Plon (4p. 62-64).

XIX


Après avoir quitté le châtel aux Pucelles, il mit à fin maintes aventures dont le conte ne dit mot ; mais c’est qu’il y aurait trop à faire si l’on voulait les narrer l’une après l’autre. Un jour, dans un tournoi, il rencontra monseigneur Gauvain et Hector, et il ne les reconnut point, car ils avaient changé leurs armes, mais eux, sitôt qu’ils eurent aperçu l’écu blanc à la croix vermeille, ils se dirent l’un à l’autre :

— Voilà l’écu dont le roi Ydier nous a parlé : c’est Galaad ! Celui qui l’attendrait serait fou, car rien ne peut durer contre lui.

Or, dans le même instant, le bon chevalier arrivait, fracassant comme la foudre, et au passage, d’un seul coup d’épée, il fendit le heaume et la coiffe de fer de monseigneur Gauvain, lui trancha le cuir et la chair jusqu’à l’os et lui fit vider les arçons. Ce que voyant, Hector s’éloigna un peu, tant parce qu’il songea que c’eût été sottise que de se mesurer contre l’homme capable de donner de tels coups, que parce qu’il devait aimer et protéger son neveu Galaad plutôt que le combattre. Et tous les chevaliers du tournoi furent dolents quand ils surent que c’était monseigneur Gauvain qui avait été navré de ce grand coup, car il était l’homme du siècle le plus connu et le plus aimé de toutes gens. Ils le portèrent au château où il fut désarmé et couché dans une chambre, loin du bruit ; puis ils mandèrent un médecin et lui promirent qu’ils le feraient riche s’il guérissait le blessé. À quoi le mire s’engagea.

Galaad cependant continuait son chemin. Et bientôt il vit venir à sa rencontre une demoiselle tout enveloppée de voiles de lin, qui lui dit :

— Galaad, suivez-moi, en nom Dieu ! Je vous mènerai à la plus haute aventure qu’un chevalier ait jamais connue.

Elle le conduisit droit au rivage de la mer. Là se trouvait la nef qui portait Perceval et Bohor.

— Sire, soyez le bienvenu, s’écrièrent les deux chevaliers, car nous vous avons longuement attendu !

Alors le bon chevalier et la pucelle ôtèrent à leurs chevaux le frein et la selle et leur donnèrent la liberté pour qu’ils trouvassent leur pâture ; puis, après avoir fait le signe de la croix, ils entrèrent dans la nef qui cingla vers le large aussitôt.