphnis (ou autrement), l’homme est perdu ou plutôt il a tout gagné. Car qu’exige-t-on de lui ? Quel supplice ?… un robuste et long baiser.

La servante seconde sa maîtresse en les préparatifs pieux ; le chien les a suivies, il veut être de la fête.

La petite Amaryllis apporte de l’eau, ceint l’autel de molles bandelettes, brûle la verveine grasse, l’encens mâle.

« Le lâche ! ses sens dorment auprès de moi ! s’écrie la magicienne, il faut que mes chants les réveillent. Il les entendra de la ville, qu’il le veuille ou non, de la ville où il boit auprès de moins belles. Comment douterai-je du miracle ? Les incantations de Médée ont fait descendre la lune, comme un tendre oiseau, qu’appelle une main amie, pleine de grains. Circé avec des paroles métamorphosa les compagnons d’Ulysse. Si la voix est puissante, elle peut même rompre la perfide couleuvre qui s’achemine vers la victime endormie. »

Tout cela est riant, purifié par la santé, le ciel latin, ne ressemble pas aux entreprises louches des nécromants au fond des caves. L’étoile du matin bleuit à l’horizon, l’air remplit les poumons de joie. Encore quelques rares aboiements qui saluent le départ de la déesse au carrefour. Amaryllis frappe l’airain, agite la cloche mystique en l’honneur d’Artémis.

« Et d’abord, inaugure la prêtresse nouvelle, je verse trois libations à la déesse en cette coupe qu’entoure la rouge toison d’une brebis. Trois fois je crie : « Qui que ce soit qui dorme à ses côtés, qu’il l’oublie comme autrefois Thésée oublia Adriadne ! »

« Voici l’image du Bien-Aimé ! Elle est là sur l’autel, aussi inerte que lui, qui n’est inerte que pour moi seule ! Allons, Amaryllis, apporte trois rubans de diverses couleurs, je vais lier cette image trois fois et trois fois, elle sur mon cœur, je tournerai autour de l’autel. Il n’en pourra plus aimer d’autres. J’ai noué cette image, je l’ai noué lui-même, ce sont [les liens de Vénus, mes liens ; il ne bougera plus d’auprès de moi et auprès des autres il n’aura plus de gloire.

« Ah ! mes chansons puissantes, mes puissantes chansons, ramenez-moi le Bien-Aimé.

« J’ai fait de lui deux poupées, l’une en argile, l’autre en cire. L’argile durcit au brasier que tu attises. Amaryllis. La cire fond au-dessus des mêmes flammes. Qu’il en soit de même pour notre amour. Qu’il soit insensible à celles qui le tentent, qu’il soit tout ruisselant, tout faible dans mes bras !

« Bergeronnette magique, ramène-moi le Bien-Aimé.

« Vois comme elle tourbillonne, la chère oiselle, au-dessus des fumées et des fleurs. Mes paroles la retiennent ; qu’elle soit la messagère ailée de mon cœur.

« Ah ! mes chansons puissantes, mes puissantes chansons, ramenez-moi le Bien-Aimé.

« Jette cette pâte, le Bien-Aimé fondra tout comme elle ; allons, Amaryllis, embrase au bitume ces fragiles lauriers ; que cette farine soit sacrifiée aussi. Le cruel Bien-Aimé m’a torturé dans les flammes jalouses ; dis : « Ingrat, à ton tour que tes nerfs pétillent comme ce laurier ; comme j’ai répandu cette farine, je répands les os du Bien-Aimé[8]. »

« Bergeronnette magique, ramène-moi le Bien-Aimé.

« Regarde au flanc du coteau, Amaryllis, tu vois cette génisse qui, de fatigue, s’étend au bord du ruisseau ; elle a cherché longtemps le jeune taureau fugitif, de colline en colline, et maintenant elle a oublié l’étable tant elle est lasse ! Qu’il en soit de même pour le Bien-Aimé, qu’il souffre de ne pas m’avoir, et que me vengeant je ne le guérisse pas de son mal !

« Ah ! mes chansons puissantes, mes puissantes chansons, ramenez-moi le Bien-Aimé.

« Voici les reliques de nos baisers, cette boucle que je lui ravis pendant son sommeil, ses lettres mensongères et si douces, et ces colliers aussi qu’il me donna, croyant que mon amour serait moins âpre parce qu’il m’aurait faite plus belle ! Amaryllis, je sais le secret et à voix basse je te le confie, porte tout cela, empaquète-le avec soin dans un lézard écrasé, et confiant ce puissant mélange à Cérès, notre amie, enfouis-le sous le seuil de sa maison à lui… tu sais, au carrefour… et dis : « Terre, je les dépose dans ton sein ces reliques magiques, elles me doivent le retour du Bien-Aimé[9]. »

« Bergeronnette magique, ramène-moi le Bien Aimé.

« Il ne vient pas, il ne vient pas… la mer et les vents se taisent ; mais non le mal de mon cœur. Puisqu’il le faut, passe-moi les herbes vénéneuses que le sorcier me vendit, elles changent en loups les hommes, elles font sortir les mânes des tombeaux… peut-être arracheront-elles au sépulcre de son oubli le Bien-Aimé.

« Ah ! mes chansons puissantes, mes puissantes chansons, ramenez-moi le Bien-Aimé.

« Servante, porte ces cendres hors de l’impluvium ; sans regarder derrière toi, jette-les par-dessus la tête dans le ruisseau… Hélas ! En vain j’attaque le Bien-Aimé avec ces débiles armes. Lui se rit du charme, lui se rit des Dieux…

« Bergeronnette magique, ramène-moi le Bien-Aimé.

« Mais qu’y a-t-il ? Oh ! l’heureux présage ; au moment où tu enlèves les cendres, une flamme en jaillit qui vient d’envelopper tout l’autel. Et puis Hylax, le bon chien, aboie dehors… C’est lui ! c’est lui ! il court à perdre haleine. Sa barbe dorée est plus blonde que le soleil levant, il suit la Bergeronnette qui le devance, et il tend l’oreille comme pour écouter des sons mystérieux.

« Épargnez-le, ô mes puissantes chansons, épargnez-le, puisque voici le Bien-Aimé !


III
LES RECETTES DAMOUR


Les poêles ont songé à la femme ; ils lui ont écrit en délicieux et pénétrant langage son rituel invincible de défense et même d’assaut[10]. Les alchimistes, les herboristes, les astrologues, les gribouilleurs de grimoires oui surtout recherché la clientèle des hommes ; ils s’inquiètent de leur procurer les voluptés les plus délicates en enchaînant davantage encore la pauvre Ève affolée. Comme s’il ne suffisait pas déjà des lois, des cultes pour précipiter la femme, battue, violentée, suggérée, aux pieds du mâle ! Ah ! il faut toujours davantage au despote sensuel[11].

J’avertis que je ne laisserai pas renifler aux cuisines des livrets sataniques, dont les sauces répugnantes ou sottes, trop souvent demeurent, je l’espère, inoffensives.

Il en est pourtant de touchantes et jolies ; la plupart ont leur logique à elles, employant le sang des animaux lascifs, colombe, moineau, caille, belette, suscitant les attraits avec la pierre qui attire, la pierre amoureuse, « l’aimant » ! célébrant le vendredi, ayant le culte du côté gauche, du doigt annulaire et, vraiment subtiles en leur flair de tendresse, s’abreuvant au lait d’une femme qui allaite son premier enfant mâle !

Le Raphaël de Lamartine semble avoir utilisé la délicieuse conjuration à l’Étoile du matin, à l’Astre du Berger, à l’astre du sorcier donc ! Fleur délicate, épanouie en ces toxiques lys en une atroce pharmacie, aux odeurs d’abattoir[12] !

Je diviserai les envoûtements d’amour en trois classes : la première se rapprochant du rite de Théocrite et de Virgile, usant de la poupée et du chant, la deuxième influençant les mets solides ou liquides, fruits, viandes ou breuvages ; la troisième, les philtres, c’est-à-dire le plus souvent les liquides aphrodisiaques, les plantes, des pierres talismaniques ou aimantées.

Ricordi, adorateur des Diables et Carme, fabriquait des manies à la ressemblance des plus belles femmes de Carcassonne et de Toulouse ; il les aspergeait avec le sang des crapauds, le flux rouge de ses narines, l’écume de sa bouche, et les vouait à Satan. Porté par les vents dit un vieil historien, le Diable entrait dans ces effigie frémissantes. Le Carme se rendait de nuit devant les maisons de ses amours, et les femmes descendaient, appelées par les simulacres posés sur le seuil. Puis, il jetait ses amulettes dans l’Ariège. En reconnaissance, il sacrifiait à Satan un papillon.

« Si la femme est vierge, dit la Clavicule[13], fais une effigie de cire vierge, sinon sers-toi de cire commune. Auparavant tu prononceras cette prière :

« Venus, Amor, Astaroth, — je vous conjure vous trois, ministres de lamour et des fornications, — par Celui qui peut tout détruire et tout édifier et par tous les noms de Celui qui sait chaque jour vous contenir, — de consacrer cette cire convenable à mes desseins. Confirmez-la, afin qu’elle obtienne la vertu nécessaire, par la crainte du Très Saint Père Tout-Puissant Adonay, dont le règne est sans fin, dans les siècles des siècles. »

Puis en t’inclinant profondément écrie-toi :

« Viens de ton siège sacré, Adonai, afin que ton pouvoir redouté se joigne à notre volonté ! »

Cela dit, sculpte l’image et sur elle prononce cette consécration :

« O toi, Oriens, roi qui commandes l’Orient et dont l’empire n’a pas eu de commencement, ô Payon, roi de l’Occident, ô Amaymon, roi grand, qui domines les plages australes, ô toi Egyn qui règnes au septentrion, — moi je vous invoque doucement et instamment et vous prie — par celui qui a parlé et il a été fait et d’une seule parole a tout créé — et par le nom saint de Dieu — de pénétrer et de confirmer cette effigie afin que s’accomplisse mon désir par le très puissant nom d’Adonay. »

Tu mettras ensuite l’image à la tête de ton lit. Elle viendra le troisième jour ou t’enverra un message !

De la sorte, le magicien imagine clore à la résistance de l’aimée, chaque coin de la terre ; et confluent sur Teffigie les irradiations des quatre espèces d’esprits, pour douer d’irrésistible pouvoir la volonté opératoire descendue en la cire ; parfois il dessine un cœur à cette image et le pique avec une épine de citronnier en disant ; « Ce n’est pas toi que je perce, c’est le cœur, l’âme, le soutien, les cinq sens et tous les membres de… afin qu’elle ne puisse rien avant de venir accomplir mon dessein. »

Jean Wier raconte que l’on façonne une image à l’heure de Vénus, qu’on y inscrit son nom à elle, qu’on y appose un caractère et qu’on V « échauffe » près du fourneau en pensant à un ange, qui ainsi sera de connivence[14].

« On a accoutumé, ajoute Wier avec une horreur louable, de composer un semblable monstre pour faire que quelqu’un obéisse en tout et partout. »


Les cheveux servent beaucoup à l’amour ; celui qui enchaîne ses cheveux aux cheveux de son amie, celui qui, un cierge à la main, a offert trois fois à l’autel un peu de la douce crinière chérie, tant qu’il la portera sur lui, dominera le cœur hésitant. On peut aussi les lier de fleurs et jetant ce lac d’amour au feu, dire : « Ure, Sancte Spiritus, penes nostros et cor nostrum, Domine. »

L’hippomane triomphe encore dans la légende : très efficace, chantent les grimoires et les poètes ! Mais, sait-on bien ce que c’est ? la crête d’un poulain, l’écume d’une jument en rut, ou une plante, qui ne pardonne pas, l’euphorbe ou la stramoine ?

C’est la pomme, de tous les fruits et « agents provocateurs de gourmandise », celui qui se prête le mieux au rôle de truchement érotique. Lorsque les sorciers veulent rendre quelqu’un démoniaque, ils lui offrent des pommes ; en quoi, constate Boguet, Satan renouvelle la voie par laquelle il tenta nos parents premiers, Ève et Adam ».

La Clavicule exhorte, afin que ce fruit soit souverain, à le parfumer et à l’asperger avant de le cueillir. Il faut dire ensuite sur lui : « Dieu, vous qui avez fait Adam et Ève des quatre éléments, — de même que Ève communiqua vraiment à Adam le mal et l’a fait pécher — de même vraiment qui mangera de ce fruit fasse toujours ma volonté. »

Des exécrations plus importantes s’étendent à tous les mets. Celle-ci en fait foi :

« En quelque partie du monde que vous soyez et de quelque nom que vous vous appeliez, je vous conjure, — Daimons qui avez la puissance de bouleverser le cœur des hommes et des femmes, — par Celui qui vous créa et peut vous détruire, — cette nuit venez sur ces nourritures, et sans retard influez-les autant qu’il convient, afin qu’elles aient la vertu de forcer l’homme ou la femme que je voudrai, à mon amour. »

La pomme dispose aux voyages, oblige lapins lointaine personne à tout quitter pour revenir.

Soyez sur pied avant le soleil levé le jour de Vénus (soit un vendredi), entrez dans un verger, cueillez-y la plus belle rainette, coupez-la en quatre, ôtez-en le cœur et mettez à la place un billet avec des caractères et des noms divins ; il faut incruster dans le fruit, sous la pelure soulevée, puis rebaissée, des paroles mystiques. Avec deux aiguilles en croix, vous traversez le fruit, disant : « Ce n’est pas toi que je traverse, mais qu’Asmodée traverse le cœur de celle que j’aime. » Jetez le tout au feu en marmottant : « Ce n’est pas toi que je brûle, mais, Asmodée, allume mon amour en cette femme comme brûle cette pomme. » Si vous avez glissé « le morceau de chair nommé hippomane », séché et réduit en poudre, au cœur d’une pomme rouge, faites manger l’un des quatre quartiers par celle que vous voulez soumettre. Ou faites boire cette poussière en un liquide ; si vous la gardez en poudre, touchez-en les habits ou la chair de la désirée.

Tout objet peut devenir talismanique, après les cérémonies requises ; ayant emmagasiné l’effluence mystique d’esprits coadjuteurs, imprégné par la volonté de l’opérant, il devient apte à « charmer », à imposer la passion, se nomme « ipsullice ». Pour cela, il est indispensable de prononcer la formule suivante :

« Je vous conjure, Ceil, Cil, Cadid, ministres de l’amour et préfets d’amitié, par Celui qui vous a créés, par le jour du jugement, par Celui qui régit la terre et fait trembler le ciel, de consentir à ce caractère, à cette image, à cette figure ; ainsi les personnes à qui je les aurai donnés ou montrés ou fait toucher me désireront, me chériront moi seul, tenant pour rien les leurs, abandonnant tout, et leur pensée sera toujours avec moi. »

L’expérience demande que l’objet passe une nuit sur une nappe d’autel. Le lendemain, l’ayant repris, vous direz, en regardant les étoiles :

« Agla, Agioth, Ethel, Van, Ia, Ia, Ia, Va, Va, Va, Ta, Ta, Ta, Eh, Eh, Eh, Malchin, Yoy, Grabe, Yse, Agay, Phogomos, Hol, Phan, Gigeom, Oy, Anepheneton, Nehon, Yoa, Gach[15].

« Seigneur, Père saint, qui as tout créé, et le cœur des hommes et des femmes, par les noms sacrés, dits au-dessus, illumine le cœur et l’esprit de cette femme, afin qu’elle me recherche d’un égal amour dont je l’aime et qu’elle fasse ma volonté, comme je ferai la sienne. Donne à cette expérience force et vertu, afin qu’elle soit conduite au résultat par Toi, Père Très Saint, qui vis et règnes, etc. Amen. »

La Brinvilliers faisait écrire par un prètre maudit les noms des deux amants sur une hostie ; après la consécration on en faisait goûter la poudre à l’infidèle[16].

Certaines plantes, dites attractives (la verveine citri odora, par exemple ou l’herbe dite hermaphrodite ! ) sont talismans d’amour en soi et sans conjuration. Van Helmont expose la manière d’en user et cite un exemple probant de sa puissance : « J’ai connu, dit-il[17], une herbe qui, chauffée et triturée dans la main jusqu’à ce qu’elle devienne tiède, a cette propriété, si vous serrez une main étrangère, de lui transmettre une telle affection pour vous que, pendant plusieurs jours, elle ne cessera d’en être enflammée. Ayant tenu le pied d’un petit chien, celui-ci se mit à me suivre avec un tel acharnement que, pendant toute la nuit, il ne s’arrêta de japer devant ma chambre à coucher jusqu’à ce que je lui aie ouvert. » J’ai eu sous les yeux un <r charme » plus moderne non moins effectif. C’était un parchemin replié en forme de cœur ; quelques signes y étaient inscrits[18] ; il renfermait, au dire de celui qui me le montra, un peu de pierre d’aimant, mise en poudre, de la verveine et une fleur cueillie sur le tombeau d’une vierge. Il était impossible de le porter sur soi, sans subir un bizarre malaise. Ce parchemin influençait la boussole à quelque distance et troublait certainement la volonté. Cependant, d’après son fabricateur, il ne valait rien, si on le comparait au véritable talisman d’amour, dont le secret est figuré dans un des détails de l’architecture de l’Alhambra, comme le mystère alchimique s’offre à l’archéologue sur le portail de Notre-Dame. Ce n’est, paraît-il, qu’une série de petites pierres, réunies en collier et intercalées de rondelles, produisant par leur contact une sorte de courant d’une électricité psychique tout à fait alarmante. Je n’ai jamais pu en savoir plus.


En fait, la grande ruse diabolique consiste à détruire l’équilibre dans l’organisme, à miner sourdement le vouloir par l’épuisement nerveux, anémiant l’âme et le corps, au point de ne laisser devant la brute assaillante qu’une forteresse démantelée aux soldats indécis et fiévreux. Le Diable érotique a peu de prises sur l’homme ou la femme sains ; il ne commence à devenir dangereux que lorsque, dit le Grimoire, « les enfants blancs ont tué les enfants rouges », c’est-à-dire lorsque la lymphe l’emporte sur le sang, quand les veines appauvries ne se gonflent plus que de globules pâles…

Il y a encore les breuvages aphrodisiaques… mais relèvent-ils de la magie ? Le philtre, le poison, l’excitant ! Ah ! ils infligent l’érotomanie, dans un vertige d’oubli, ils nous extériorisent, nous exaltent, font de nous des ivrognes qui se croient des dieux ou des amants. Breuvages d’illusion la plupart du temps, coupes que Circé dut faire vider à ces Grecs impétueux et grossiers qui la visitèrent. Consolants, ils abêtissent. Hilarants, ils égarent. Trop puissants, ils tuent. Un de ces philtres fit perdre à Caligula l’esprit ; parfois ils poussent au suicide. En vérité, je ne m’explique guère l’enthousiasme de Michelet pour eux. Il y voit notre science médicale moderne en aurore ; mais j’ai l’épouvante des abominables drogues, que dispensent nos ordonnances, je crois que notre débauche chimique a plus contribué à détruire les organismes, à précipiter les dégénérescences, que toutes les guerres, toutes les misères, les incurables maladies du moyen âge. Cet historien, qui délire devant ces infectes potions, va jusqu’à féliciter la sorcière faisant manger des excréments à la grande dame, aux seigneurs ses amants, sous prétexte de leur infuser l’amour. Ce philtre ne me déride même pas ; tout au plus, j’y vois le symbole des turpitudes charnelles, de la coprophagie, aboutissement logique de qui adora les organes par où l’humanité se débonde. Plus avisé, Jean Wier ne veut voir qu’âmes pourries en cette manie de l’ordure.

Nous avons connu une vieille, laquelle non seulemeat enchanta par boissons amoureuses, trois abbez consécutifs ; mais aussi les fit mourir, et mit le quatrième hors de son sens. Encore n’a-t-elle point de honte de confesser en public, qu’elle a faict cette meschanceté et fait encore, et que les abbez ne se sont pu retirer de son amour, pour autant qu’ils avaient mangé autant de sa fiente que son bras étoit gros…

Quant à moi, j’ay bien opinion que la fiente que elle disoit leur avoir fait manger, n’estoit autre chose que les ordes voluptez, lesquelles ces moynes, comme souillez en un bourbier, avoyent souventes fois expérimentées avec cette vieille exercitée en cest affaire et par lesquelles aussi ils estoyent tellement alléchez, comme par une ensorcellerie et empoisonnement, qu’onques ils ne peurent désister et rentrer leur bon sens. Voilà ce breuvage amoureux, voilà les ordures qu’avoient mangé aussi gros que le bras.

Avant de terminer, laissons encore la parole aux vieux auteurs ; langage naïf, leur cerveau simple savent noter bien mieux que nous ces gauches enchantements. D’ailleurs, ils y étaient plus experts, aussi bien pour les analyser que pour les combattre.

Communément les sorciers agissent dedans le corps ou par viandes ou par breuvages : auxquels ils meslent souvent les sacrements de l’Église catholique, comme l’hostie consacrée, ou non encore consacrée, mais marquée de certaines notes et lettres sanglantes, sur laquelle ils font dire et célébrer quelquefois une, deux, trois, quatre, cinq ou plusieurs Messes ; après ils la baillent à celui qu’ils veulent charmer, non pas entière comme elle est, ains fort subtilement pulvérisée ; et la luy font avaler dans ses viandes ou dans son boire. Ils se servent aussi quelquefois de la calaminthe en mesme façon, d’autant disent-ils qu’elle est d’une nature attractive, et qu’elle peut ravir le cœur et la volonté de celui qui l’avale à l’amour de celui qui la luy a présentée. Mais ce sont toutes faussetez et tromperies du Diable. Tels sorciers sont bien mesme si meschans que de faire bailler aux femmes leurs menstrues à boire aux hommes, et aux hommes de leur semence à manger et avaler aux femmes ; de la fiente même et autres excréments, comme plusieurs l’ont déposé par leurs confessions, et Sprenger l’a laissé par écrit.

À cela se servent-ils aussi le plus souvent et par un très impie sacrilège, dict Grillandus, de l’eau bénite des fonts baptismaux ou de celle du Bénitier, du sainct huile du baptême, du chrême ou d’extrême-onction, de rameaux d’olives bénistes, de rameaux de palmes, de chandelles bénistes, d’Agnus Dei, d’encens bénits, de cierges de Pasques.

En dehors des aphrodisiaques, vraiment d’un effet et d’un emploi trop simples, qu’y a-t-il d’objectif dans les autres recettes d’amour ? Je pense qu’elles se fortifient de fluide vital, qu’elles s’arment du magnétisme d’être marinées, longuement, avec décision, qu’elles ne deviennent pas que des symboles d’une volonté obsédante, mais encore des agents de cette volonté. Cependant cette concession faite à l’antique magie, combien ces ingrédients étaient plutôt de redoutables excitants pour l’imagination ! plus l’opération est difficile (cueillir le fruit à une heure dite, à un jour dit, prononcer et inscrire des noms bizarres, etc.), plus la matière est épouvantante (hostie, eau bénite, saintes huiles) ou sordide (sang gâté, excréments), plus l’âme s’entraîne, fait effort, plus le délire s’accroît, a chance de devenir contagieux. Celle qui triture d’ignobles mélanges n’est-elle pas prête aux ultimes sacrifices, résignée à tout pour être aimée, — déjà sure de vaincre ?


IV
LES VRAIS REMÈDES CONTRE LES PHILTRES DAMOUR


Nous aurions tort de nous imaginer trop crédule l’époque des nécromants et des exorcistes. De tout temps des âmes raisonnables furent mystiques. Il serait aussi injuste qu’inexact de supposer notre siècle seul détenteur du sens critique. Aussi je veux que les docteurs du temps passé aient ici le dernier mot.


Par ces Philtres, la volonté d’aucune femme ne peut estre forcée d’aymer celuy qu’elle ne veut pas aymer. Mais bien peut son imagination estre troublée, ses humeurs esmeües et tout son corps intérieur comme embrasé, de sorte qu’elle vienne en fin a estre touchée des blandices de la volupté, et tirée aux plaisirs deshonnestes de la chair. Et si l’amoureux qui l’aime s’approche alors d’icelle, et la sollicite instamment avec les mesmes artifices dont les simples femmes ont coustumes d’être déçeües, ou que le démon face assiduellement repasser devant sa mémoire et fantaisie les circonstances pour lesquelles il semble digne d’amour, et luy cache celles qui l’en rendroient indigne, il aduient aisément qu’elle se laisse gaigner.


Reste que nous parlions des remèdes propres contre tels philtres d’amour. Et premièrement il est certain que les antidotes et provisions que faisaient les Gentils à l’encontre d’iceux avec certaines incantations et purgations sont inutiles et défendues aux chrétiens.

Les remèdes chrétiens sont de très grande efficace contre ces Philtres tant ceux qui ont de la vertu contre toutes sortes de maléfices, que les moraux qui macèrent la chair et domptent la concupicence : coucher sur la dure, les haires, les disciplines et flagellations, les jeûnes : et de ceux-ci quelquefois les hommes sont obligés de se servir, sous peine de péché mortel si la nécessité le requiert. En Abstinence, comme éviter la vue de la chose aimée, fuir l’oisiveté et autres blandices de la chair dont discourt fort bien Ilelinan en ces termes : Veux-tu, dit-il, esteindre la volupté trop lascive ? oste les bois du feu lorsqu’ils sont embrasez. Et ces bois sont en grand nombre, dont toutes fois voici les principaux ; l’oisiveté, la paresse, le sommeil, la chair, les femmes, le vin, la prospérité, le jeu, la musique, la beauté, les jeunes enfants. En pratique comme l’occupation de l’âme en choses sérieuses, la méditation de la mort et de l’enfer, la lecture des bons livres, les prières faites à Dieu, l’imploration des secours des Saincts et des Anges, et principalement de la bienheureuse vierge Marie, laquelle, comme très amoureuse de la chasteté, désire surtout délivrer les hommes de cette tâche d’amour impudique et deshonneste. Il est aussi fort utile de faire souvent repasser devant les yeux, non cest forme et beauté extérieure qui doit périr dans peu de temps, fragile caduque, mensongère et fardée : mais l’intérieure et plus secrète constitution du corps, ce qu’elle estoit devant qu’on vit la lumière, sçavoir est une goûte de semence sale et puante : ce qu’elle est maintenant un sac plein d’excréments et d’ordures.


Ah ! nos misères physiologiques sont bien en vérité le meilleur dictame non seulement contre les philtres d’amour, mais encore contre toutes les tentations voluptueuses et perverses de l’amour !


  1. Deux livres de la hayne de Sathan et malins esprits contre l’homme, 1590, chez Guillaume de la Noue, in-12, p. 274.
  2. L’incrédulité et mécréance du sortilège plainement convaincue (p. 309). Voir aussi le Père Lebrun (Histoire critique des pratiques superstitieuses, t. Ier, p. 246) et Roch le Baillif : Le Demostrion, p. 115.
  3. On allait jusqu’à employer l’hirondelle pour exiger la fidélité !
  4. Comment ne pas rire tout à fait de cette insinuation du Livre de secrets de magie » (Bibliothèque de l’Arsenai) : « Pour dénouer l’éguillette, mettez du vif argent dans un chalumeau de paille et ce chalumeau sous le chevet du lit du maléficié. »
  5. « Si par l’art des sorciers et du Diable, il est advenu par un secret, mais juste jugement de Dieu, le Diable faisant ces choses, que ceux qui sont mariés ne se puissent connaître charnellement, il faut exhorter ceux à qui ceci advient que d’un cœur contrit, ils se confessent à Dieu, et s’ils ne peuvent être guéris, qu’ils soient séparés ! »
  6. Vincent de Beauvais en donne un étrange exemple au livre 26 de son Miroir historial.
  7. Les amantes de Tibulle ont découvert le chant mystérieux qui trompe l’époux : « Trois fois tu chanteras, dit l’une d’elles, trois fois tu cracheras. Ainsi il n’en croirait pas même ses yeux, s’il me voyait dans ta couche voluptueuse. » Properce est plus sombre ; à part le détail charmant et symbolique du rhombe (l’amant tourne aux vœux de sa maîtresse ainsi, qu’une toupie) il réclame un crapaud gonfle près d’un buisson, des tronçons de serpent, des plumes de hiboux ramasses sur des tombeaux écroulés, la bandelette du lit d’un mort. Cette cuisine sent la décadence.
  8. Cette tradition s’est perpétuée jusqu’au xviiie siècle et même de nos jours ; je trouve cette recette dans le procès de la Brinvilliers (Archives de la Bastille). « Jetez dans le feu un fagot avec de l’encens et de l’alun et dites : fagot je te brûle, c’est le cœur, le corps, le sang, l’entendement, le mouvement, l’esprit de N… qu’il ne puisse demeurer en repos jusqu’en la moelle de ses os, rester en place, parler, monter à cheval, boire et manger, avant qu’il ne soit venu accomplir mon désir. »
  9. La magicienne entreprend la « charge magique » pour se faire aimer : nous avons étudié le secret de ce rite dans l’Envoûtement de haine.
  10. Dans Virgile, je le sais bien, un berger incante et non une bergère — mais c’est aussi pour un berger et l’on dirait qu’il récite la leçon de Théocrite qui est dictée pour une femme.
  11. Que la sorcellerie est clémente ! grâce à elle vous pouvez voir en songe celle que vous épouserez ; vous dégoûterez votre amie de tout autre que vous ; vous empêchez ou précipitez les conceptions ; vous pénétrez les secrets des filles ; vous arrivez même à connaître si elles sont vierges ou non ; vous héritez des vaillances d’Hercule ; vous êtes garanti du cocuage ; et vous pouvez, exerçant votre malignité jalouse, faire se brouiller deux autres amants !
  12. Voici les gracieuses paroles : « Je te conjure, Étoile lumineuse, flamboyante et amoureuse ! je te salue, la sainte d’Orient, semblable à celle qui parut à saint Léonard lorsqu’il monta au Ciel. Je te conjure au nom du grand Dieu vivant que tu ailles étincelante, afin qu’elle soit forcée de faire ma volonté qui est… » On la fait les trois premiers vendredis du mois, à onze heures et demie du soir ; il faut fixer l’Etoile, être aile à la messe ce jour-là, faire l’aumône et prier pour les âmes du purgatoire et les enfants mort-nés.
  13. Bibliothèque de l’Arsenal.
  14. Certains magiciens modernes se plaisent à jeter au feu, en l’appelant, la photographie de celle qu’ils veulent voir revenir.
  15. Il n’est pas nécessaire d’être fort hébraïsant, ni très bon helléniste, pour reconnaître les divines appellations en ces sonorités que brouillèrent des bouches ignorantes et des scribes hypocrites.
  16. Voir au chapitre des « Messes noires » (Messe de Guibourg), de plus bas sacrilèges en Tue de l’amour ; ils subodorent le raient de passions comprimées de prêtres !
  17. De magnetica vulnerum curatione.
  18. En magie amoureuse tout billet est écrit avec de l’encre « de sympathie, d’estime et d’amour » où il y a de la cendre d’une lettre tendre, de la poudre d’aimant et du lait de femme !