Plon (4p. 70-72).

XXII


Cependant, la nef vogua toute la nuit et au matin aborda dans la marche d’Écosse non loin d’un château fort qui avait nom Cartelois. Les trois compagnons et la Pucelle-qui-jamais-ne-mentit descendirent et, voyant au loin les tours de la forteresse, ils résolurent de s’y rendre à pied à travers bois. Mais la forêt était épaisse, en sorte qu’ils s’y perdirent peu après qu’ils y furent entrés.

— Savez-vous ce que nous ferons ? dit la pucelle. Prions le Haut Maître de nous indiquer notre voie.

Ils se mirent à genoux et demeurèrent en prières et oraisons depuis l’heure de prime jusqu’à celle de tierce ; et, après ce temps, ils virent sortir d’un fourré un cerf plus blanc que fleur naissante au pré, qui portait au cou une chaîne d’or ; autour de lui marchaient quatre lions, deux en avant, deux en arrière, qui le gardaient avec autant de soin qu’une mère son enfant ; mais ils passèrent devant la pucelle et les chevaliers sans leur faire aucun mal.

— Suivons-les, dit-elle, car cette aventure est de par Dieu.

Ainsi firent-ils, et ils arrivèrent bientôt à une chapelle où ils entrèrent derrière les animaux. Un prêtre revêtu des armes de Notre Seigneur se préparait à y dire la messe du Saint-Esprit. Mais, à peine avait-il commencé, Galaad et ses compagnons virent le cerf se changer en un Homme qui s’assit dans une riche chaire dessus l’autel, tandis que les quatre lions se muaient l’un en homme, le second en aigle, le troisième en lion ailé, le quatrième en bœuf ; puis tous quatre soulevèrent la chaire où siégeait l’Homme et s’envolèrent par une verrière sans briser un seul carreau. Et Galaad, Perceval, Bohor et la Pucelle-qui-jamais-ne-mentit connurent ainsi que les cinq bêtes qui les avaient conduits signifiaient Jésus-Christ et les quatre Évangélistes.